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A quelle sauce fiscale seront-ils mangés?

Le Congrès des Suisses de France s'est tenu à Lyon, le plus grand réservoir d'expatriés. AFP

La nouvelle convention sur les successions préoccupe à la fois les Suisses de France et les Français de Suisse. Elle a été évoquée ce week-end à Lyon lors des assises annuelles des associations suisses de France.

Le ministre français des Finances Pierre Moscovici a annoncé récemment qu’il avait invité son homologue suisse Eveline Widmer-Schlumpf à la signature de la fameuse convention, en mai à Paris. Pour la France, les choses semblent réglées mais ce n’est pas le cas en Suisse.

«Ce ne sera peut-être pas un tsunami, mais certainement un profond bouleversement économique de toute la région frontalière de Genève», s’inquiète Elisabeth Etchart, consule honoraire de Suisse à Annecy et présidente de l’Union suisse du Genevois.

«Ce sont surtout les expatriés de la première génération, qui ont hérité ou qui vont hériter de leurs parents, qui se font du souci de devoir payer des droits des deux côtés. La France a dit qu’elle tiendrait compte des impôts payés en Suisse, mais j’attends de voir», ajoute Jean-Michel Begey, président de l’Union des associations suisses de France (Uasf), réunie en congrès annuel ce week-end à Lyon.

Invitée à participer aux débats, Claudine Schmid, députée des Français de Suisse à l’Assemblée nationale française et établie à Zurich, renchérit: «Les Français de Suisse sont très inquiets sur tous les dossiers fiscaux et surtout sur la prochaine convention sur les successions qui va probablement être signée.»

L’actuelle convention de double imposition sur les successions entre la Suisse et la France remonte à 1953.

Elle prévoit que le droit applicable est celui du pays où résidait le défunt.

En juin 2012, Paris demande sa renégociation dans le sens inverse (taxer selon le pays du bénéficiaire). Il menace de dénoncer l’accord si Berne refuse.

En juillet, une convention révisée est paraphée par la ministre des Finances, Evelyne Widmer-Schlumpf.

Le texte suscite une levée de boucliers côté suisse, surtout dans les cantons romands.

En décembre Eveline Widmer-Schlumpf rencontre François Hollande à Paris.

Le 20 avril 2013, le ministre français des Finances, Pierre Moscovici, annonce la signature du texte pour le mois de mai. Le Département fédéral des finances ne confirme pas.

Des relations «denses car compliquées»

De son côté, l’ambassadeur de Suisse à Paris, Jean-Jacques de Dardel, a résumé que «les relations entre nos deux pays sont denses, car compliquées». Et de préciser que «l’un des points les plus piquants touche à la question fiscale, où il s’agit de conjuguer une série de domaines où des questions exclusivement ou partiellement fiscales s’entremêlent.»

Concernant les successions, l’ambassadeur a reconnu que «l’accord actuel est favorable à la Suisse, qui ponctionne tous les avoirs français hérités en Suisse. La France a obtenu l’année dernière du Ministère suisse des Finances le paraphe d’un nouvel accord qui ne va pas dans le sens de ceux qui touchent un héritage en Suisse».

«Pas un jour sans questions»

Claudine Schmid confirme que tout a commencé en juillet dernier, avec l’annonce de la décision française de renégocier ou de dénoncer l’accord. «Depuis, il n’y a pas un jour sans que je sois apostrophée par des gens qui me posent des questions, qui se demandent ce que feront leurs enfants, s’il faut les faire revenir en Suisse. Certains se demandent même s’ils veulent conserver leur nationalité française, à quoi je réponds que ce n’est pas une question de nationalité mais de résidence.»

De son côté, Elisabeth Etchart relève également: «Enormément de gens sont venus me demander quelles étaient les conditions d’un éventuel retour en Suisse, et plein de questions que je n’avais jamais entendues auparavant.» La consule franco-suisse précise que ce sont des gens plutôt modestes qui sont concernés: «Je ne suis pas devin mais ce n’est pas possible que cela ne bouleverse pas la vie des gens.»

Et d’expliquer: «Dans ma région de Savoie et Haute-Savoie, il y a 45’000 Suisses inscrits au consulat, plus tous les frontaliers français qui travaillent en Suisse, plus toutes les résidences secondaires. Tous ces gens ont de la famille des deux côtés de la frontière depuis en tout cas deux siècles. Les nouvelles législations vont changer leur vie ainsi que leur façon d’habiter et de travailler. Ces gens n’auront pas forcément les moyens de payer en France la succession de leurs parents en Suisse, si bien qu’ils devront vendre des biens.»

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La France connaît mal le système suisse

Pour Jean-Jacques de Dardel, il y a deux manières d’aborder la question: la (re)négociation ou la dénonciation de l’accord côté français. «La France est dans son droit légal quand elle dit ‘on renégocie ou nous dénonçons’. Le Département fédéral des finances a senti des pressions et une menace. Face à cela, les négociateurs ont senti le vent du boulet et préfèrent un mauvais accord à pas d’accord du tout.»

Le problème, c’est que la partie française a du mal à comprendre qu’un simple paraphe ministériel ne signifie pas une ratification. «Dans l’hypothèse où le Conseil fédéral signe l’accord, ce sera au Parlement, puis probablement au peuple, de se prononcer. C’est la dernière barrière pour entériner l’accord et notre système est mal connu», relève l’ambassadeur. Officiellement, la Suisse attend encore des propositions françaises, «qui tardent à venir».

  

Claudine Schmid confesse qu’elle «essaie d’informer ses collègues de l’Assemblée nationale française sur le système suisse, mais il est vrai qu’ils le connaissent très peu».

A fin 2011, les registres consulaires indiquaient une population de 155’743 Français en Suisse et au Liechtenstein, pour un peu plus de 106’000 électeurs.

Alors que la France comptait déjà 12 sénateurs de l’étranger, 8 représentants ont été élus pour la première fois à l’Assemblée nationale en juin 2012.

Résidante à Zurich Claudine Schmid (Union pour un Mouvement populaire, UMP) de Zurich a été élue.

La page est tournée

La députée a développé une stratégie et propose qu’au lieu d’imposer l’héritier en fonction de son lieu de résidence, on tienne compte du nombre d’années passées par le défunt en Suisse. «Puisqu’on parle d’héritiers vivant en France depuis au moins six ans, moi je parle du défunt. Il ne faut pas se cacher que certains pourraient venir en Suisse uniquement pour ne pas payer de droits de succession. Donc si le défunt vivait en suisse depuis moins de six ans, eh bien les héritiers payent les impôts, mais s’il y vivait depuis plus de six ans, là, les héritiers payeraient selon le modèle actuel et seraient exonérés en France.»

Claudine Schmid admet que «certains sont venus en Suisse pour des raisons fiscales. Maintenant, la page est tournée, on passe à autre chose, car ce n’est pas pour ces quelques personnes qu’il faut pénaliser autant les citoyens français qui ont fait leur carrière en payant leurs impôts en Suisse. La France doit comprendre que la grande majorité des Français viennent en Suisse parce que c’est un bassin d’emplois.»

Quelque 150 représentants des 33 associations suisses de France se sont réunis du 26 au 28 avril 2013 à Lyon.

Il a élu 12 personnes sur 19 candidats au Conseil de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE), le «parlement» de la 5e Suisse.

Il a été informé par l’OSE que la version électronique de la Revue Suisse sera désormais disponible sur les applications i-pad et androïd.

Il a appris que le canton de Vaud a décidé en février d’accorder à ses ressortissants à l’étranger le droit de vote par internet. C’est le 13e canton sur 26 à franchir le pas.

L’UASF a également organisé une table ronde sur le thème: «Représentation politique des citoyens à l’étranger» avec Claudine Schmid (Union pour un Mouvement populaire, UMP), résidante à Zurich et élue en juin 2012 députée à l’Assemblée nationale; mais aussi Claudio Micheloni, représentant des Italiens de Suisse au Sénat italien et Jacques-Simon Eggly, président de l’OSE.

Le prochain congrès de l’UASF se tiendra à Marseille en 2014

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