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Ziegler: une réforme du droit de veto s’impose à l’ONU

Jean Ziegler pointe du doigt certaines de ses cibles habituelles mais avoue des regrets sur ses rencontres avec Mouammar Kadhafi ou en Corée du Nord (archives). KEYSTONE/MARTIAL TREZZINI sda-ats

(Keystone-ATS) Reconduit à un organe du Conseil des droits de l’homme, Jean Ziegler dénonce l'”impuissance” de l’ONU. Il estime que le conflit syrien va forcer une réforme du droit de veto au Conseil de sécurité. Et veut un impôt mondial pour financer les organisations onusiennes.

En Syrie, l’ONU est “réduite à être une spectatrice impotente”, estime le Genevois dans un entretien à l’ats à l’occasion de la sortie de son livre “Chemins d’espérance”. Le vice-président du Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme cible le veto russe qui empêche toute action militaire comme une force internationale ou une zone d’exclusion aérienne.

M. Ziegler veut croire en une fenêtre d’opportunité pour une réforme du Conseil de sécurité. “L’espoir, ce n’est que les Nations Unies”, dit-il plus de 70 ans après la création de l’organisation. Il souhaite la mise en œuvre du plan de 2006 de l’ancien secrétaire général Kofi Annan pour abolir tout veto en cas de suspicions de crimes de guerre ou de crimes contre l’Humanité.

Une idée reprise récemment par le Haut Commissaire aux droits de l’homme Zeid Raad al-Hussein. Mais ce changement requiert l’aval des membres permanents de l’exécutif onusien.

Guterres a la carrure

Sans être “naïf”, le Genevois assure que “la ligne de flottaison” des consciences est montée après l’horreur en Syrie. L’UE, la France ou l’Allemagne s’activent en coulisses, et le prochain secrétaire général de l’ONU, le Portugais Antonio Guterres, aura la “carrure” pour changer la donne.

“Puisqu’il était président de l’Internationale socialiste”, ajoute avec malice l’ancien conseiller national du PS au sujet de celui dont le pays est pourtant réputé proche des Etats-Unis, l’un des ennemis de M. Ziegler. La Syrie comme le Yémen ou le Soudan sont révélateurs d’une autre réalité préoccupante pour l’ancien rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation.

“La privation de nourriture comme arme de guerre se généralise”, estime-t-il. Là aussi, une réforme du Conseil de sécurité lui semble indispensable. Le Chapitre VII de la Charte de l’ONU, qui permet des sanctions ou une action militaire, devrait être activé “automatiquement” en cas de violations graves des droits de l’homme, plaide-t-il. Il veut aussi que la Charte soit enseignée dans toutes les écoles.

Sous-alimentation organisée

Jean Ziegler accuse des Etats comme Israël, une autre de cibles préférées, d’organiser la “sous-alimentation”. Il déplore que le Programme alimentaire mondial (PAM), qu’il aime tant, soit contraint d’en faire autant, faute de moyens.

Pour faire face aux problèmes budgétaires des 23 agences onusiennes spécialisées, il propose une contribution “de solidarité” calculée “au prorata du PIB” des Etats membres. Un système qui ressemblerait à celui du financement général de l’ONU.

A l’heure actuelle, les Etats-Unis financent un quart des programmes de l’ONU. Mais ils ne croient pas au multilatéralisme, déplore le vice-président du Comité consultatif. Il accuse Washington de faire nommer ses favoris aux postes importants, notamment à Genève.

Aveu sur Kadhafi et Pyongyang

Dans son livre, Jean Ziegler consacre deux chapitres entiers à une charge en règle contre Israël et les Etats-Unis. “Je voulais m’expliquer”, confie-t-il. Parfois dans des termes forts, comme ceux d’une ONU “impuissante” pour laquelle travaillent de “mornes fonctionnaires” qui sont “grassement payés”. Aux multinationales, il reproche de contrôler les gouvernements.

Il ressent aussi ce besoin de clarification au sujet de ses visites controversées en Corée du Nord ou auprès de l’ancien dictateur libyen Mouammar Kadhafi, qu’il a vu “deux ou trois fois de trop”. Des regrets qui ne s’appliquent pas à la rencontre avec Saddam Hussein en Irak parce qu’elle a permis de libérer des otages suisses.

Il raconte enfin comment l’ancien président de la Confédération Flavio Cotti l’a qualifié de traître dans l’affaire des fonds en déshérence. A la Suisse, il demande aujourd’hui de militer pour le désendettement des 50 Etats les plus pauvres au monde.

A plus de 80 ans, M. Ziegler rend hommage à ceux qu’il a admirés: les anciens secrétaires généraux Dag Hammarskjöld, Boutros Boutros-Ghali et Kofi Annan à l’ONU, mais aussi le Burkinabè Thomas Sankara, le guérillero Che Guevara ou encore l’ancien président cubain Fidel Castro.

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