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Dans les ateliers du prochain prototype Solar Impulse

Solar Impulse au-dessus de la baie de San-Francisco. solarimpulse / Revillard

Alors que l’aéroplane Solar Impulse se lance dans une série de vols d'essai à travers les Etats-Unis, ses ingénieurs développent sur les bords du lac Léman des matériaux de pointe pour la prochaine version de l'avion solaire.

Le but des créateurs de Solar Impulse – Bertrand Piccard et André Borschberg – n’est pas tant d’établir des records que de promouvoir et tester des technologies à base d’énergie renouvelable. Avec quelque 80 partenaires, dont de nombreuses entreprises suisses, qui ont aidé à concevoir, construire, tester et faire voler le prototype, la richesse de la recherche générée par le projet a des retombées bien au-delà de l’avion lui-même.

En Suisse romande, loin des acclamations et des caméras, la construction du prochain avion Solar Impulse, le HB-SIB, est en cours. Pour les partenaires industriels de Solar Impulse et son conseiller scientifique, l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), l’avion solaire est un concentré de défis technologiques, comme la mise au point des bons matériaux.

Il n’y a pas un seul rivet dans Solar Impulse, toutes ses parties sont collées ensemble. En cherchant un matériau ultra-léger et très résistant pour ce prototype, les ingénieurs ont dû repousser les limites des matériaux composites.

Le défi a été relevé par Décision SA et North TPT, deux entreprises de la région lausannoise travaillant en étroite collaboration avec l’EPFL, par ailleurs aussi actives dans le secteur de l’industrie navale.

En 2010, sept ans après le lancement du projet, le prototype Solar Impulse réalise un vol de 26 heures, devenant ainsi le premier avion solaire au monde à voler de nuit.

En 2011, le prototype vole jusqu’à Bruxelles, puis vers Paris.

En 2012, il effectue avec succès son premier vol intercontinental en reliant l’Europe à l’Afrique.

En mai 2013, Solar Impulse s’est envolé pour San Francisco (Californie) et fera escale à Phoenix (Arizona), Dallas (Texas) et St-Louis (Missouri), avant de rejoindre Washington DC et New York.

Plus léger que le papier

Le squelette ultra-léger du fuselage, la cabine et les ailes d’un premier prototype, le HB-SIA, qui vole actuellement aux États-Unis, ont été fabriqués par Décision en collaboration avec l’EPFL. Il a fallu une année de tests à l’entreprise pour obtenir la bonne structure en nid d’abeille du premier avion. Et ce en utilisant des feuilles de carbone pesant seulement 93 grammes par mètre carré.

«C’est à la fois de la haute technologie et un travail très artisanal», relève Bertrand Cardis, le directeur de Décision dont les ateliers ont produit plusieurs voiliers Alinghi et une aile pour Yves Rossy (alias Jetman).

Les techniciens sont en train de préparer des panneaux individuels pour le nouveau fuselage de Solar Impulse et travaillent à son assemblage. «Chaque pièce a nécessité 6000 heures de travail», détaille Bertrand Cardis.

L’objectif est d’avoir un avion encore plus léger avec une envergure d’aile plus large et plus d’espace pour les panneaux solaires. Les feuilles de carbone utilisées pour le nouvel avion sont trois fois plus légères que le papier, soit 25 grammes par mètre carré.

«Pour le développement de ce projet, il faut quitter sa zone de confort, souligne Bertrand Cardis. Il faut à la fois prendre des risques et les minimiser. Cela implique beaucoup de recherches à l’EPFL.» 

La proximité géographique des principaux acteurs de la recherche sur les matériaux et du développement de ce projet est un grand avantage, selon Pascal Vuilliomenet de l’EPFL: «Nous avons ici un pôle d’expertise inestimable.»

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Matériau composite

North TPT – le fournisseur de Décision – est à quelques minutes en voiture. Sur le site d’une ancienne fabrique de câble, North TPT a développé un nouveau type de voile pour Alinghi, le vainqueur de la Coupe de l’America  en 2007. Le matériau a été créé dans un moule à partir d’un nouveau type de carbone composite, qui est principalement utilisé pour les voitures, les bateaux et les trains.

Ce composite de carbone est constitué de couches de feuille de fibres «pré-imprégnée», soit un mélange de fibres et de résine renforcée, soudé par la cuisson. North TPT, en collaboration avec les chercheurs de l’EPFL, développe aujourd’hui un matériau beaucoup plus fin. Il est composé de beaucoup plus de couches de fibres, posées l’une sur l’autre dans des directions différentes. Le résultat est plus léger et plus solide que les précédentes réalisations de l’entreprise.

«C’est comme d’avoir plus de pixels dans une photographie», commente François Mordasini, le directeur général de North TPT.

Le nouveau matériau est si mince qu’il faut un robot particulier pour placer les différentes couches de fibre selon des angles différents, pour produire des feuilles ou des blocs de carbone composite sur mesure. Un produit qui peut être utilisé pour toutes sortes d’objets, que ce soit une canne à pêche ou un bolide de course.

North TPT doit aussi développer de nouveaux programmes informatiques pour le calcul de la structure composite, à même de gérer l’assemblage d’un plus grand nombre de couches. Avec ces éléments en place, le nouveau matériau peut être pleinement exploité.

«Nous avons mis en place une nouvelle boîte à outils qui nous permet d’optimiser les matériaux sur une base individuelle», ajoute François Mordasini.

Mise à l’épreuve

La mince couche ainsi obtenue a des propriétés différentes des composites standards, selon une analyse menée par Robin Amacher et ses collègues du Laboratoire de mécanique appliquée et d’analyse de fiabilité à l’EPFL.

«Ce qui est remarquable dans ce matériau composite, c’est qu’il a un point de rupture plus élevé et une cassure plus nette. La résistance à l’usure donne aussi des résultats étonnants. Ces propriétés permettent au concepteur de faire pleinement usage de la performance du matériau», assure Robin Amacher.

«Nous ne mesurons pas seulement les valeurs, mais nous étudions également comment les matériaux se brisent. Ces éléments connus, vous pouvez faire des propositions d’amélioration», précise l’ingénieur.

C’est en 2003 que l’EPFL a rejoint le projet Solar Impulse, en réalisant une étude de faisabilité. Depuis lors, une série d’axes de recherche ont été mis en place, comme la mise au point de capteurs d’interface homme-machine. Les pilotes de Solar Impulse doivent en effet rester en alerte pendant de longues périodes. Les premiers vols virtuels (dans un simulateur de vol dédié) sont prévus en décembre prochain.

«Les projets tels que Solar Impulse sont intéressants pour nous, non seulement pour mettre en valeur la technologie, mais aussi parce que nos étudiants sont impliqués dans une recherche d’innovation de haute qualité. Et ils peuvent constater que leur contribution est immédiatement utilisée. Ce type de transfert de technologie profite à tout le monde», souligne Pascal Vuilliomenet.

(Traduction de l’anglais: Frédéric Burnand)

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