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La Suisse ne veut plus être lanterne rouge des dons d’organes

La Suisse se distingue d’autres pays avec sa règle du «consentement explicite». Keystone

Près de 1200 personnes sont sur une liste d’attente pour un organe en Suisse et une centaine de personne meurent chaque année, faute de donneur. Une étude nationale entend inciter les Suisses à ne plus être parmi les plus mauvais donneurs d’Europe.

La Suisse affiche toujours l’un des taux de dons d’organes les plus faibles d’Europe. En comparaison avec la France, l’Autriche ou l’Italie, elle recense deux fois moins de donneurs par million d’habitants.

Les responsables du don et de la transplantation d’organes multiplient les initiatives pour améliorer la situation. En 2011, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a lancé une campagne nationale visant à informer la population que l’on peut aussi remplir une carte de donneur pour y affirmer que l’on ne veut pas donner ses organes en cas de décès.

L’an dernier, un sondage mené par Swisstransplant, la Fondation nationale suisse pour le don et la transplantation d’organe, révélait toutefois que seule la moitié de la population avait vu cette campagne d’information. Swisstransplant a alors introduit, en collaboration avec Facebook, une nouvelle fonctionnalité pour permettre aux utilisateurs du réseau en Suisse de se déclarer, sur leur journal personnel, potentiel donneur d’organes ou non.

Un lien permet de commander la carte de donneur chez Swisstransplant. «J’ai été très surpris, explique le directeur de l’organisation, Franz Immer, à swissinfo.ch. Les dix premiers jours, grâce à Facebook, nous avons enregistré un rythme de téléchargement d’une carte de donateur par minute. Au total, 10’000 cartes ont été remplies.»

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Les taux de greffes varient selon les régions

Ce contenu a été publié sur La Télévision suisse s’est rendue au Centre hospitalier universitaire de Lausanne (CHUV) pour en savoir plus sur le «Programme latin de don d’organes» (PLDO) mis sur pied dans 17 hôpitaux de Suisse romande et du Tessin. (RTS.ch/swissinfo.ch)

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Facebook ne règle pas tous les problèmes

Publiée en janvier, une nouvelle étude, la première menée auprès de tous les services de soins intensifs et de tous les services d’urgence du pays, a révélé que le potentiel de donneurs était, au maximum, trois fois plus élevé que ce qu’il est actuellement. Mais l’étude montre aussi que le taux de refus s’élève en moyenne à 52,6% (chez les proches de personnes décédées), soit 10% de plus depuis 2008. A l’échelle européenne, le taux de refus se situe actuellement à près de 30%.

Selon le rapport, la Suisse compte 12,7 donneurs décédés par million d’habitants. L’Allemagne affiche un taux de 14,7 et l’Autriche de 23,2. L’Espagne caracole toujours en tête des statistiques dans ce domaine. En 2011, elle comptait 35,3 dons de personnes décédées par million d’habitants. Les auteurs de l’étude suisse estiment qu’il est possible d’augmenter la proportion à 36,5 par million d’habitants.

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Transplantations, les clefs du succès espagnol

Ce contenu a été publié sur Depuis plusieurs années, l’Espagne occupe le premier rang mondial dans le domaine des dons et des transplantations d’organes. Aujourd’hui, le taux de donneurs y est de 35 pour un million d’habitants, nettement au-dessus de la moyenne européenne (19). swissinfo.ch: L’OMS a approuvé en 2010 une stratégie basée sur le modèle espagnol pour atteindre l’autosuffisance. Comment…

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Consentement «explicite»

La Suisse se distingue d’autres pays avec sa règle du «consentement explicite»: les donneurs doivent spécifier qu’ils acceptent que leurs organes soient transplantés après leur décès. Dans la plupart des autres pays européens, c’est la règle du consentement présumé qui domine: seul le refus doit être spécifiquement indiqué.

La règle suisse a été inscrite sur le plan fédéral (diverses solutions cantonales prévalaient auparavant) dans la révision de la loi sur les transplantations en vigueur depuis 2007. Elle prescrit que, «pour qu’un prélèvement d’organes, de tissu ou de cellules chez une personne décédée soit légal, il faut que le donneur y ait consenti ou, en l’absence d’un tel consentement, que les proches aient donné leur accord».

Diverses interpellations politiques, dont une initiative parlementaire, ont été déposées en fin d’année dernière pour modifier la question du consentement et passer à un régime du refus (consentement implicite). Leurs auteurs sont convaincus que le nombre de donneurs s’en trouverait augmenté.

Il est également prévu de permettre aux médecins d’évoquer la question du don d’organes de patients malades ou accidentés avant leur décès, de même que de les laisser prendre des mesures pour sauver des organes qui pourraient être transplantés. La crainte de soins outranciers pour sauver des organes a cependant également été avancée.

La présidente de Swisstransplant Trix Heberlein admet que le passage au consentement présumé comprend un certain risque. Des patients et des familles pourraient se trouver désécurisés par un changement de loi. «Il est important que les décisions ne contredisent pas la volonté des patients», affirme-t-elle.

Près de 500’000 reins, 20’000 foies et 3500 cœurs ont été transplantés dans le monde en 2012.

En Suisse, cinq hôpitaux universitaires (à Bâle, Berne, Genève, Lausanne et Zurich) et un hôpital cantonal (St-Gall) effectuent des transplantations.

En 2011, 1716 patients ont figuré sur la liste d’attente d’organes à un moment de l’année. 504 d’entre eux ont pu être transplantés. Le nombre de personnes en attente de transplantation a augmenté de 71% entre 2005 (683) et 2012 (1165).

Sept organes (cœur, poumons, foie, pancréas, petit intestin et deux reins) peuvent être transplantés, de même que la cornée, la peau, le sang et divers tissus et cellules. La plus grande demande porte sur les reins: 813 personnes attendaient un rein début 2012. Selon les dernières statistiques, la durée moyenne d’attente est de 514 jours.

La durée de vie des organes transplantés est très variable: 60-70% des cœurs, poumons et foies transplantés survivent dix ans. Les récipiendaires peuvent, en principe, être à nouveau transplantés par la suite. Ce cas survient le plus fréquemment avec les reins, dont la survie moyenne est de 15 ans.

Former les professionnels

Selon la dernière étude, les familles acceptent plus facilement le don d’organes d’un proche décédé lorsque le thème est abordé «tôt». «C’est une décision très difficile, explique Yvan Gasche, directeur adjoint du Département des soins intensifs des Hôpitaux universitaires genevois et vice-président du Comité national du don d’organes (CNDO). Parfois, les proches ont très peu de temps pour décider, ce qui peut être traumatisant, surtout si la question n’a jamais été discutée.»

L’étude a également mis à jour des différences entre les hôpitaux et les régions. Lorsque les réseaux de dons (la Suisse est divisée en six réseaux) compte «un personnel qualifié et formé, on constate qu’un plus grand nombre de donneurs est identifié, signalé et transmis à un centre de référence pour les donneurs d’organes», indique l’étude. 

Swisstransplant demande que les hôpitaux aient davantage de ressources en personnel et en lits. Le rapport propose de mettre en œuvre les «bonnes pratiques» déjà identifiées, de financer des coordinateurs locaux pour les donneurs dans les services de soins intensifs et de proposer des formations ad hoc aux médecins et à tout le personnel soignant.

Swisstransplant entend surtout promouvoir la discussion entre citoyens. «Si tout le monde avait une carte de donneur, pour ou contre le don d’organes, ce serait un grand soulagement pour les personnes concernées et leurs familles», conclut Yvan Gasche.

Les cas de trafics d’organes dans le monde défrayent régulièrement la chronique.

En Chine, les médias ont rapporté des cas de prisonniers exécutés dont les organes sont prélevés. La pratique aurait commencé à la fin des années 1980. En 2006, deux avocats canadiens ont prouvé que des prisonniers, surtout des personnes appartenant au mouvement Falun Gong, étaient maintenus en vie dans les camps pour être utilisés comme donneurs d’organes pour les hôpitaux chinois. Swisstransplant et la Société internationale pour les droits humains ont récompensé les deux avocats en 2010 pour leur travail.

La Chine nie ces accusations en bloc. En 2007, elle a adopté une loi interdisant le commerce d’organes. Elle prescrit aussi que les organes des prisonniers décédés ne peuvent être remis qu’à leurs familles et que les donneurs vivants ne peuvent donner un organe qu’à leurs parents ou à des personnes ayant avec eux une «connection émotionnelle.»

Autre scandale: en Allemagne, des médecins ont manipulé les données de leurs patients pour qu’ils obtiennent plus rapidement le foie dont ils avaient besoin.

(Traduction de l’anglais: Ariane Gigon)

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