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Sous l’effet envoûtant de Balthus

Mario Del Curto

Le chorégraphe yougoslave Josef Nadj signe au Théâtre de Vidy-Lausanne une chorégraphie inspirée de l'œuvre du peintre français.

En une succession de tableaux figuratifs, le public entre dans un univers étrange. Etres et objets y évoluent comme dans un songe.

Lorsqu’il frappe à la porte des poètes ou des romanciers, Josef Nadj ne s’annonce pas en général. Il débarque sans crier gare.

C’est ce qu’il avait fait avec Büchner dans «Woyzeck», avec Kafka dans «Les veilleurs», avec Borges dans «Les commentaires d’Habacuc».

Même démarche avec Beckett sur lequel il faisait passer un souffle de folie, osant un très surréaliste «Vent dans le sac» présenté en 1997 à Vidy-Lausanne.

Une note d’intention

Cette fois-ci, le chorégraphe yougoslave avance à pas feutrés. Normal, il lui faut se montrer précautionneux s’il veut s’introduire dans les toiles d’un peintre pour en restituer les volumes, les couleurs, les lumières, l’esprit.

Le peintre que Nadj a choisi de visiter, c’est Balthus, chez lequel il s’était rendu, en Suisse, à l’automne 2000. Il en parle dans une note d’intention, écrivant: «Nous avons passé un bon moment dans son atelier où j’ai pu réaliser quelques photos de lui.»

Est-ce pour mieux en fixer le souvenir que Nadj a conçu «Il n’y a plus de firmament»? Il faut croire que oui, tant cette pièce chorégraphique fine et élégante, créée au Théâtre de Vidy, se laisse voir comme un clin d’œil coquin à Balthus et à son oeuvre.

Balthus, que l’on croit reconnaître sur scène sous les traits du grand danseur français Jean Babilée (80 ans). Même silhouette fragile, bringuebalée par les pas frêles du danseur. Même cheveux blancs plaqués en arrière. Même visage, presque émacié. Même regard d’aigle.

De plain-pied dans l’œuvre

On hésite d’abord. Est-ce bien lui le peintre? Oui, il n’y a pas de doute, maintenant qu’il s’assied sur une chaise en bois, le torse bien droit, légèrement de biais, plume à la main. C’est lui, Balthus, dans son autoportrait réalisé en 1940.

Le spectacle peut alors commencer. On y entre par l’encadrement d’un tableau, qui est aussi le cadre de scène. De sa plume, Babilée/Balthus esquisse une courbe.

Nous voilà de plain-pied dans l’œuvre du peintre que le chorégraphe aborde en une succession de tableaux figuratifs.

Comme dans un songe

Etres et objets y évoluent comme dans un songe, sous l’effet d’un envoûtement. Effet qu’accentue ici l’esthétique de la contorsion chère à Nadj.

Extrême agilité de ses danseurs qui bougent tels des pantins dévertébrés. Et leurs corps, comme ceux des personnages qui peuplent les toiles de Balthus, sont réduits aux lois les plus physiques: corps en apesanteur qui chutent puis se redressent pour tenter d’atteindre un inaccessible firmament.

On songe ici à une toile célèbre du peintre qui s’intitule «Le rêve». Les personnages peints semblent y vivre soustraits à toute temporalité, projetés dans un univers mystérieux et étrange.

C’est aussi à cet univers que la pièce de Nadj donne accès, rendant au regard du public toute sa surprise.

swissinfo, Ghania Adamo

«Il n’y a plus de firmament». Lausanne,Théâtre de Vidy; jusqu’au 25 mai. Tel: 021/619 45 45

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