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Le marché suisse de la crypto-finance «n’est pas un Far West»

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Pour certains observateurs, la crypto-finance est un monde sans foi ni loi, comme au temps du Far West. akg-images

C’est une nouvelle méthode de levée de fonds pour les start-ups de la crypto-finance qui s'est développée de manière incontrôlable. L'année dernière en Suisse, cette «offre initiale de jetons» (ICO) a permis de collecter environ 850 millions de francs. Selon le Secrétaire d’Etat aux finances internationales, ce développement est sous contrôle en Suisse. Interview.

Jörg Gasser réfute l’idée que l’industrie des ICO ait sombré dans l’anarchie. Le chef du Secrétariat d’Etat aux finances internationales (SIFLien externe) est même convaincu que les ajustements réglementaires en cours permettent de protéger la réputation de l’industrie financière suisse.

Jörg Gasser préside le groupe de travail Blockchain/ICO qui réunit l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA), l’Office fédéral de la justice et le secteur privé. Il fera rapport au gouvernement d’ici la fin de l’année pour évaluer l’impact de cette réglementation.

Jörg Gasser
Jörg Gasser Keystone

swissinfo.ch : Certains observateurs qualifient le marché de l’ICO en Suisse de Far West. Quels sont les risques pour les consommateurs et la réputation de la Suisse qu’il faut encore réduire ?

Jörg Gasser: Un Far West? Pas vraiment. Premièrement, la FINMA a publié des directives sur la manière d’appliquer la législation existante sur les marchés, en particulier en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. La FINMA applique ces règles aux levées de fonds crypto qui enfreignent les lois et règlements en vigueur.

Deuxièmement, notre groupe de travail examine le cadre juridique afin d’identifier tout besoin potentiel d’action. Cependant, comme notre réglementation est fondée sur des principes, bon nombre de nos lois et règles s’appliquent déjà aujourd’hui aux cryptomonnaies et aux ICO, en particulier les exigences en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le terrorisme.

Le ministre suisse de l’économie Johann Schneider-Ammann a récemment appelé la Suisse à devenir une «Crypto Nation». Est-ce faisable et à quoi cela ressemblerait-il dans 10 ans ?

C’est une belle accroche, mais le terme «crypto» est plutôt réducteur, voire trompeur. Il serait plus juste de parler d’une «nation Blockchain» ou d’une «nation Fintech».

Ce à quoi cela ressemblera en Suisse – ou dans le monde d’ailleurs – dans 10 ans dépend des évolutions technologiques, économiques et juridiques. Toutefois, si nous mettons en place les bonnes conditions-cadre, nous serons en mesure d’attirer à long terme des entreprises innovantes, ce qui créera des emplois et générera des impôts.

Notre objectif est de faire en sorte que la Suisse conserve un avantage concurrentiel dans ces technologies sans compromettre l’intégrité du secteur financier suisse.

Les start-ups du domaine promettent un changement complet dans certains domaines du système économique et financier. Quelle perturbation cela va-t-il apporter à la Suisse ?

Les nouvelles technologies trouveront toujours leur place dans le système financier et perturberont les structures de marché existantes. Cela a toujours été le cas et ne peut être empêché ni par les titulaires ni par la réglementation.

Ces nouvelles technologies constituent un défi pour les acteurs traditionnels. Il ne fait aucun doute qu’ils doivent les adopter pour demeurer concurrentiels. Mais je suis convaincu que dans un avenir prévisible, les sociétés de fintech existeront à côté des sociétés financières traditionnelles.

La Suisse est connue pour être un pays conservateur. Est-ce vraiment le bon endroit pour être à la pointe de la révolution blockchain ?

Il ne faut pas oublier que la Suisse est toujours numéro un mondial en matière d’innovation. Notre pays a toujours été ouvert à l’innovation commerciale. En outre, la Suisse offre un système politique stable, un environnement économique libéral, une main-d’œuvre hautement qualifiée et un système fiscal compétitif.

Nos règlements sont fondés sur des principes et ils sont neutres sur le plan technologique. Tous ces facteurs expliquent pourquoi la Suisse offre un écosystème propice à l’innovation pour les entreprises de haute technologie.

On dit que les cryptomonnaies insuffleront une nouvelle vigueur concurrentielle au système financier suisse à même de compenser la fin du secret bancaire. Qu’en pensez-vous?

Tout d’abord, le secteur financier suisse reste très compétitif. Nous sommes toujours numéro un mondial dans la gestion de fortune privée transfrontalière. Mais l’innovation numérique peut aussi rendre le système financier plus efficace. En tant que petite économie ouverte, la Suisse ne peut réussir que si elle innove constamment. Et c’est là que nos principales forces, telles que la sécurité politique, la sécurité juridique et des services de haute qualité, peuvent nous aider à relever ces défis avec succès.



Traduit de l’anglais par Frédéric Burnand

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