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Procès en appel de l’ex-président tchadien pour crimes contre l’humanité

Durant son procès en première instance, Hissène Habré avait été forcé à se présenter devant la cour (archives). KEYSTONE/AP/SCHALK VAN ZUYDAM sda-ats

(Keystone-ATS) Le procès en appel du président tchadien déchu Hissène Habré s’est ouvert lundi à Dakar, sept mois après sa condamnation à perpétuité par un tribunal spécial africain. Un jugement censé servir d’exemple pour le continent.

Hissène Habré, 74 ans, a été condamné le 30 mai pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité, tortures et viols par les Chambres africaines extraordinaires (CAE). Ce tribunal a été créé en vertu d’un accord entre l’Union africaine (UA) et le Sénégal, où M. Habré s’est réfugié après avoir été renversé en décembre 1990 par l’actuel président tchadien Idriss Déby Itno.

Il a ensuite été condamné en juillet à payer jusqu’à 20 millions de francs CFA (plus de 30’000 francs suisses) par victime.

Refus de s’exprimer

A l’ouverture des débats, le président de la Chambre d’assises d’appel, le magistrat malien Wafi Ougadèye, a précisé que “la défense demande une dispense de comparution de l’accusé”.

Face à son refus, tout au long du procès qui s’était ouvert le 20 juillet 2015, de s’exprimer ou d’être représenté devant une juridiction qu’il récuse, la Cour a désigné trois avocats commis d’office pour assurer sa défense. L’ex-président tchadien (1982-1990) avait été contraint par la force publique à comparaître en première instance.

“Habré pourrait être dispensé de comparution. Sa présence pouvait se justifier si on avait prévu l’audition de certains témoins, mais cela relève de la compétence exclusive du président”, a souligné Marcel Mendy, porte-parole des CAE.

Appel pour vices de forme

Ce sont les trois avocats commis d’office qui ont fait appel, et non les conseils désignés par l’accusé. “Nous avons motivé notre appel par des vices de forme, des violations de la loi et (des droits) de la défense, des erreurs de procédure”, a déclaré l’un des avocats commis d’office.

Les avocats choisis par Hissène Habré continueront pour leur part à boycotter le procès, a affirmé l’un d’entre eux, Ibrahima Diawara. “Habré estime que cela ne le regarde ni de près, ni de loin. Il ne va pas comparaître. On verra si la Chambre usera de la force pour le faire venir comme la dernière fois”, a-t-il ajouté.

Décision avant le 30 avril

“On n’aura pas de témoin à auditionner. C’est une décision souveraine de la Chambre qui a décidé de ne pas donner suite aux demandes des avocats de Habré”, a souligné M. Mendy.

La défense avait demandé l’audition de huit témoins, dont Idriss Déby Itno et Khadija Hassan Zidane, qui avait affirmé pendant le procès avoir été violée par Hissène Habré lui-même. Un témoignage qui avait convaincu la cour.

La Chambre d’appel devra également examiner un appel des parties civiles portant sur les conditions d’attribution des réparations. Les débats devraient durer plusieurs jours, la décision finale est attendue le 30 avril au plus tard, date de la fin du mandat du tribunal.

Le verdict sera définitif. En cas de condamnation, Hissène Habré purgera sa peine au Sénégal ou dans un autre pays de l’UA.

Un procès “historique”

Les organisations de défense des droits de l’homme ont souligné le caractère “historique” du procès en première instance. Le premier dans lequel un ancien chef d’Etat a été jugé par les tribunaux d’un autre pour violation des droits de l’homme.

De plus, “un ancien dictateur n’avait encore jamais été personnellement reconnu coupable de viol par une cour internationale”, a souligné le juriste américain Reed Brody. Il travaille avec les victimes du régime Habré depuis 1999.

Amnesty International a demandé, comme M. Brody, qu’en cas de confirmation de la décision sur les réparations, les CAE, l’UA, le Tchad et la communauté internationale garantissent que “des ressources suffisantes soient mobilisées et allouées à un Fonds de dépôt”.

Une commission d’enquête tchadienne estime le bilan de la répression sous Hissène Habré à quelque 40’000 morts.

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