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Un perroquet sous les feux de la rampe

Globi, le fameux perroquet suisse, fête ses 70 ans. ledsom

Le Musée du jouet de Zurich consacre une exposition à Globi, l'un des plus célèbres personnages dessinés de Suisse, qui a 70 ans cette année.

Mais si ce perroquet est devenu une véritable légende en Suisse, il reste pratiquement inconnu à l’étranger.

«Je ne sais pas pourquoi Globi n’a pas eu de succès ailleurs. Avec son look si particulier, je suis sûr qu’il mérite d’être aussi connu que Mickey», souligne le propriétaire du musée, Christian Depuoz.

Ah oui, ce look si particulier: bleu de peau – ou peut-être de plumes -, habillé d’un béret noir et de pantalons à carreaux, Globi a définitivement la tête et le bec d’un oiseau.

La forme humaine de son corps lui donne cependant l’apparence de quelque hybride mythique.

Une bête commerciale

Dès le premier jour, Globi a été une réussite commerciale. Il a été conçu comme un produit de marketing par JK Schiele, un ancien patron du département publicitaire du grand magasin alémanique Globus.

«Schiele avait été envoyé aux Etats-Unis en 1931, durant la grande crise, pour voir comment les grands magasins y attiraient les clients», explique le marchand de livres anciens Marcus Benz.

«Il en est revenu avec l’idée d’un personnage-symbole pour le magasin, une formule qui avait été employée avec succès chez Bloomingdale et Macy», souligne-t-il encore.

Les propriétaires de Globus se sont d’abord montrés sceptiques. Ils se sont même plaints auprès de Schiele du tapage provoqué par les enfants qui ont inondé le magasin en 1933, lors du premier événement Globi.

Schiele est resté chez Globus jusqu’à sa retraite, en 1967. Et, malgré tous ses efforts, il n’a pas obtenu le total soutien de son entreprise.

«Lorsque Schiele a eu l’idée de faire un livre sur Globi, ses patrons lui ont répondu qu’il devait prendre sur son temps libre pour développer le projet, rappelle Marcus Benz. Et cela alors même qu’ils s’étaient assurés de conserver les droits sur le volatile.»

Le fait que Globi soit né dans un contexte de crise économique et de menaces de guerre peut expliquer son immédiate popularité dans une Suisse de plus en plus isolée. Mais aussi qu’il n’a pas pu déployer ses ailes à l’étranger.

«Il y a bien eu quelques tentatives d’adapter Globi aux marchés étrangers. Nous avons quelques-unes de ces éditions ici au musée», raconte Marcus Benz

«Mais il semble qu’une fois de plus la direction a montré peu d’enthousiasme pour s’impliquer dans le développement d’un personnage de bande dessinée pour enfants», précise encore Marcus Benz.

Globi, miroir de son époque

Même pour ceux qui ne sont pas fans, Globi a l’avantage de présenter un miroir de son époque. Le développement du personnage et des histoires dans lesquelles il est impliqué en disent long sur les façons de penser et sur le sens des valeurs au cours de ces 70 dernières années.

Les premières aventures de Globi collaient souvent à l’actualité de l’époque. C’est ainsi qu’un an après avoir visité l’Exposition nationale de 1939, le perroquet a pris du service dans l’armée suisse à l’occasion de la mobilisation générale.

Vers 1941, à une époque où l’autosuffisance alimentaire était vitale pour la Suisse, Globi s’est transformé en fermier. Et, lorsque la paix revient, on retrouve le volatile à Paris, où il célèbre ce que Schiele a appelé «la réouverture du monde».

«C’était en 1946, juste quelques mois après la fin de la guerre, note Marcus Benz. C’était en fait très tôt pour faire preuve d’un tel optimisme.»

Par ailleurs, comme Hergé ou Jules Verne, les créateurs des aventures de Globi ont aussi su faire preuve du sens de l’anticipation. C’est ainsi qu’au début des années 40 déjà, on peut voir notre perroquet s’envoler vers la lune à bord d’une fusée.

Pas encore politiquement correct

Le Globi d’autrefois aurait bien de la peine à figurer dans les éditions expurgées d’aujourd’hui. Le perroquet de l’époque était fumeur, buveur, joueur et même tueur d’animaux.

De plus, il avait les préjugés raciaux de son époque, comme on peu le voir dans la toute première aventure, intitulée «Globi fait le tour du monde».

«Dans ce livre, les Noirs sont qualifiés de nègres, bien qu’il ne soient pas décrits d’une manière particulièrement négative, dit Marcus Benz. La descriptions des différents peuples, qu’il s’agisse d’Américains, de Japonais ou autres, a tendance à être stéréotypée.»

«Les situations sont par ailleurs toujours traitées d’une manière insouciante, poursuit-il. Prenons l’exemple de la 2e Guerre mondiale: les soldats suisses jouent aux cartes en attendant le début de la guerre. Tout semble amusant et il n’est pas question de sang et de combats. En fait, c’est un peu comme dans l’armée suisse d’aujourd’hui.»

Après le vernissage de l’exposition consacrée à Globi, le directeur du zoo de Zurich a déclaré à swissinfo être heureux que le perroquet ne tire plus sur les lions d’Afrique. Alex Rübel avoue cependant être friand de certaines anciennes aventures de Globi.

«Une histoire se basait sur un fait réel arrivé au zoo de Zurich, se souvient son directeur. Une panthère noire s’était échappée. Pendant des semaines, les habitants de la ville ont été terrifiés à l’idée d’être attaqués. Finalement, le fauve a pu être abattu.»

«Dans le monde de Globi, les choses de passent bien sûr d’une manière un peu différente, poursuit Alex Rübel. Dans la version de Robert Lipp, Globi attrape la panthère et la reconduit saine et sauve au zoo. Il se rend même en Afrique et en ramène une compagne pour le fauve!»

Toujours aussi populaire

Globi semble toujours aussi présent dans le cœur des Suisses. Malgré la vive compétition qui règne dans le domaine de la littérature enfantine, le perroquet figure encore parmi les best-sellers. Chaque année, ses nouvelles aventures se vendent à plus de 100 000 exemplaires.

Et, malgré 70 ans d’anonymat au niveau international, ses éditeurs ne désespèrent pas de percer sur les marchés étrangers. Pour y parvenir, ils placent leurs espoirs dans «Globi et son ombre volée», le premier dessin animé consacré au célèbre volatile.

Cette aventure doit être diffusée en septembre prochain. Des versions sont prévues en anglais, français, allemand, italien et, bien sûr, en suisse allemand, la langue de Globi.

Si tout se passe bien, la «globi-lisation» pourrait enfin devenir réalité après sept décennies d’essais infructueux.

swissinfo, Mark Ledsom à Zurich
(traduction: Olivier Pauchard)

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