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Lien de causalité établi entre cannabis et risque de schizophrénie

Alors que le cannabis connaît une vague de libéralisation sans précédent - ici lors d'une manifestation à Vancouver, au Canada, où la légalisation est annoncée pour ce printemps -, les preuves scientifiques de ses effets néfastes se renforcent (archives). KEYSTONE/AP The Canadian Press/DARRYL DYCK sda-ats

(Keystone-ATS) Fumer du cannabis engendre bel et bien un risque accru de schizophrénie. Une étude génétique internationale avec participation lausannoise établit un lien de causalité jugé “robuste”.

Les données épidémiologiques récoltées depuis plus de quarante ans laissaient déjà fortement supposer une association entre cannabis et schizophrénie, en fonction de la dose également. Mais aucune étude n’avait jusqu’à présent permis de déterminer précisément si la plante était directement responsable de l’apparition de la maladie.

C’est désormais chose faite avec cette recherche en partie conduite au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) à Lausanne. L’étude s’appuie sur une technique d’analyse nommée randomisation mendélienne qui consiste à étudier la relation entre un facteur de risque – en l’occurrence le cannabis – et la survenue d’une maladie – la schizophrénie – au moyen de marqueurs génétiques fortement liés au facteur de risque.

L’avantage d’utiliser ces derniers repose sur le fait qu’ils sont innés et aléatoirement distribués dans la population depuis la conception. Ils ne sont pas non plus influencés par des facteurs environnementaux, comme le milieu familial ou le niveau socio-économique, a expliqué à l’ats Julien Vaucher, du Service de médecine interne du CHUV, premier auteur de l’étude.

Etape importante

Les chercheurs se sont basés sur les données d’une publication de 2016 qui a mis en évidence dix marqueurs génétiques liés à la consommation de cannabis au sein d’une population de 32’000 individus. Les mêmes marqueurs ont ensuite été recherchés dans une base de données séparée analysant le risque de schizophrénie chez 34’000 patients et 45’000 personnes libres de la maladie.

La combinaison des informations provenant des deux sources a permis de déterminer que la consommation de cannabis est associée à un risque de schizophrénie augmenté de 37%, chiffre comparable à ceux évoqués dans les études observationnelles réalisées par le passé. Par ailleurs, le lien n’est pas modifié par d’autres facteurs, notamment la consommation de tabac, qui pourrait l’influencer.

Ces résultats “robustes” viennent donc s’ajouter à ceux de nombreuses publications dans le domaine en indiquant que le lien entre consommation de cannabis et un risque augmenté de schizophrénie est de cause à effet, souligne le Dr Vaucher.

Ils sont importants en termes de santé publique pour informer au sujet des risques liés à la consommation de cannabis, notamment en ce qui concerne la santé mentale, note le spécialiste.

Messages de prévention

Alors que cette substance connaît une vague de libéralisation et est de plus en plus utilisée à des fins thérapeutiques, il s’agit maintenant de mieux comprendre les mécanismes impliqués. De nouvelles études pourraient permettre, par exemple, de formuler des messages de prévention à l’intention de groupes à risques de schizophrénie ou de troubles associés, estime le Dr Vaucher.

Vu la méthode utilisée, l’étude n’a pas permis l’investigation du risque en fonction de la quantité consommée, du type de cannabis, de la manière de l’administrer ou encore de l’âge des usagers, soulignent les chercheurs. “On a mis la charpente sur la maison, mais d’autres études seront nécessaires pour élucider ces points”, conclut le spécialiste.

Le cannabis est la drogue illégale la plus répandue, avec une estimation de 182 millions de consommateurs en 2013. D’autres études avaient déjà démontré une altération des voies de neurotransmission impliquées dans la genèse des troubles psychotiques ainsi que de la maturation du cortex cérébral chez les adolescents.

Des groupes de recherche britanniques et d’Amérique du Nord ont également contribué à ces travaux publiés dans la revue Molecular Psychiatry.

http://dx.doi.org/10.1038/MP.2016.252

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