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Le gouvernement résiste aux appels à la démission

Magistrats et manifestants ont vu dans le décret un texte taillé sur mesure pour amnistier des dizaines de responsables reconnus coupables ou condamnés pour abus de pouvoir, dont Liviu Dragnea. KEYSTONE/AP/VADIM GHIRDA sda-ats

(Keystone-ATS) Le gouvernement social-démocrate roumain au pouvoir depuis à peine un mois a rejeté lundi les appels à la démission lancés par des dizaines de milliers de manifestants. Ces derniers ont déjà obtenu ce week-end l’abrogation d’un décret contesté sur la corruption.

Face au plus vaste mouvement de contestation depuis la chute du communisme en 1989, le gouvernement de Sorin Grindeanu a retiré dimanche ce décret dépénalisant certains faits de corruption concernant des sommes inférieures à 200’000 lei (47’300 francs).

Mais il doit désormais retrouver la confiance des Roumains, dont plusieurs dizaines de milliers scandaient dimanche soir: “Nous ne vous croyons pas, nous n’abandonnerons pas.”

Certains manifestants, parmi les 250’000 recensés dimanche à Bucarest, ont promis de revenir chaque jour dans la rue jusqu’à ce que l’abrogation du décret soit confirmée par le Parlement, où le Parti social-démocrate (PSD) est largement majoritaire avec son allié ALDE.

Mobilisation en baisse

Lundi soir, 25’000 personnes se sont rassemblées devant le siège du gouvernement, soit bien moins que les jours précédents, pour réclamer la démission de Sorin Grindeanu et la tenue de législatives anticipées.

Dans le même temps, une autre manifestation, forte de 4000 personnes, a eu lieu pour la deuxième journée consécutive sous les fenêtres de la présidence, pour accuser le chef de l’Etat Klaus Iohannis, de centre droit, d’être l’instigateur des marches antigouvernementales de la semaine dernière.

Après avoir présidé une réunion de l’état-major de son parti, le chef du PSD, Liviu Dragnea, principale cible de la colère des manifestants, a adopté lundi un ton de défi face à la contestation.

“Légitimement élu”

“Le gouvernement n’a aucune raison de démissionner, il a été légitimement élu”, a-t-il dit à la presse. “Personne ne gagnera quoi que ce soit si ces tensions perdurent.”

Le PSD n’en est pas moins ébranlé par ces vastes manifestations organisées chaque jour depuis le 31 janvier dans tout le pays. “Toute nouvelle décision qu’il prend doit être vérifiée. Tout semble suspect”, comment l’analyste politique Cristian Patrasconiu.

Directive de l’UE

Le décret sur la corruption, émis par le gouvernement dans la soirée du 31 janvier sans débat préalable au Parlement, devait dépénaliser un certain nombre de faits de corruption, réduire les peines de prison et restreindre la définition du conflit d’intérêts.

Le gouvernement a expliqué qu’il rendait ainsi le droit pénal conforme à des arrêts de la Cour constitutionnelle et à une directive de l’Union européenne enjoignant aux pays membres de consolider certains aspects de la présomption d’innocence.

Mais l’opposition, les procureurs spécialisés dans la lutte contre la corruption, les magistrats et des centaines de milliers de manifestants ont vu dans ce décret un texte taillé sur mesure pour amnistier des dizaines de responsables reconnus coupables ou condamnés pour abus de pouvoir, dont Liviu Dragnea.

Retour en arrière condamné

La Commission européenne et les Etats-Unis ont condamné un retour en arrière dans la lutte contre la corruption et un revers pour les procureurs roumains, dont le travail est applaudi.

Lundi matin, le ministre de la Justice Florin Iordache a annoncé qu’il allait dévoiler les détails d’un nouveau projet de loi visant à mettre à jour le code pénal.

Mais son propre ministère a semblé le contredire par la suite, en diffusant un communiqué dans lequel il a annoncé qu’aucun projet n’était en préparation.

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