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Un médecin est jugé pour une circoncision qui s’est mal passée

L'affaire remonte au 31 juillet 2014, où un rituel censé être un moment de joie, "a tourné au cauchemar", d'après le Ministère public de Genève. KEYSTONE/MARTIAL TREZZINI sda-ats

(Keystone-ATS) Le Ministère public genevois a requis mardi devant le Tribunal de police une peine pécuniaire contre un médecin qui a pratiqué une circoncision qui a mal tourné. Il est accusé de lésions corporelles graves par négligence. La défense défend l’accident.

La procureure a exigé une peine pécuniaire de 240 jours-amende à 200 francs, assortie d’un sursis de 3 ans. Le verdict sera rendu ultérieurement.

En faisant l’incision, le médecin, pourtant expérimenté, a coupé le gland de l’enfant de 4 ans, l’amputant entièrement. Le chirurgien a immédiatement procédé à une anastomose de l’urètre et une réimplantation du gland, mais le mal était fait.

L’affaire remonte au 31 juillet 2014, où un rituel censé être un moment de joie, “a tourné au cauchemar”, a déclaré la procureure dans son réquisitoire. Selon la partie plaignante, le médecin a fait preuve d’inattention au moment de procéder à l’incision.

Le père, excité, prenait des photos à côté. Le médecin a vu sa main se lever et l’enfant a bougé son bassin en direction du père au moment même de l’incision.

“Un carnage”

C’est un geste délicat qui dure “une seconde”, il faut être très précis, a expliqué l’accusé qui a pratiqué environ 2500 circoncisions et qui interdit depuis à ses patients de prendre des photos.

“Je l’ai vu, parce qu’il était dans mon champ de vision qui est périphérique”, s’est-il défendu. Lui-même est né au Congo. Catholique, il est également circoncis.

Reste que le garçon “a subi une lésion de la verge, de type amputation complète du gland, avec suture directe”, a rappelé la procureure. “C’est un carnage”, a renchéri la partie plaignante.

Quatre opérations

Depuis cette intervention, la victime a souffert d’une fistule urétrale et a dû se faire opérer quatre fois, dont trois anesthésies générales, “avec les risques que cela implique”. Il a été hospitalisé du 1er au 27 août 2014.

De surcroît, le chirurgien n’a pas fait signer de consentement écrit aux parents. Enfin, il s’est avéré qu’il ne disposait pas de sonde vésicale urinaire adaptée, a énuméré la procureure.

Il était en rupture de stock depuis deux semaines. Il a arpenté toute la ville pour en trouver une, a critiqué l’avocat des parents. Il aurait dû immédiatement conduire l’enfant à l’hôpital, ce d’autant plus que les HUG se trouvent à proximité de sa permanence.

Même s’il n’avait jamais pratiqué d’anastomose, l’opération est réussie, a insisté la défense. “L’organe est réparé”. Son geste doit être considéré comme un accident.

La “reconstruction” de son gland s’est fait sous anesthésie locale dans des locaux qui n’assurent pas les conditions de stérilité d’un hôpital, a répliqué la partie plaignante. Mais c’est “le qui père ne voulait pas se rendre à l’hôpital”, assure l’accusation.

Il voulait attendre la mère. C’est pour cela que le médecin – qui a d’ailleurs enchaîné avec une circoncision d’un nourrisson après celle-ci – a été cherché la sonde lui-même.

Ping pong verbal

Quand l’enfant est arrivé à l’hôpital, il n’avait pas uriné depuis six heures. Selon les parents, originaires du nord de l’Afrique et musulmans, qui ont également témoigné, il a subi un grave traumatisme physique.

Il présente un risque de troubles de la sensibilité du gland. Mais le traumatisme est aussi psychologique. Anxiété, cauchemars, incapacité à uriner debout, obligé de porter des couches: l’enfant “a beaucoup souffert” et est suivi par un psychologue.

Les parents, qui se sont séparés depuis, sont également très affectés. La mère a fait une tentative de suicide.

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