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Décès de l’écrivain et critique d’art britannique John Berger

John Berger en 2010 avec la réalisatrice espagnole Isabel Coixet (archives). KEYSTONE/EPA/J.C.HIDALGO sda-ats

(Keystone-ATS) L’écrivain et critique d’art britannique John Berger est décédé lundi à l’âge de 90 ans, ont annoncé ses proches. Considéré comme un “maître de l’attention” et un “romancier du regard”, il a changé la perception de l’art.

“Il est mort (lundi) à midi trente à Antony”, en région parisienne, a déclaré son fils Jacob Berger à l’AFP. “Il est mort à la maison entouré par les siens (…) de manière très sereine”, a ajouté le cinéaste suisse, précisant que son père avait été hospitalisé quelques jours avant pour une insuffisance rénale.

Sur les réseaux sociaux, Jacob Berger avait souligné lundi soir que son père “est mort en écrivain: ni effrayé, ni téméraire, mais attentif, curieux, désireux de découvrir la suite de l’histoire”.

Etabli en France

M. Berger résidait depuis quelques années à Antony, après avoir longtemps vécu à Quincy, un village de Haute-Savoie, selon les Editions de l’Olivier, sa maison d’édition française.

Né à Londres en novembre 1926, M. Berger enseigne le dessin de 1948 à 1955, avant de devenir un critique d’art reconnu, à partir de 1952, indique sa maison d’édition. “Passionné par les formalistes et les constructivistes russes”, il écrit sur “Courbet, Cézanne, Picasso, Dürer, Le Titien”, précise-t-elle.

Cet artiste prolifique, auteur de nombreux livres et pièces de théâtre, mais aussi poète, peintre et scénariste, publie en 1958 son premier roman “Un Peintre de notre temps”.

Booker Prize

En 1972, il est lauréat du Man Booker Prize, le plus prestigieux des prix littéraires de langue anglaise, et le James Tait Black Memorial Prize pour son roman “G.”, l’histoire du fils bâtard d’une aristocrate anglaise et d’un négociant italien.

Il fait alors sensation en offrant la moitié de la dotation du Booker Prize au mouvement des Black Panthers, fidèle à ses convictions d’intellectuel engagé, pourfendeur du libéralisme et défenseur des “sous-classes”.

“Jamais auparavant la dévastation provoquée par la poursuite du profit, telle que la dicte le capitalisme, n’avait eu l’ampleur qu’elle a aujourd’hui”, écrit-il en 2005 dans le Monde diplomatique.

“Comment, dès lors, est-il possible de ne pas tenir compte de Marx, qui a prophétisé et analysé cette dévastation? Peut-être est-ce parce que les gens, beaucoup de gens, ont perdu tous leurs repères politiques. Sans carte, ils ne savent pas où ils vont”.

Regard politique

“Il n’y a pas un texte de John qui ne soit pas imprégné d’un regard politique”, a rappelé Jacob Berger. “C’était un ami du sous-commandant Marcos, c’était un ami du peuple palestinien (…) qui avait une position politique extrêmement forte sans être un communiste borné et dogmatique”, a-t-il ajouté.

John Berger, a poursuivi son fils, s’était d’ailleurs installé en France pour fuir l’Angleterre “extrêmement anti-communiste” des “années 50 et du début des années 60”. En France, “il y avait un équilibre qui tendait beaucoup plus vers le soutien sinon à l’Union soviétique en tout cas à l’idéal communiste et marxiste”.

Ecrivain “visionnaire”

Toujours en 1972, il avait réalisé “Ways of seeing”, une série de la BBC composée d’essais audiovisuels qui soulèvent des questions liées aux idéologies cachées des images visuelles. La série a donné naissance à un livre du même nom, sorti en 1976 en France sous le titre “Voir le voir”.

Ecrivain “visionnaire”, écrit le quotidien britannique The Guardian, Berger avait “contribué à transformer la manière dont toute une génération regardait et percevait l’art”.

“John Berger a changé la manière dont nous voyons le monde”, a abondé sur Twitter le leader du parti travailliste britannique, Jeremy Corbyn. “C’était un défenseur du socialisme, et d’une vie plus douce et généreuse pour tout un chacun”.

John Berger avait également collaboré comme co-scénariste aux oeuvres principales du cinéaste suisse Alain Tanner: “La Salamandre”, “Le Milieu du monde” et “Jonas”.

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