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La mémoire du son avec l’orgue de Valère (VS)

L'organiste Gaël Liardon est au clavier de l'orgue de Valère pour une série d'improvisations en ouverture du 48ème Festival International de l'Orgue Ancien et de la Musique Ancienne. L'instrument, qui date de 1435, a pu être préservé et permet de retrouver le son du Moyen-Age. Keystone/JEAN-CHRISTOPHE BOTT sda-ats

(Keystone-ATS) L’orgue de la basilique de Valère à Sion a conservé la mémoire du son par-delà les siècles. Et c’est précisément ce qui en fait un instrument unique au monde.

Chaque orgue est différent, car bâti en fonction de l’église qui l’abrite, explique Véronique Dubuis, organiste et directrice du festival de l’orgue ancien de Valère. Mais celui de Valère dispose de sa structure d’origine médiévale encore en état de fonctionner.

Les 180 tuyaux d’orgue, pour autant de notes différentes, du premier instrument datent de 1435. L’orgue a été agrandi par la suite et environ 180 tuyaux supplémentaires ont été rajoutés au fil des siècles.

Comme au Moyen Âge

Le son produit par l’instrument est aujourd’hui encore le même que celui que les fidèles du Moyen Âge entendaient. Le patrimoine est donc sonore, précise Mme Dubuis. Mais pas uniquement. Le buffet, les peintures et surtout le clavier sont également d’origine.

Ce n’est pas sans importance, en ce qui concerne le clavier du moins. Les touches sont courtes. Un certain doigté est nécessaire pour jouer, car il n’est pas possible d’utiliser les pouces comme c’est le cas pour un piano par exemple.

Un instrument à apprivoiser

“Pour jouer, il faut venir s’y entraîner au préalable”, souligne l’organiste. Chaque été depuis bientôt un demi-siècle, les organistes défilent pour apprivoiser l’instrument avant leur concert dans le cadre du festival de l’orgue ancien.

Et Véronique Dubuis de raconter l’anecdote d’un organiste réputé, titulaire de l’orgue de Notre-Dame de Paris jusque vers 1960. Venu pour donner un concert, il est reparti sans avoir joué le moindre morceau, déclarant qu’il était impossible de jouer sur cet instrument.

Pourtant, les demandes ne manquent pas. “On est débordé”, avoue Véronique Dubuis. Mais avec six ou sept concerts par festival, “on n’arrive pas à satisfaire tout le monde”.

Répertoire limité

La programmation est aussi un casse-tête. La configuration du clavier, les sons aigus et un peu agressifs de l’orgue rendent difficile la sélection des morceaux. “On peut choisir un répertoire d’époque”, dit Mme Dubuis. Mais elle avoue elle-même que ce serait à la limite du supportable d’infliger au public un concert entier sur de telles pièces.

Le répertoire est limité à la musique ancienne jusqu’à la Renaissance, quelques pièces classiques, de Mozart par exemple, et des compositions contemporaines. Une des pistes suivies par la directrice du festival est l’improvisation.

Cette année par exemple, un groupe se produira qui tire ses inspirations dans le jazz. Il y aura aussi une amplification des sons “ce qui risque de faire hurler les puristes”, admet Mme Dubuis.

La musique profane d’abord

Véronique Dubuis en profite pour tordre le cou à l’idée répandue que le répertoire de l’orgue se limite à de la musique liturgique. L’instrument a été inventé au troisième siècle avant Jésus-Christ. Il a été utilisé comme instrument militaire. Sur les champs de bataille, les sons aigus produits étant destiné à effrayer l’ennemi.

Jusqu’à Charlemagne, les orgues étaient d’ailleurs interdits dans les églises. Ce n’est qu’à partir de cette période qu’il a été peu à peu officialisé pour la liturgie. Mais l’instrument a aussi beaucoup évolué. D’instrument hydraulique, il est devenu instrument à vent.

Le répertoire profane est ainsi bien plus étendu que le liturgique. Il n’est donc pas étonnant que beaucoup d’organistes ont créé des morceaux contemporains spécifiquement pour l’orgue de Valère. Véronique Dubuis veut réunir toutes ces compositions pour les faire jouer dans le cadre du cinquantième festival dans deux ans.

L’utiliser c’est le conserver

L’engouement autour de cet instrument est aussi un gage de sa survie. “Il est important que l’orgue soit utilisé, mais pas trop, car il ne faut pas l’agresser”, observe Mme Dubuis. Le festival est un des facteurs de la pérennité de l’instrument à côté de deux ou trois messes annuelles et quelques démonstrations.

La seule modification évoquée par Mme Dubuis relève du rêve. Certains tuyaux ont été raccourcis, de quelques millimètres à quelques centimètres, au fil du temps pour des raisons de tonalité. Elle aimerait que leur longueur d’origine soit restaurée pour obtenir un contexte harmonique plus correct et plus approprié à la musique de l’époque.

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