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Sortir rapidement du nucléaire pourrait coûter très cher

La conseillère fédérale Doris Leuthard a lancé mardi sa campagne contre l'initiative des Verts pour sortir du nucléaire. KEYSTONE/PETER KLAUNZER sda-ats

(Keystone-ATS) Débrancher avant l’heure les centrales atomiques pourrait coûter très cher aux contribuables, a averti mardi la conseillère fédérale Doris Leuthard. Elle a lancé sa campagne contre l’initiative populaire des Verts pour sortir du nucléaire, en votation le 27 novembre.

Les propriétaires des centrales nucléaires pourraient en effet réclamer des dédommagements à hauteur de centaines de millions de francs, a précisé la ministre de l’énergie. “Le “oui” à l’initiative changerait les règles du jeu, en donnant une limite alors qu’il n’y en a pas actuellement.”

Et même “s’il est difficile d’amortir les investissements faits pour renforcer la sécurité”, les exploitants pourraient se retourner contre la Confédération, a estimé Suzanne Thoma, directrice générale de BKW, propriétaire de la centrale de Mühleberg. Cette dernière sera fermée en 2019 pour raisons économiques.

Sortie pas à pas

Fermer une centrale ne se fait pas en un claquement de doigts, a-t-elle rappelé. Entre la décision de débrancher Mühleberg et l’arrêt effectif, six ans se seront écoulés. Et accélérer la cadence mettrait en danger la sécurité.

Jusqu’à présent, il y a déjà eu deux cas d’indemnisation. La Confédération a dû verser 350 millions de francs à l’exploitant de la centrale de Kaiseraugst (AG) pour les investissements déjà réalisés. Le projet, approuvé en 1985, a été stoppé face à l’opposition populaire qui a suivi la catastrophe de Tchernobyl.

La Confédération a aussi dû débourser 227 millions en 1996 pour n’avoir pas accordé l’autorisation cadre à l’exploitant de la centrale de Graben (BE). Un arrêt du Tribunal fédéral l’y avait contrainte.

Beznau en fin de vie

Pour Doris Leuthard, la sortie du nucléaire fait sens: “les deux centrales de Beznau sont en fin de vie”, concède-t-elle. Il faut donc une alternative. La ministre préfère sa solution: la stratégie énergétique 2050, adoptée en septembre par le Parlement.

Elle poursuit le même objectif que l’initiative: remplacer le nucléaire par des énergies renouvelables en encourageant ces dernières par des subventions et réduire la consommation d’énergie grâce à des incitations.

Seul le tempo change. Le texte des Verts veut débrancher les centrales nucléaires après 45 ans et remplacer le courant qu’elles produisent par des énergies renouvelables. Si le peuple dit “oui”, Beznau I, mise en service en 1969, devrait être arrêtée l’année prochaine. Idem pour les centrales de Beznau 2 et de Mühleberg, construites en 1972. Gösgen devrait être arrêtée en 2024 et Leibstadt en 2029, soit dans treize ans.

Importer l’électricité

Trois centrales fermées en 2017, c’est trop et trop rapide pour la conseillère fédérale. Cela représenterait un tiers d’énergie nucléaire en moins et poserait problème. Pour combler ce manque, il faudra importer plus d’électricité de l’étranger.

Pourtant, les deux centrales de Leibstadt et de Beznau I sont en ce moment déactivées, soit un manque de 40%. “C’est provisoire”, a justifié Doris Leuthard. Leibstadt sera rebranchée en février. En attendant, les BKW importent davantage d’électricité de France, dont le prix augmente.

Pour l’importation, les principales sources d’approvisionnement sont l’électricité française produite à partir du nucléaire et l’allemande à base d’énergie fossile. Une alternative contre-productive selon Suzanne Thoma. “Remplacer une énergie par une autre est un projet qui s’étend sur plusieurs générations”, a-t-elle ajouté.

Actuellement, les nouvelles énergies renouvelables, comme le solaire ou l’éolien, ne peuvent pas remplacer le nucléaire. Avec la stratégie énergétique, des incitations vont être mises en place pour réaliser ce tournant. “Mais ça ne se fait pas en quelques mois”, a souligné Doris Leuthard.

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