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Le Parlement peut batailler sur l’entraide administrative

La Suisse est sous pression internationale pour accorder l'entraide aux autorités fiscales étrangères qui veulent poursuivre des fraudeurs du fisc sur la base de données volées (image symbolique). KEYSTONE/GAETAN BALLY sda-ats

(Keystone-ATS) La Suisse doit parfois coopérer avec les autorités étrangères brandissant des CD de données bancaires volées pour obtenir l’assistance administrative fiscale. Trois ans après avoir jeté l’éponge, le Conseil fédéral a transmis vendredi un nouveau projet au Parlement.

Il permettrait dʼentrer en matière sur des demandes d’Etat ayant obtenu les données de manière passive. Toujours pas question en revanche de coopérer si l’Etat a cherché activement à se procurer des données volées hors d’une procédure d’entraide administrative.

Le Conseil fédéral refuse de reculer cette fois et n’a pas revu son projet à l’issue de la consultation. Les cantons y sont pratiquement tous favorables et “l’on trouve quasiment autant de partisans que d’opposants parmi les partis politiques et les organisations”, fait-il valoir. Le cap du Parlement sera toutefois difficile à passer: si la gauche soutient le projet, PDC, PLR et UDC le rejettent.

Défendre les intérêts suisses

La révision est nécessaire à une sauvegarde efficace des intérêts de la Suisse, plaide le gouvernement. Devant l’opposition de la droite, des cantons et des milieux économiques, il avait enterré des propositions similaires après une consultation en 2013.

Entre-temps, le fait que la pratique internationale ne tolère que très peu d’exceptions à l’échange de renseignements s’est confirmé. La problématique a connu un regain d’intérêt avec la diffusion l’an passé à grande échelle par les médias de la liste subtilisée à la banque HSBC.

Et le nombre des pays ayant reçu les données volées par l’informaticien Hervé Falciani a grimpé à une trentaine grâce à la transmission des informations par la France via l’entraide. Les récentes révélations en lien avec les “Panama Papers” devraient renforcer les demandes de coopération.

Des partenaires importants comme l’Inde ou la France sont irrités par les fins de non-recevoir helvétiques. La Confédération rejette les dossiers qui violent la bonne foi en se fondant par exemple sur des renseignements obtenus par des actes punissables selon son droit.

Bonne foi précisée

Or les Etats partenaires affirment être de bonne foi lorsqu’ils s’adressent à Berne sur la base de la liste HSBC puisqu’ils n’ont pas encouragé activement le vol de ces données et simplement demandé l’entraide en vertu d’un accord international prévoyant l’échange de renseignements. Le Conseil fédéral propose donc de préciser la portée de la bonne foi dans la loi.

Même si la demande repose sur un vol, Berne entrera en matière à condition que l’Etat requérant ait obtenu les données via une procédure d’assistance administrative et en l’absence de comportement actif. Le pays pourra aussi bénéficier de l’entraide s’il est entré en possession des données via des sources accessibles au public comme les médias.

Eviter la liste noire

La Suisse ne veut pas atterrir sur une liste noire. Elle fait de nouveau l’objet d’un examen par les pairs du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales. Avec la nouvelle réglementation, le Conseil fédéral espère montrer sa bonne volonté d’appliquer les standards internationaux.

Le Luxembourg qui n’accordait pas non plus l’entraide sur la base de données volées et ne pouvait ainsi répondre à 40% des demandes a d’abord raté la phase d’examen où se trouve la Suisse actuellement. La Belgique l’a immédiatement placé sur une liste noire.

Pour y échapper, le grand-duché a radicalement modifié sa législation: l’autorité luxembourgeoise ne procède plus qu’à un examen formel des demandes même si elle soupçonne que les données à leur origine sont de provenance illicite. Le Forum mondial juge désormais sa réglementation “conforme”.

Avec le passage du pays à l’échange automatique d’informations dès 2018, les Etats partenaires devraient avoir moins intérêt à recevoir des données volées. Mais l’échange sur demande ne disparaîtra pas, rappelle le Conseil fédéral.

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