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Les experts pour l’échange automatique d’informations

La pression est toujours plus forte pour que les banques livrent leurs informations. Keystone

La Suisse devrait intégrer l'échange automatique d'informations dans sa stratégie de l'argent propre. C'est la recommandation d'un rapport d'experts, dont le gouvernement a pris acte. Ce système correspond à l'exigence de tous les grands acteurs, comme l'UE, l'OCDE ou les Etats-Unis. Un changement de cap est capital pour la place financière suisse.

Le rapport du groupe d’experts, comprenant treize personnes et dirigé par le professeur de l’Université de Berne, Aymo Brunetti, a été présenté vendredi à la presse.

Tendance à la transparence

L’imposition à la source proposée en vain par la Suisse n’est pas acceptée au niveau international. Certains Etats se méfient du fait que leurs contribuables puissent acquitter anonymement leurs impôts dans un Etat partenaire. La possibilité d’étendre ce type d’accord au-delà de l’Autriche et de la Grande-Bretagne (deux pays qui ont accepté ces accords dits “Rubik”) est dès lors limitée, estiment les auteurs.

Actuellement, la tendance aux Etats-Unis, dans l’Union européenne (UE) et dans l’OCDE va dans le sens de la transparence envers les autorités fiscales. Dans ce contexte, la Suisse doit prendre l’initiative de faire un pas au-delà des normes actuelles en vigueur. En échange, elle doit obtenir des garanties pour l’accès au marché étranger.

Cinq recommandations

Le rapport propose cinq recommandations. Premièrement, la Suisse accepte que l’échange automatique de renseignements devienne la norme internationale. Elle garantit qu’elle n’accepte plus d’argent de clients étrangers non déclaré au fisc. Elle ne doit plus proposer la retenue à la source comme une solution alternative.

Dès lors que les banques garantiraient la conformité fiscale de leurs clients, elles feraient regagner à la place financière une certaine reconnaissance, ce qui mettrait fin aux critiques voire aux ennuis judiciaires à l’étranger. Elles gagneraient aussi en sécurité juridique. Sans sécurité, la place financière serait à terme affaiblie, selon le document.

La Suisse doit ensuite participer activement et immédiatement au sein de l’OCDE à l’élaboration d’une norme internationale d’échange automatique d’informations avec une portée large, valable y compris pour les trusts et les sociétés de domicile. Cette norme devra être appliquée par toutes les grandes places financières. Les auteurs notent toutefois que les négociations pourraient prendre beaucoup de temps.

En 2005, l’UE a introduit une directive qui permet à chaque pays d’obtenir automatiquement les données concernant les avoirs et les revenus du capital de ses propres citoyens résidant dans les autres Etats-membres.
 
Cet échange automatique d’informations a jusqu’à présent été rejeté uniquement par l’Autriche et le Luxembourg, qui encaissent cependant un impôt à la source de 35% sur les revenus du capital des citoyens des Etats-membres.
 
Ces prélèvements sont ensuite reversés aux autres Etats, sans
indication des noms des clients de ces banques. La Suisse a également adopté ce modèle dans ses relations avec l’UE.

Compte tenu des lacunes du système actuel, l’UE a décidé d’étendre dès 2015 l’échange automatique d’informations à cinq catégories de revenus et de capitaux: les revenus du travail, les jetons de présence, les produits d’assurance-vie, les pensions, les propriétés et les rentes immobilières.

L’UE exige également de l’Autriche, du Luxembourg et de la Suisse l’abandon du secret bancaire et l’adoption de l’échange automatique d’informations. Le Luxembourg a déjà annoncé qu’il introduirait l’échange automatique le 1er janvier 2015 et l’Autriche devrait prendre la même voie.

Selon Bruxelles, l’évasion fiscale fait perdre chaque année 1000 milliards d’euros aux membres de l’UE.

Appliquer les directives de l’OCDE

Troisième recommandation: la Confédération doit appliquer de toute urgence les directives de l’OCDE, ce qui lui permettra d’être admise à la seconde phase de l’examen par les pairs l’automne prochain. Il s’agit notamment de réaliser rapidement une disposition relative à la notification dans l’assistance administrative à des fins fiscales.

Quatrième point: avec l’UE, Berne doit s’assurer qu’avec les nouvelles dispositions européennes, l’accès au marché ne soit pas bloqué. Il s’agit en outre de régler le passé de manière équitable avec les principaux membres de l’UE.

Si Bruxelles et les Etats concernés trouvent une solution sur ces deux points, la Suisse devrait alors proposer d’emblée l’échange automatique de renseignements lors des négociations sur l’élargissement de l’accord sur la fiscalité avec l’UE. Y compris si cette norme n’est pas encore reconnue comme un standard international.

Cette dernière recommandation n’est pas partagée par tous les membres du groupe d’experts. Une minorité pense qu’il faudrait d’abord s’accorder avec l’UE sur une norme internationale d’échange automatique de renseignements et appliquer ensuite cette norme à la fiscalité de l’épargne.

Rupture

Cette stratégie rompt complètement avec celle défendue jusqu’à présent par la cheffe du Département fédéral des finances (DFF), Eveline Widmer-Schlumpf. Celle-ci a expliqué vendredi devant la presse que le Conseil fédéral, bien qu’il estime toujours que le système de la retenue à la source soit plus efficace que l’échange automatique d’informations, reconnaît que la tendance ne va pas dans son sens.

Pour la conseillère fédérale, il importe surtout de définir désormais clairement ce que doit recouvrir l’échange automatique d’informations. Au sein de l’OCDE, la Suisse va chercher des alliés qui sont sur la même longueur d’onde qu’elle, a-t-elle dit en substance.

Le Parti libéral radical (PLR) a salué cette approche qui ne s’empresse pas de faire des cadeaux à l’UE. De son côté, le Parti démocrate-chrétien  (PDC) estime le rapport trop défensif.

Pour sa part, l’Association suisse des banquiers (ASB) pourrait envisager un échange automatique d’informations, si la Suisse, en tant qu’Etat tiers, obtient une période transitoire au-delà du 1er janvier 2015. De même que l’Association des banquiers privés suisses (ASBP), l’ASB réclame une régularisation équitable et viable du passé et un accès au marché sans discriminations.

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