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Bruxelles préoccupée par l’allégement du code pénal roumain

Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont manifesté dimanche dans plusieurs villes roumaines pour demander l'abandon de deux projets du gouvernement. L'un d'eux a néanmoins été adopté mardi soir par décret d'urgence (archives). KEYSTONE/EPA/ROBERT GHEMENT sda-ats

(Keystone-ATS) La Commission européenne a exprimé mercredi sa “grande préoccupation” face à l’allègement du code pénal en Roumanie pour des délits de corruption. Elle met en garde contre toute “régression” du pays dans ce domaine.

“La lutte contre la corruption doit progresser, pas être défaite. Nous suivons les derniers développements en Roumanie avec grande préoccupation”, ont déclaré le président de l’exécutif européen Jean-Claude Juncker et son premier vice-président Frans Timmermans dans un communiqué commun.

La Commission “met en garde contre une régression et examinera attentivement” les changements de la législation en Roumanie, ont-ils ajouté.

Blanc-seing à la corruption

Le gouvernement social-démocrate roumain a adopté mardi soir, par décret d’urgence, un allégement contesté du code pénal. La mesure devrait permettre à plusieurs hommes politiques d’échapper à des poursuites pénales.

“Nous avons adopté ce texte pour mettre la législation en accord avec des décisions de la Cour constitutionnelle”, a affirmé le ministre de la Justice Florin Iordache. Ce décret, qui ne figurait pas à l’agenda gouvernemental du jour, entrera en vigueur dès sa publication dans le journal officiel, sans passer par le Parlement.

“C’est un jour de deuil pour l’Etat de droit, qui a reçu un coup dur de la part des adversaires de la justice et de la lutte contre la corruption”, a aussitôt réagi le président de centre droit Klaus Iohannis dans un message transmis par son service de presse.

Plusieurs milliers de personnes se sont réunies spontanément devant le siège du gouvernement à Bucarest, en scandant “démission” et “voleurs”, a constaté un photographe de l’AFP. Les membres du gouvernement étaient bloqués à l’intérieur du bâtiment, ont témoigné plusieurs journalistes.

Des protestations avaient également lieu dans plusieurs autres villes, dont Cluj (nord-ouest), Sibiu (centre), Timisoara (ouest) et Iasi (nord-est), selon les médias.

Procès contre le chef du ef du PSD

L’exécutif du Premier ministre Sorin Grindeanu, au pouvoir depuis moins d’un mois, avait proposé ce texte il y a dix jours, provoquant une importante vague de protestations dans le pays. Son adoption surprise pourrait renforcer la contestation envers le jeune exécutif.

Le décret dépénalise plusieurs infractions et rend l’abus de pouvoir passible de peines de prison uniquement s’il provoque un préjudice supérieur à 44’000 euros (environ 47’000 francs).

Il devrait notamment permettre au chef du Parti social-démocrate (PSD) Liviu Dragnea d’échapper au principal chef d’accusation le visant dans un procès portant sur des emplois fictifs qui s’est ouvert mardi. Le préjudice dans ce dossier est estimé à 24’000 euros par les procureurs.

Le gouvernement a en revanche envoyé au Parlement un projet de grâce visant environ 2500 détenus qui purgent des peines allant jusqu’à cinq ans de prison. Il a ainsi renoncé à l’adopter par décret d’urgence comme prévu initialement.

Condamnations

Plusieurs dizaines de milliers de personnes avaient manifesté dimanche dans plusieurs villes roumaines pour demander l’abandon de ces projets. Le président Iohannis, les associations de magistrats, le Parquet général et le Conseil supérieur de la magistrature ont dénoncé à l’unisson ces deux textes.

Mardi, le Département de lutte antifraude (DLAF), un organisme gouvernemental qui assure la liaison avec l’Office de lutte antifraude (OLAF) de l’Union européenne, a souligné que cet allégement du code pénal “restreint sa capacité (…) de protéger de manière efficace les intérêts de l’UE en Roumanie”.

L’opposition de centre droit a pour sa part annoncé son intention de déposer une motion de censure contre le gouvernement.

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