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Un conte, mille images, une aventure métaphysique

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L'art du conte n'est pas réservé aux enfants et aux grands-mères. En témoigne la 3e édition du Festival international du conte qui s'est ouverte à Fribourg. Conteur, Pascal Mitsuru Gueran l'est devenu par amour des mots et de l'imaginaire. Rencontre.

Enfant, Pascal Mitsuru Gueran n’avait pas la télévision. A la place, il écoutait ses parents raconter des histoires. Belges pour son père, japonaises pour sa mère. Au croisement de ces cultures, il a mordu à l’hameçon de l’imaginaire.

Comédien de formation, Pascal Mitsuru Gueran pratique le conte depuis une petite quinzaine d’années. Un chemin qu’il a emprunté suite à une révélation survenue lors d’un spectacle de Jean-Pierre Chabrol.

Seul sur scène, sans décor mais avec ses seuls mots, le conteur cévenol, décédé en 2001, lui a donné envie de se lancer à son tour.

Pascal Mitsuru Gueran sera présent ce week-end à Fribourg aux côtés de conteurs venus des quatre coins du monde pour le Festival international du conte, qui en est à sa troisième édition.

swissinfo: qu’est-ce qui fait le sel de votre métier?

Pascal Mitsuru Gueran: Partir dans des histoires et les partager avec les gens qui les écoutent, les emmener dans l’univers de l’imaginaire. Avec le conte, il n’y a pas de scénographie. Seuls les mots sont là, mais l’histoire se passe ailleurs que sur scène ou dans la salle. Elle se passe dans l’imaginaire de chacun.

C’est proche de ce qui se passe avec la lecture. Quand on lit des histoires, on se crée son propre imaginaire. C’est tellement plus beau que tout ce qu’on peut montrer. C’est pourquoi on est bien souvent déçu par l’adaptation cinématographique d’un livre. Quand on raconte des histoires, on a ce plaisir de faire faire à ses auditeurs un grand voyage dans l’imaginaire.

swissinfo: on associe normalement le conte à l’enfance. Que peut-il apporter aux adultes?

Pascal Mitsuru Gueran: Il y a deux formes d’art qui souffrent généralement d’apriori négatifs parce qu’on considère qu’elles sont réservées aux enfants. C’est l’art de la marionnette et le conte. On pense aux contes classiques, à Grimm, à tout ce qui a été popularisé par Walt Disney, et c’est un peu dommage.

En réalité, le conte – ou plutôt faudrait-il dire les histoires qu’on raconte – permettent de toucher également les adultes, dans une dimension beaucoup plus philosophique. Depuis des millénaires, les hommes ont tenté de répondre aux grandes questions existentielles à travers des histoires qui fonctionnent comme des métaphores. Sa puissance, le conte la tire du fait qu’il s’est poli à travers des générations et des générations. En fait, il offre des réponses à des questions fondamentales.

swissinfo: né d’un père belge et d’une mère japonaise, vous vous êtes spécialisé dans le répertoire du conte japonais. Quelles en sont les caractéristiques?

Pascal Mitsuru Gueran: On retrouve des similitudes dans les contes de différentes traditions. Par exemple entre les contes bretons et japonais, qui racontent souvent des univers de brume et des histoires de fantômes.

Ce que je constate dans les histoires traditionnelles du Japon, c’est que la frontière entre la vie et la mort y est très perméable. Le rapport à la mort est différent de celui qui existe en Occident.

swissinfo: la tradition du conte est-elle encore vivante au Japon?

Pascal Mitsuru Gueran: A l’origine, les contes étaient racontés par des femmes aveugles qui chantaient des histoires avec un instrument traditionnel d’un village à l’autre. Dans le théâtre de marionnettes de forme traditionnelle, le «bunraku», les conteurs sont sur le côté et racontent l’histoire.

Aujourd’hui, le conte a un peu de mal à survivre dans le Japon de la modernité, parfois excessif. Mais il subsiste, par exemple dans le «rakugo», où des conteurs racontent des histoires traditionnelles en les mettant au goût du jour et en les présentant de manière humoristique.

swissinfo: l’Unesco a élaboré une Convention pour sauvegarder le patrimoine culturel immatériel. Que signifie cette notion pour vous?

Pascal Mitsuru Gueran: On vit dans une civilisation très matérialiste, dans un monde qui bouge, où tout va très vite et où l’image a pris énormément de place. Or le patrimoine immatériel est fragile, son existence est éphémère. Cela est valable aussi pour le folklore, souvent considéré négativement, à tort. Ce sont toutes ces traces du passé qui ont nourri les diverses cultures du monde. Les préserver est donc fondamental.

Carole Wälti, swissinfo.ch

Le troisième Festival international du conte de Fribourg a lieu du 7 au 10 mai 2009.

La première édition s’était tenue en septembre 2007. Elle avait attiré plus de 5000 personnes.

Une vingtaine de conteurs venus du Liban, de Cuba, de Côte d’Ivoire, de France, d’Inde ou encore du Canada et de Suisse seront présents.

Certains d’entre eux seront accompagnés de musiciens.

Les spectateurs désireux de raconter à leur tour des histoires pourront se lancer lors d’une soirée expérimentale au cours de laquelle une réflexion sera menée sur les modes de la communication contemporaine.

Nom de code: PCI. L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) a adopté en 2003 une Convention pour la sauvegarde du Patrimoine culturel immatériel (PCI).

Champ. Le PCI regroupe les traditions et expressions orales (la langue), les arts du spectacle, les pratiques sociales, rituels et événements festifs, les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers ainsi que les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel.

Ratification. La convention a été ratifiée par plus de 75 pays. La Suisse s’est joint à eux en mars 2008.

Répertoire. Ce texte a donné lieu à la création d’un répertoire électronique pays par pays et à la «Proclamation des chefs-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité».

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