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LuxLeaks: peines réduites en appel pour les lanceurs d’alerte

Antoine Deltour a vu sa peine passer de douze à six mois de prison avec sursis (archives). KEYSTONE/EPA/JULIEN WARNAND sda-ats

(Keystone-ATS) La justice luxembourgeoise a réduit mercredi en appel les peines des deux lanceurs d’alerte français à l’origine du scandale LuxLeaks. Les révélations avaient mis à nu l’optimisation fiscale à grande échelle pratiquée par des multinationales via le Grand-Duché.

La Cour d’appel du Luxembourg a par ailleurs confirmé l’acquittement du journaliste français Edouard Perrin, à qui ils avaient communiqué des milliers de documents fiscaux confidentiels soustraits à leur employeur à Luxembourg, la société PricewaterhouseCoopers (PwC).

Antoine Deltour, 31 ans, a écopé de six mois d’emprisonnement avec sursis avec 1500 euros d’amende, tandis que Raphaël Halet, 40 ans, a lui écopé d’une simple amende de 1000 euros. Reconnus dans le premier jugement du 29 juin comme lanceurs d’alerte, ils avaient malgré tout écopé respectivement de douze et neuf mois de prison avec sursis, assortis d’une amende. Ils avaient tous deux fait appel.

Les deux hommes avaient soustrait en 2010 et 2012 des milliers de documents fiscaux confidentiels à la société de conseil PwC, détaillant les accords passés avec le fisc luxembourgeois pour le compte de grandes entreprises. Ils les avaient communiqués au journaliste Edouard Perrin, membre du consortium international de journalistes d’investigation ICIJ, l’organisation à l’origine des révélations du 5 novembre 2014 dites “LuxLeaks”.

Reportages sur France 2

Accusés notamment de violation du secret d’affaires et de blanchiment d’informations volées, ils risquaient jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. Le journaliste Edouard Perrin, qui avait utilisé les milliers de pages de documentation pour réaliser deux reportages diffusés en 2012 et 2013 sur France 2, était poursuivi comme complice ou coauteur des faits.

Il avait déjà été acquitté en première instance, mais avait été repris dans la procédure à la suite d’un appel général prononcé pendant l’été par le parquet luxembourgeois. Les peines prononcées sont conformes à celles réclamées par le premier avocat général John Petry lors du procès en appel, qui s’est tenu du 12 décembre 2016 au 9 janvier 2017 devant la cour d’appel de Luxembourg.

Le représentant du ministère public avait proposé six mois de prison avec sursis pour M. Deltour, considéré comme le principal lanceur d’alerte pour avoir soustrait plus de 500 “rulings” (des accords fiscaux anticipés). Et il avait requis une simple amende (au montant indéterminé) pour M. Halet, dont le rôle s’est avéré moins déterminant dans les révélations. L’acquittement avait été une nouvelle fois proposée pour Edouard Perrin.

Réactions diverses

“Le seul jugement satisfaisant aurait été l’acquittement”, a réagi M. Deltour. “Le vrai procès qui n’a pas eu lieu c’est celui de l’évasion fiscale”, a pour sa part déclaré M. Halet.

Plusieurs ONG, parmi lesquelles Oxfam et Attac, ont dénoncé dans un communiqué commun des peines “scandaleuses et inquiétantes”, réclamant “une véritable protection” pour les lanceurs d’alerte. “Antoine Deltour et Raphaël Halet devraient avant tout être remerciés pour leurs actions”, ont-elles estimé.

Manifestation devant la Cour

Les prévenus ont pu compter mercredi sur des soutiens, notamment de la part d’associations défendant le combat des lanceurs d’alerte. Une centaine de personnes ont manifesté sur le parvis de la Cour d’appel, avec des t-shirts proclamant “Je soutiens Antoine”.

Le 5 novembre 2014, l’ICIJ avait publié sur son site internet 548 rescrits fiscaux liant l’administration luxembourgeoise à plus de 350 sociétés, ainsi que 16 déclarations fiscales. Les documents avaient été respectivement soustraits par Antoine Deltour (le 13 octobre 2010 avant de quitter la firme) et Raphaël Halet (après le premier reportage en 2012 et alors qu’il était en contact avec Edouard Perrin).

Le scandale avait poussé le gouvernement luxembourgeois à battre en retraite sur l’échange transfrontalier de documentation fiscale. Il avait même fragilisé l’ex-premier ministre luxembourgeois devenu président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, fraîchement investi.

Les révélations de LuxLeaks ont également servi de catalyseur à l’adoption de normes favorisant une homogénéisation de l’imposition des firmes multinationales à travers les pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques).

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