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Un syndicat dénonce plusieurs abus sur le chantier de Franck Muller

Syndicat et ouvriers ont dénoncé les conditions de travail sur le chantier de Franck Muller à l'extérieur du site. KEYSTONE/MARTIAL TREZZINI sda-ats

(Keystone-ATS) Racket, heures supplémentaires non payées, journées de travail de 16 heures, tentatives d’intimidation. Un syndicat a dénoncé jeudi de multiples irrégularités sur le chantier de l’usine de Franck Muller à Genthod (GE).

Lors d’une conférence de presse, encadrée par la police, à l’entrée du site, le secrétaire général adjoint du Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs (SIT) Thierry Horner a évoqué une situation “inacceptable”. Sa délégation, menacée d’une plainte pour violation de domicile, s’est entretenue brièvement avec le patron du groupe horloger genevois Vartan Sirmakes, que M. Horner a qualifié de “virulent”.

Le SIT a faxé jeudi deux courriers, l’un à M. Sirmakes et Franck Muller, l’autre au premier seulement. Six ouvriers présents à cette action syndicale ont décidé de cesser immédiatement le travail, dont un a dit s’être vu prononcer un licenciement. Deux autres ont renoncé à se joindre en raison de menaces.

En cause, le fonctionnement imposé par le chef d’équipe de l’entreprise de construction Constructions et Techniques d’Habitation (CTH) aux 17 à 18 ouvriers, quasiment tous portugais au bénéfice d’un permis L lié à ce chantier, selon le SIT. Leur contrat est étalé sur 3 ou 10 mois renouvelables pour un chantier de 16’000 m2 lancé en septembre 2015.

Plusieurs SMS

La liste des abus pointés est longue, pour un préjudice estimé à 500’000 francs rapportés sur un an. Premier d’entre eux, le chef d’équipe aurait imposé un racket de 400 à 600 francs par mois aux ouvriers pour leur permettre de continuer à travailler. Des SMS ont été montrés lors de la conférence de presse qui tendraient à implicitement accréditer une telle pratique.

Au moins trois personnes auraient été licenciées pour n’avoir pas respecté cette injonction. Les nombreuses heures supplémentaires ne figurent pas sur les fiches de paie et n’auraient pas été payées, tout comme le 13e salaire, les frais de déplacement et la pause obligatoire. Les journées de travail dépassent régulièrement 10 heures.

Le syndicat évoque notamment le 16 décembre dernier où les ouvriers auraient travaillé de 07h00 à 19h00 avec une seule pause sandwich, avant de reprendre de 21h00 à 06h00 et d’enchaîner sur une autre journée de travail.

Chambre à trois pour 1500 francs

Les ouvriers parlent de deux descentes de police en début d’année le même soir, vers 22h00 puis 23h00, en raison de plaintes liées au bruit du chantier. La police genevoise a elle toutefois indiqué à l’ats ne pas avoir retrouvé trace de ces interventions.

Autre reproche, le SIT dénonce l’absence des cotisations de retraite anticipée. Une situation qui provoque une concurrence déloyale. A la connaissance du syndicat, l’entreprise CTH, dont les administrateurs se retrouvent tous chez Franck Muller, n’est pas active sur un autre chantier.

Les ouvriers seraient par ailleurs logés par l’entreprise. Certains partagent au total à trois une chambre payée 500 francs chacun à la société.

Les ouvriers demandent des mesures contre leurs supérieurs et de ne plus avoir à travailler avec le chef d’équipe. Et ils exigent la pérennisation de leur contrat, le remboursement des fonds extorqués et le paiement des arriérés et des heures supplémentaires sous une semaine.

Intervention de Maudet

L’entreprise n’a pas souhaité recevoir les journalistes présents sur place pour donner sa version des faits, promettant une réponse par téléphone qui n’était toujours pas parvenue dans l’après-midi.

Dans un communiqué diffusé jeudi soir, le syndicat SIT a indiqué avoir interpellé le Département genevois de la sécurité et de l’économie (DSE). Une rencontre entre le chef du département, Pierre Maudet, et les dirigeants de Franck Muller a ensuite eu lieu en soirée.

A l’issue de cette entrevue, poursuit le communiqué, l’entreprise a décidé qu’aucun licenciement ne serait finalement prononcé à l’encontre des grévistes. Elle a également accepté de négocier avec le SIT, sous l’égide du DSE. Une première rencontre est prévue lundi. La grève a en contrepartie été suspendue.

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