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Les paysans fixent le menu pour 2050

La construction fait perdre à la Suisse chaque jour l’équivalent de dix terrains de football. imagepoint

Que mangeront les Suisses dans quarante ans? La question incite l’Union suisse des paysans (USP) à tirer la sonnette d’alarme. Pour l’organisation, la Suisse, toujours plus dépendante de l’extérieur, doit absolument produire elle-même la moitié au moins de ses aliments.

«Grâce à son pouvoir d’achat élevé, la Suisse peut importer à volonté les denrées qu’elle ne peut pas produire elle-même. Mais il est important que nous continuions à produire notre propre alimentation, et pour cela, nous avons besoin de bonnes terres», explique Hansjörg Walter, président de l’USP.

Actuellement, les paysans suisses produisent environ 60% de ce que mangent les habitants et le bétail. Mais face à la croissance de la population et à la diminution des terres agricoles, il sera toujours plus difficile de maintenir cette part.

L’USP rappelle que la Suisse abandonne chaque jour au bétonnage et à la construction l’équivalent de dix terrains de football.

Des terres en vue?

Lors de sa récente conférence annuelle organisée dans une exploitation proche du grand centre commercial Westside, dans la région de Berne, l’USP a voulu illustrer la manière dont les infrastructures, l’industrie et l’habitat avalent des pans entiers du plateau suisse.

Exploitant des lieux, Andreas Zehnder a aligné une série de photos montrant l’avancée progressive du bétonnage jusqu’aux limites des champs de sa ferme datant de 1869.

«Je suis convaincu qu’il faut s’attendre au prochain gros projet dans les vingt ans», confie celui qu’épaule encore son père. Andreas Zehnder et son épouse travaillent en effet à temps partiel hors de l’exploitation pour compléter le revenu du ménage. A titre indicatif, en moyenne nationale, un paysan suisse qui exploite sa ferme gagne environ 40’000 francs par année.

«Il est meilleur marché de construire en plaine, mais nous souhaiterions que davantage de maisons soient bâties en altitude», explique Hansjörg Walter.

D’autres en font les frais

Dans l’argumentaire des agriculteurs, le bien-être des paysans et des consommateurs suisses n’est pas seul en cause. Les pays moins bien lotis que la Suisse doivent aussi être pris en compte, juge l’USP.

«Ce que nous importons provient d’un marché et engendre un manque dans une région au pouvoir d’achat sans doute plus faible. La nourriture va où le prix est le plus élevé», explique Hansjörg Walter.

S’y ajoute la problématique de l’eau utilisée pour faire pousser les fruits et légumes exotiques consommés en Suisse, même si ces produits sont originaires de pays où l’or bleu manque parfois cruellement.

S’il est souhaitable de pouvoir disposer d’une riche palette d’aliments, la question des conditions de production se pose aussi, estime l’USP.

«Quelles ont été les conditions de vie d’un poisson venant du Vietnam, comment a-t-il été nourri et tué? Sa production a-t-elle respecté les exigences d’une production durable, ou a-t-elle eu un impact négatif sur l’écosystème?», illustre Hansjörg Walter. Ce dernier toutefois ne pointe pas du doigt les importations seulement et reconnaît que la problématique concerne aussi la production locale.

Une vision mondiale

Chef de la représentation permanente suisse auprès de la FAO à Rome, Hans-Jörg Lehmann confie une inquiétude similaire. Pour lui, on ne prend pas suffisamment au sérieux la question de l’approvisionnement alimentaire.

«Il ne s’agit pas seulement d’une question de terres ou de sécurité alimentaire. Mais d’une problématique globale qui touche à la collaboration entre pays – notamment avec les pays en développement -, et aux questions agricoles et de consommation.»

Histoire de prouver que paysans suisses et d’ailleurs sont tous sur un même bateau, Hans-Jörg Lehmann évoque la maladie de la langue bleue, qui s’est répandue en Europe à partir de l’Afrique.

Pour ce spécialiste, la Suisse peut aider les autres pays en partageant son know-how portant sur les techniques agricoles en régions de montagne et sur les méthodes de subventionnement permettant aux agriculteurs d’adopter des pratiques voulues par l’Etat.

Pour aujourd’hui comme pour 2050, Hans-Jörg Lehmann a un objectif avoué: «Chacun doit pouvoir avoir accès sans entrave à une alimentation variée et en suffisance, à un prix supportable.»

Dures conditions. L’agriculture a connu des hauts et des bas en 2010, avec un début de saison tardif, beaucoup de pluies au printemps, un été précoce – des conditions difficiles pour la production végétale.

Bel automne. L’automne ensoleillé s’est avéré idéal pour la maturation des pommes, des poires et du raisin. Pommes de terre et betterave à sucre ont enregistré de belles récoltes également.

Viande. La production de viande a eu moins de succès, à l’exception de celle des poulets. Avec la surproduction, le prix du porc a connu des niveaux plancher.

Produits laitiers. Dans le secteur laitier, l’organisation de l’offre et de la demande n’est pas achevée et les producteurs ont exigé une hausse du prix du lait. L’euro faible a désavantagé les exportations de fromage alors que le marché enregistrait un surplus de beurre.

Baisses. Globalement, la production agricole a perdu 3,3% à 10’343 milliards de francs en 2010. Le revenu agricole a fondu dans le même temps de 6%.

Source: Union suisse des paysans

(Traduction de l’anglais: Pierre-François Besson)

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