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Les musulmans de France manifestent leur horreur du djihadisme

Des musulmans se rassemblent devant l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray. KEYSTONE/AP/FRANCOIS MORI sda-ats

(Keystone-ATS) Cinq jours après l’assassinat d’un prêtre qui a bouleversé la France, de nombreux musulmans ont manifesté dimanche leur horreur du djihadisme. Certains ont assisté à des messes aux côtés des catholiques, d’autres ont publié des tribunes dans les médias.

Dans la cathédrale de Rouen, plus d’une centaine d’entre eux se sont mêlés à la foule des quelque 2000 fidèles qui se pressaient pour une messe d’hommage au père Jacques Hamel. Ce prêtre de 85 ans a été égorgé mardi dans l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray par deux jeunes de 19 ans se réclamant de l’organisation Etat islamique (EI).

“Amour pour tous, haine pour personne”, pouvait-on lire sur une affiche accrochée à l’intérieur de l’édifice par une association musulmane.

La présence des musulmans est “un geste courageux”, “un geste de paix”, a souligné l’archevêque de Rouen, Mgr Dominique Lebrun. “Vous affirmez ainsi que vous refusez les morts et les violences au nom de Dieu. Comme nous l’avons entendu de vos bouches que nous savons sincères, ce n’est pas l’islam”, a-t-il souligné.

A Bordeaux, l’imam de la mosquée, Tareq Oubrou, s’est rendu à l’église Notre-Dame. Il était accompagné d’une délégation d’une dizaine de fidèles, hommes, femmes et enfants.

Une réponse à ces actes d’horreur

A Nice, endeuillée le 14 juillet par un attentat lui aussi revendiqué par l’EI qui a fait 84 morts et 435 blessés, l’église Saint-Pierre-de-l’Ariane a reçu la visite de l’imam Otman Aissaoui et d’un groupe de fidèles. “Etre uni est une réponse à ces actes d’horreur et de barbarie”, a souligné le religieux.

Tous répondaient à un appel inédit du Conseil français du culte musulman. Il a aussi été relayé en Italie où, de Milan au nord à Palerme au bout de la Sicile, de petites délégations d’imams, de responsables et de fidèles se sont rendues dans les églises.

Fin d’une certaine retenue

Cette initiative rompt avec une certaine retenue des musulmans pratiquants à s’exprimer dans l’espace public. Après les attentats contre l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, des policiers et un magasin casher (17 morts), leur faible présence à la manifestation monstre du 11 janvier 2015 leur avait été reprochée.

“Nous devons répondre à l’interpellation de la société française qui nous dit +mais qui êtes vous? Que faites vous?+”, ont lancé une quarantaine d’entre eux dans une tribune publiée par le Journal du Dimanche. Ils ont rappelé qu'”aujourd’hui les musulmans de France sont à 75% français”. Ils doivent prendre toute leur place dans la société.

Bataille culturelle contre l’islam radical

Médecins, universitaires, chefs d’entreprise, artistes, “musulmans de foi et de culture”, ils ont appelé à “mener enfin la bataille culturelle contre l’islam radical” qui séduit une frange de la jeunesse, alors que “le risque de fracture entre les Français est chaque jour plus important”.

Ils ont souligné la nécessité de réorganiser l’islam de France “qui n’a aucune prise sur les évènements”. Cette préoccupation rejoint celle du Premier ministre Manuel Valls. Dans le même journal, il estime que si “l’islam a trouvé sa place dans la République”, il y a “urgence” à “bâtir un véritable pacte” avec cette religion, la deuxième en France.

Deux hommes inculpés

Du côté de l’enquête, deux hommes liés à l’un des meurtriers, Abdel Malik Petitjean, ont été inculpés dimanche et placés en détention, a annoncé le parquet de Paris. Il s’agit d’un cousin de 30 ans, et d’un homme de 20 ans qui avait tenté de rejoindre la Syrie en juin avec lui.

Le premier, originaire de Nancy, “avait parfaitement connaissance, si ce n’est du lieu et du jour précis, de l’imminence d’un projet d’action violente de son cousin”, avait indiqué le parquet un peu plus tôt. Il a été mis en examen pour “association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste criminelle”.

L’enquête a aussi permis d’établir que les deux assassins se sont rencontrés via le système de messagerie chiffrée Telegram quelques jours seulement avant leur passage à l’acte, selon plusieurs médias. Le second meurtrier, Adel Kermiche, y aurait décrit par avance le mode opératoire de l’attentat, mentionnant “un couteau” et “une église”.

Les deux jeunes avaient été repérés chacun de leur côté par les services antiterroristes sans que leur projet n’ait été détecté.

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