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Les Jeux d’hiver en Valais, «un mauvais signal au mauvais moment»

C'est en 1948, au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, que la Suisse a accueilli pour la dernière fois les Jeux olympiques d'hiver. Toutes les candidatures helvétiques ont depuis échoué devant le peuple ou le CIO. Sion 2026 sera-t-elle la bonne? RDB

Après l’échec de Sion 2006, le Valais se lance à nouveau dans la course olympique. Le coup d’envoi d’une candidature pour les Jeux de 2026, qui doit englober l’ensemble de la Suisse occidentale, a été lancé vendredi. Pas de quoi toutefois convaincre Christophe Clivaz, écologiste valaisan et spécialiste du tourisme durable à l’Université de Lausanne.

En Valais, le rêve olympique est en train de renaître gentiment de ses cendres. Une candidature nommée «Sion 2026. Les Jeux au cœur de la Suisse», qui entend profiler quatre cantons de Suisse occidentale et la ville-hôte de Sion pour l’organisation des Jeux d’hiver de 2026, a été officiellement lancée vendredi.

La candidature suisse pour les Jeux olympiques de 2026 englobe quatre cantons de Suisse occidentale. zVg

Une autre candidature, grisonne celle-ci, prévoit de répartir les compétitions sur plusieurs cantons, dont Thurgovie, Saint-Gall ou encore Schaffhouse. Le Parlement du sport de Swiss Olympic tranchera en avril entre ces deux options, tandis que le processus de sélection international s’achèvera en juin 2019.

Professeur à l’Institut de géographie et durabilité de l’Université de Lausanne Lien externeet conseiller municipal de la ville de Sion sous la bannière des Verts, Christophe Clivaz dénonce une candidature coûteuse qui se base sur un modèle de développement touristique dépassé.

swissinfo.ch: La candidature de Sion aux Jeux olympiques de 2026 est-elle une bonne nouvelle pour le Valais?

Christophe Clivaz: Je ne suis absolument pas favorable à cette candidature olympique. En tant que conseiller municipal de Sion, je suis très inquiet pour l’avenir des finances de ma ville. Les études montrent que de 1960 à 2012, le dépassement moyen du budget initial des Jeux olympiques d’hiver a atteint 179%.

L’intellectuel et écologiste valaisan Christophe Clivaz s’oppose à une candidature de Sion aux Jeux olympiques de 2026. swissinfo.ch

Si on devait organiser des Jeux, même décentralisés, cela signifierait qu’une grande partie de nos ressources financières et humaines seraient consacrées à ce projet durant plusieurs années. On n’aurait plus les moyens d’investir dans d’autres domaines prioritaires comme l’éducation ou les crèches par exemple.

swissinfo.ch: Mais ne serait-ce pas la bonne occasion de relancer l’industrie du tourisme valaisan, qui vit des heures difficiles?

C.C.: Avec le changement climatique, les acteurs touristiques sont appelés à diversifier leurs activités et à se focaliser davantage sur la saison estivale. Organiser des Jeux olympiques d’hiver en Valais, c’est précisément envoyer le mauvais signal au mauvais moment. Les promoteurs de cette candidature ne font que faire perdurer le vieux modèle, celui qui consiste à dire que l’avenir du tourisme passe uniquement par l’hiver et les sports de neige.

swissinfo.ch: Des Jeux olympiques peuvent pourtant être une bonne occasion de repenser l’avenir d’une ville ou d’une région…

C.C.: Effectivement, à Turin, par exemple, les JO de 2006 ont permis de relancer le tourisme local et de réaliser des aménagements urbains qui n’auraient pas vu le jour autrement. Mais à Sion, je ne vois honnêtement pas ce qu’on pourrait entreprendre ou financer de plus grâce aux Jeux. 

swissinfo.ch: Le promoteur valaisan Christian Constantin entend transformer le site de la raffinerie de Collombey-Muraz en village olympique et en ville écologique du futur. En tant qu’adepte du développement durable, cela devrait vous plaire, non?

C.C.: Christian Constantin a du flair, il sent qu’il y a un intérêt pour la dimension écologique de son projet. Mais son métier, c’est de construire, il veut se donner du travail, un point c’est tout. Ce n’est pas un hasard si c’est lui qui est à l’origine de la candidature de Sion 2026 et non les milieux touristiques.

Tant mieux s’il parvient à réaliser quelque chose d’ambitieux sur ce site pollué, mais son projet rencontre de vives résistances dans la région du Chablais. En construisant une ville pouvant accueillir 20’000 habitants, il doublerait quasiment d’un seul coup la population locale. On n’a pas l’habitude d’approuver d’un claquement de doigts de tels projets en Suisse.

swissinfo.ch: Les autorités valaisannes soutiennent largement cette candidature. Après l’échec de Sion 2006, parviendront-elles à ranimer la flamme au sein de la population?

C.C.: Les autorités politiques valaisannes ont la fâcheuse habitude d’envoyer de faux messages à la population. Ce fut déjà le cas en 2012 à l’occasion de la votation sur la Lex Weber. Le gouvernement s’est mobilisé pour clamer d’une seule voix que l’avenir du tourisme passait par les résidences secondaires alors que toutes les études et les documents officiels disaient le contraire.

On est dans le même cas de figure avec les Jeux olympiques. Les autorités travaillent assidûment pour faire renaître la flamme au sein de la population. Même s’ils ont été refroidis par l’échec de la candidature de Sion 2006, les Valaisans accrochent assez vite à ce type de projet qui met en avant leur canton. 

L’obstacle des urnes

Pays de sports d’hiver par excellence, la Suisse n’a plus organisé de Jeux olympiques depuis 1948 (Saint-Moritz). Sion 2006 reste le dernier projet suisse à avoir bénéficié du soutien populaire et dont la candidature a été réellement déposée. Les autres candidatures helvétiques se sont toutes heurtées au refus du peuple, à l’instar de celle conjointe de Saint-Moritz et de Davos pour les Jeux de 2022.

Sion 2026 n’aura pas à franchir l’écueil des urnes avant la décision de Swiss Olympic, puisque le fardeau financier de la candidature – environ 8 millions de francs – est réparti entre quatre cantons (Valais, Vaud, Berne et Fribourg) et la ville de Sion. Il ne sera question de référendum que lorsque des engagements financiers plus importants devront être décidés par les collectivités publiques.  

Vous pouvez contacter l’auteur de cet article sur Twitter @samueljabergLien externe

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