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Le cours de science peut produire des résultats concrets

L'écosystème alpin de Leysin en Suisse romande est un environnement fertile pour les scientifiques en herbe. LAS Alpine Institute

Pourquoi ne pas conserver et partager les données recueillies dans le cadre de projets scientifiques scolaires, au lieu de les mettre à la poubelle en fin de journée? Ne pourraient-elles pas représenter une ressource unique et précieuse pour les scientifiques? Les sciences citoyennes répondent par l’affirmative. Reportage à Leysin.

On est le 8 mars. Il est tôt, et le pavé est encore sec dans la ville d’Aigle, située à quelques kilomètres à l’est du lac Léman. Mais après une montée de 20 minutes en funiculaire, nous arrivons au village de Leysin, où un tout autre paysage nous attend: il neige et on ne voit déjà plus le sol.

Des projets de sciences citoyennes pour les régions germanophones, francophones et italophone sont catalogués et partagés par le Réseau suisse de sciences citoyennesLien externe (site en français, allemand et anglais), un programme de la fondation Science et CitéLien externe, qui encourage le dialogue entre la science et les citoyens.

Le programme GLOBE, initialement lancé par la NASA en 1995, avait pour but de créer une communauté mondiale d’élèves, d’enseignants, de scientifiques et de citoyens travaillant ensemble pour comprendre, améliorer et préserver l’environnement aux niveaux local, régional et mondial. Il existe maintenant une version européenne de GLOBE, qui comprend un réseauLien externe de projets et d’écoles suisses, dont le LAS Alpine Institute est également membre (site Web en français, allemand et italien).

Ce temps hivernal n’a toutefois pas empêché quatre écoles internationales suisses d’emmener leurs élèves au lycée américain privé, Leysin American SchoolLien externe (LAS), pour participer à la troisième édition du GLOBE Day, qui a lieu tous les ans. Il s’agit d’un forum scientifique où l’on peut découvrir des projets en science, technologie, ingénierie et mathématiques (STEM) ainsi que des projets de sciences citoyennes.

La salle de gym de cet internat international anglophone est remplie d’élèves âgés entre 12 et 18 ans. Ils sont regroupés autour de tables drapées de tissus blancs sur lesquelles on aperçoit des dizaines de posters colorés.

Les données collectées par les étudiants de l’institut LAS Alpine peuvent aider les scientifiques à surveiller le réchauffement climatique. LAS Alpine Institute

«Nous allons accrocher trois ou quatre posters aux abords de la forêt, près de l’établissement, pour expliquer aux randonneurs comment télécharger une appli de sciences citoyennes dénommée iNaturalistLien externe», nous explique Hermann, un élève de 9ème au LAS, en pointant son poster du doigt.

«C’est vraiment intéressant, car on peut prendre des photos des arbres et les partager via l’appli. Ainsi, des scientifiques du monde entier peuvent les analyser et recueillir des informations fondamentales à partir de ces données.»

Alex, une autre élève de 9ème au LAS, raconte comment elle et les membres de son groupe de projet utilisent également cette appli pour rassembler des données saisonnières sur des espèces animales locales.

«Vous pouvez prendre des photos d’excréments, d’empreintes ou même d’un nid ou de coquilles d’œufs. Il vous suffit alors de télécharger la photo sur l’appli, et si votre identification n’est pas correcte, alors d’autres personnes, notamment des scientifiques, peuvent vous corriger.»

Mais pourquoi ces informations intéressent-elles tellement les scientifiques?

Le professeur de sciences, Dan Patton, explique que ces observations s’inscrivent dans un projet visant à étudier l’écologie de la forêt de Beau Réveil au fil du temps, en enregistrant tous les changements qui s’y produisent chez les arbres, en termes de populations, d’espèces et de tailles, et ce à différentes altitudes.

«Notre but est de mener cette étude sur le long terme, afin de pouvoir observer des changements provoqués peut-être par le changement climatique ou l’arrivée d’espèces invasives», souligne Dan Patton.

Le GLOBE Day à LAS

John Harlin est le coordonnateur du GLOBE Day au LAS. Il dirige le Alpine InstituteLien externe, un programme du LAS en matière d’éducation en plein air qui vise à enseigner les sciences différemment.

«Habituellement, lorsque les enfants font une expérience ou participent à un projet de recherche en biologie, une fois ce projet terminé, tout leur travail part à la poubelle», nous explique John Harlin. «Certes, les élèves apprennent peut-être quelque chose, mais ça n’apporte strictement rien à la science.»

M. Harlin est aussi le coprésident du groupe de travail chargé de l’apprentissage et de l’éducation de la European Citizen Science AssociationLien externe (association européenne de sciences citoyennes), dont le but est d’aider les écoles et les enseignants à développer des programmes qui comprennent de véritables exercices de collecte et d’analyse de données scientifiques.

«La particularité des sciences citoyennes est que les données recueillies sont réellement enregistrées et partagées, voire même combinées à d’autres données. Ainsi, ces données deviennent utiles, et on a pu constater que lorsque les élèves contribuaient réellement à la science, ils étaient plus motivés pour apprendre.»

Le GLOBE Day organisé par le lycée américain de Leysin est inspiré d’un programme de la NASALien externe portant le même nom et qui veut dire «Global Learning and Observation to Benefit the Environment» (apprentissage et observation au niveau mondial dans l’intérêt de l’environnement). La version LAS de GLOBE est une sorte de mini conférence scientifique, où la moitié des élèves explique ses projets à l’aide de posters pendant que l’autre moitié pose des questions. Après environ trente minutes, un gong retentit et les groupes s’inversent.

M. Harlin ajoute que cet événement, tout comme la participation aux sciences citoyennes, inspire les élèves et les encourage à s’investir davantage, car ils savent que leur travail sera partagé avec une communauté plus large et fera partie de quelque chose d’encore plus grand.

Faire des découvertes et apporter sa pierre à l’édifice

L’idée derrière les sciences citoyennes est que la recherche n’appartient pas aux seuls scientifiques, mais que tout le monde peut y participer et nous apprendre quelque chose sur le monde qui nous entoure. Les projets de sciences citoyennes peuvent porter sur n’importe quel sujet, qu’il s’agisse d’observation du comportement migratoire des oiseaux, d’identification des plantes, d’observation des systèmes planétaires ou encore d’études d’événements climatologiques.

Au LAS, Dan Patton dirige le programme LETSLien externe (étude par transect de l’environnement local). Une fois par an, il organise un événement BioBlitz,Lien externe qui consiste à identifier et à cataloguer le plus d’espèces possible dans une région donnée en une seule journée. Les données collectées par les élèves lors du Bioblitz peuvent aider les scientifiques à suivre les changements saisonniers pendant l’année, tels que le bourgeonnement des fleurs, la chute des feuilles ou encore les changements de couleur chez les animaux. Sur le long-terme, ces informations peuvent aider les scientifiques à étudier le changement climatique.

«Notre principal objectif est d’institutionnaliser la recherche que nous menons dans les environs pour qu’elle se poursuive encore pendant longtemps, même une fois que nous ne serons plus là. Si on pouvait poursuivre ces études pendant des décennies, alors on obtiendrait une véritable étude de recherche sur le climat, et cela grâce à la stabilité de notre établissement», souligne M. Harlin.

D’après Dan Patton, le plus grand défi consiste à rassembler les données dans un format pouvant être utilisé et partagé facilement, ce à quoi il travaille avec des scientifiques locaux. Il espère un jour voir ces données exploitées dans une publication scientifique.

Le point de vue depuis l’école américaine de Leysin. swissinfo.ch

Mais si ces données sont aussi importantes, pourquoi les scientifiques ne les recueillent-ils pas eux-mêmes?

John Francis, le principal intervenant du GLOBE Day, explique à SWI que la grande force des sciences citoyennes, c’est qu’elles peuvent éveiller la curiosité des gens partout dans le monde, qui, peut-être, se trouvent au bon endroit au bon moment pour recueillir des données intéressantes.

«Une grande partie des coûts liés à la collecte de données de qualité tout au long des différentes saisons est absorbée par des difficultés d’ordre logistique. Il n’est effectivement pas toujours facile de se rendre à l’endroit souhaité. Par conséquent, le fait de mobiliser des «citoyens scientifiques» s’avère très efficace», ajoute M. Francis qui était, avant de prendre sa retraite récemment, vice-président pour la recherche, la conservation et l’exploration au sein de la National Geographic Society.

Chris McOwen, chercheur en conservation marine au Centre mondial de surveillance de la conservation du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et à l’Université de Cambridge, a également prononcé un discours lors du GLOBE Day. Selon lui, c’est une erreur de ne compter que sur les scientifiques pour résoudre les problèmes du monde.

«On pense que c’est le savant en blouse blanche, depuis son laboratoire, qui trouvera des solutions à tous nos problèmes. Mais si l’on prend l’exemple de la surpêche ou de la pollution des océans, ils existent toujours», ajoute M. McOwen. «Nous devons responsabiliser les enfants, les jeunes adultes et les adultes, les encourager à agir et réveiller leur passion et leur curiosité pour contribuer à faire avancer les choses. Les sciences citoyennes sont l’un des moyens qui nous permettent réellement d’y parvenir.»

Et recueillir les données n’est que la pointe de l’iceberg. John Harlin nous confie qu’il aimerait ajouter à l’avenir l’analyse de données au programme de sciences citoyennes de LAS, afin de rendre l’enseignement scientifique plus exhaustif.

«C’est l’un des défis que nous devons relever ici: aller au-delà de la simple collecte de données et faire en sorte que les élèves puissent aussi les interpréter et, espérons-le, partager leurs observations», conclut-il.

Outre l’innovation et les sciences citoyennes, la Suisse est connue depuis longtemps pour ses écoles internationales. Le Swiss Group of International Schools (SGISLien externe) compte 44 institutions membres à travers le pays, dont le LAS. Elles proposent à des élèves venus du monde entier des programmes d’étude très variés pour les niveaux primaire et secondaire, sous forme d’école de jour ou d’internat. Elles sont nombreuses à offrir une éducation bilingue ou trilingue ainsi que des certificats et diplômes internationaux.

Traduction: Übersetzer-Gruppe Zürich

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