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Un Jeûne genevois, puis fédéral

Depuis l'époque de Calvin, Genève aime à célébrer son propre jeûne. picswiss.ch

Genève célèbre jeudi son propre Jeûne. Et se distingue ainsi des autres Cantons qui, eux, observent un Jeûne fédéral à la mi-septembre.

Généralement, on attribue un peu vite l’origine du Jeûne genevois au massacre des huguenots, à la St-Barthélemy en 1572. «Or, c’est inexact, précise Olivier Fatio, directeur de l’Institut d’histoire de la Réformation et président du sénat de l’Université de Genève. Ne serait-ce que par le fait que des jeûnes étaient célébrés en Suisse bien avant la St-Barthélemy».

Toujours est-il qu’en 1832, le Gouvernement helvétique – la Diète – fixe pour tous les cantons, protestants et catholiques, au troisième dimanche de septembre, la célébration d’un Jeûne fédéral.

Conséquence immédiate: le traditionnel Jeûne genevois se voit alors supprimé. Mais seulement de 1832 à 1837. Frustrés, les Genevois supportent, en effet, très mal cette décision. Car depuis l’époque du grand réformateur Jean Calvin, ils aiment à célébrer leur propre jeûne.

Le réceptacle de l’identité genevoise

En effet, «le Jeûne genevois est devenu le réceptacle de l’identité genevoise, explique Olivier Fatio, surtout à partir de la constitution du nouveau canton de Genève en 1814-15».

Car Genève était alors devenu un canton mixte, c’est-à-dire à la fois protestant et catholique. De par le fait que la France et la Sardaigne lui avaient cédé de nombreuses communes catholiques.

Mais en 1837, les Genevois parviennent à rétablir leur propre jeûne, de manière spontanée et sauvage. Aujourd’hui, dans la constitution, le Jeûne genevois figure comme un jour officiellement férié.

Pour les protestants convaincus, le Jeûne genevois est l’occasion de célébrer un grand culte à la cathédrale St-Pierre ou dans l’autre grande église de Genève de St-Gervais. Il s’agit d’une cérémonie religieuse d’actions de grâce et de repentance.

Les traditions locales

Pour le reste de la population genevoise, les traditions locales invitent toute la famille à cuire une tarte aux fruits, le plus généralement aux pruneaux. Car c’est la saison.

C’est aussi un moment de détente pour les Genevois : ils grimpent sur le Salève et se payent une bonne «tampougne», comme aime à le relever l’écrivain typiquement genevois Philippe Monnier.

Mais contrairement à tous les autres Confédérés, les Genevois n’ont pas congé le troisième lundi de septembre pour célébrer le Jeûne fédéral.

Cela dit, il n’y a pas de véritables différences entre le Jeûne genevois et le Jeûne fédéral, d’un point de vue strictement religieux. A Genève, les deux jeûnes ne sont en fait qu’une redondance due à la spécificité de l’histoire du canton.

L’origine du jeûne

Maintenant, si l’on cherche l’origine du jeûne, on la trouve dans la Bible. Aussi bien dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament. Il s’agit «d’un temps consacré à ne plus absorber de nourriture pour marquer un dépouillement face à la divinité et pour souligner sa solidarité avec des gens qui ont été frappés par un grand malheur».

Le jeûne n’est bien sûr pas une particularité de l’Eglise protestante, puisque l’on jeûnait déjà bien avant la Réforme (1535-36) dans d’autres communautés religieuses comme l’Eglise catholique romaine.

«Mais la Réforme, de par sa mentalité très «providentialiste» (tout ce qui arrive dans l’existence publique et privée vient de Dieu), a engendré une manière de s’humilier et de se prêter à une meilleure écoute de la Parole de Dieu», précise Olivier Fatio.

Dans ce sens-là, le dernier mot revient évidemment au célèbre réformateur français Jean Calvin (1509-1564) qui a marqué Genève: «Quand le ventre est vide, l’esprit s’élève mieux vers Dieu».

Emmanuel Manzi

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