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L’âge n’est pas une barrière pour Roger Federer

Roger Federer connaîtra-t-il une nouvelle fois, comme en 2009, la joie intense de la victoire sur la terre battue parisienne? Keystone

Affublé d’un nouveau rôle, celui de challenger de Rafael Nadal et Novak Djokovic, Roger Federer tentera dès lundi de rééditer son exploit de 2009 sur la terre battue de Roland-Garros. Pierre Paganini, son préparateur physique, assure que le champion est encore au sommet de sa forme et de son art.

Depuis plus de dix ans, Pierre Paganini affûte la musculature et le jeu de jambes de Roger Federer. Il suit le champion environ 140 jours par année et s’occupe en parallèle du Vaudois Stanislas Wawrinka, l’autre Suisse le plus en vue sur le circuit du tennis masculin. A la veille de Roland-Garros, Pierre Paganini livre les clés de la réussite du Bâlois sur le long terme et explique en quoi l’âge n’altère en rien ses capacités physiques et tennistiques.

swissinfo.ch: Comment jugez-vous la forme physique de Roger Federer à l’heure d’aborder Roland-Garros?

Pierre Paganini: Sa forme va en crescendo. Son jeu ainsi que son jeu de jambes se situent à un meilleur niveau que l’année passée à la même période.

Après le tournoi de Monte Carlo, il s’est entraîné intensivement durant deux semaines. Au cours de la saison, la préparation physique se divise en trois blocs de base: un en décembre, un entre février et avril, selon le calendrier, et le troisième en été. Parfois, un quatrième vient s’ajouter durant l’automne. Cela permet à Roger de se réaffuter constamment en vue des des moments-clés de la saison. 

Chaque bloc dure de deux à trois semaines au minimum. L’accent est mis sur le travail foncier, tant au niveau physique que tennistique. Les différents types d’entraînement sont répartis judicieusement afin qu’il puisse approfondir et récupérer de ce travail, et surtout s’exprimer au mieux ensuite sur le court. Entre ces blocs, des séances intensifiées de maintien de la condition physique et de prévention des blessures sont également organisées.  

swissinfo.ch: Se soumet-il à un entraînement particulier avant d’aborder Roland-Garros?

P.P.: Afin de s’adapter aux différentes surfaces, il réalise des entraînements spécifiques au niveau musculaire et cardiovasculaire. Sur terre battue, le quadriceps travaille davantage en raison des glissades. Sur d’autres surfaces, la musculature du pied et du mollet est plus importante. Mais au final, ça reste du tennis.

swissinfo.ch: La terre battue est-elle plus exigeante physiquement?

P.P.: Certains joueurs affirment que c’est plus dur, d’autres le contraire. Il y a moins de chocs sur terre battue, c’est parfois moins violent pour les articulations. En revanche, la musculature, notamment des cuisses, est davantage mise à contribution. Chaque joueur a une façon de se mouvoir bien à lui. Roger a prouvé qu’il est à l’aise sur toutes les surfaces. 

swissinfo: Travaille-t-on de la même manière avec un joueur de vingt ans et avec un autre de trente ans?

P.P.: Le tennis n’est pas un sport qui rend vieux à 30 ans. Au contraire, il favorise la maturité. A cet âge-là, ce sont les détails qui font la différence. Le tennis exige des efforts intensifs et variés au niveau physique, mais les pauses de 25 secondes et d’une minute trente favorisent la récupération partielle.

N’oublions pas que Roger a déjà 950 matches dans les jambes et des années de travail acharné derrière lui. Comme il espère jouer encore plusieurs années, le bon dosage et la répartition judicieuse des unités d’entraînement sont des éléments extrêmement importants. A chaque entraînement, nous travaillons un élément de base différent: vitesse, vélocité, endurance. Nous faisons en sorte que Roger bénéficie des plages de récupération nécessaires à chaque type d’entraînement. On le faisait déjà avant, mais c’est encore plus important aujourd’hui.

swissinfo.ch: Certains joueurs développent davantage leur masse musculaire. Pourquoi pas Federer?

P.P.: Il faut toujours adapter le travail de force au type de joueur. Roger est un joueur explosif de nature, il a surtout besoin de maintenir cette explosivité et d’entraîner ce que je nomme l’endurance de son explosivité, une qualité physique essentielle. Roger est un danseur sur le court, il doit rester agile et mobile autour de son axe. Il ne faut donc pas exagérer au niveau de la musculation et faire attention à ne pas trop presser le citron. Plus vous êtes longtemps sur le circuit, plus la récupération prend de l’importance.

swissinfo.ch: Que pensez-vous de la «théorie du déclin», qui revient régulièrement dans les médias?

P.P.: Je ne comprends pas que l’on puisse écrire des choses pareilles. Jugeons les performances de Roger sévèrement, mais dans un contexte objectif. Sur le terrain, il a déjà affronté quatre générations de joueurs. Il y a sept ans, il était déjà numéro un mondial. En 2011, à 30 ans, il pointe à la 3e place du classement mais il continue de distiller un jeu extraordinaire. C’est simplement inouï.

Entre 28 et 30 ans, il est impossible de progresser au même rythme qu’à 22 ou 25 ans. Tout simplement, les autres progressent également, c’est le charme fantastique de ce sport. J’ai énormément de respect pour Djokovic et Nadal, mais encore davantage pour Federer, car sa longévité est incroyable. Il est proche d’eux et peut toujours les battre.

swissinfo.ch: En 2008, Roger Federer a été victime d’une mononucléose. Y a-t-il un moyen de prévenir de telles infections virales?

P.P.: A ce moment-là, il était difficile de réagir, nous avons été mis devant le fait accompli. En revanche, nous avons adapté la reprise de l’entraînement. Son explosivité avait beaucoup diminué. Les performances accomplies dans ces conditions ont été nettement sous-estimées. Même dans vingt ans, je me souviendrai encore du courage de Federer en 2008. Honnêtement, je ne sais pas comment il a fait pour gagner un tournoi du Grand Chelem cette année-là.

swissinfo.ch: Quelle influence les voyages incessants et les changements de fuseau horaire ont-elles sur l’organisme des joueurs?

P.P. : On parle bien trop peu de ce phénomène. Les joueurs sont sous subordination du «jet lag» durant toute la saison. Il est essentiel de connaître son organisme pour lutter au mieux là-contre. Roger y arrive grâce à son hygiène de vie exemplaire et son expérience.

Pour vous donner un exemple, lorsque Federer se rend aux Etats-Unis, ses pulsations peuvent atteindre dix battements par minute en plus lors de certains efforts. Il est nécessaire de tenir compte de ces paramètres. Roger a non seulement la connaissance objective de son corps, mais aussi un sacré feeling. C’est très précieux pour la communication et la planification.

swissinfo.ch: Federer a déclaré qu’il voulait reprendre sa place de numéro un mondial. A-t-il des raisons d’y croire?

P.P.: Ça va de soi, ce serait stupide de ne pas y croire. Ça ne veut pas dire que ce sera facile. En regardant les exploits qu’il a déjà accomplies dans sa carrière, on ne peut que lui faire confiance. Il est du caractère d’un champion de dire ce qu’il veut essayer d’atteindre. Dans la vie, neuf personnes sur dix ne vont pas totalement au fond des choses, et je m’inclus là-dedans. Roger fait partie des rares personnes qui mettent tout en œuvre pour atteindre leur but. C’est pour cela qu’il a le droit de dire ces choses-là.

Histoire. Les Internationaux de France se disputent depuis 1928 à Paris, dans le stade Roland-Garros, du nom d’un célèbre aviateur français décédé lors de la Première Guerre mondiale. Le tournoi se déroule sur la dernière semaine de mai et la première de juin.

Primes. Roland-Garros est le tournoi du Grand Chelem le mieux doté avec une récompense dépassant le million d’euros pour le vainqueur en simple. En 2007 a été instaurée la parité des gains entre les sexes. Au total, plus de 16 millions d’euros de primes sont distribués aux joueurs et aux joueuses.

Tenants du titre. Rafael Nadal, qui a remporté cinq fois le tournoi depuis 2005, est le tenant du titre chez les messieurs. Chez les dames, cet honneur revient à Francesca Schiavone, qui a été en 2010 la première Italienne à remporter le tournoi. En 2009, Roger Federer s’est imposé en finale face à Robin Söderling, remportant le seul titre du Grand Chelem qui manquait encore à son palmarès.

Edition 2011. Le tournoi principal débute le dimanche 22 mai et se termine le dimanche 5 juin. Au premier tour, Roger Federer, qui figure dans la moitié de tableau de Novak Djokovic, affontera l’Espagnol Feliciano Lopez (ATP 31).

Pierre Paganini est né le 27 novembre 1957 à Zurich.

Il obtient son diplôme fédéral de professeur de sport à Macolin, près de Bienne, puis devient instructeur pour la fédération suisse d’athlétisme.

1985-1996 et 2002-2005 : préparateur physique au centre national de la fédération suisse de Tennis (Swiss Tennis) à Ecublens, près de Lausanne.

1985-2002: préparateur physique de Marc Rosset.

1987: préparateur physique de Manuela Maleeva.

1991-1995 et 2003-2008: préparateur physique de l’équipe suisse de Coupe Davis.

1992-1997: Chef de projet pour l’encouragement des jeunes talents du tennis suisse.

1994: préparateur physique de Manuela Maleeva.

1996-2005: accompagnateur de Magdalena Maleeva et de Marc Rosset sur les circuits WTA et ATP.

2004-2006: préparateur physique d’Ana Ivanovic.

Depuis 2000, préparateur physique de Roger Federer et également de Stanislas Wawrinka depuis 2003.

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