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Un tournant sur le marché des postes d’apprentissage

En Suisse, les postes d’apprentissage sont devenus moins rares qu’avant. Keystone

L’offre de places d’apprentissages est plus importante que la demande. Les entreprises ont de la peine à trouver du monde pour des postes difficiles. Les élèves mal formés ne trouvent pas d’emploi. Il y a trop peu de postes en Suisse romande.

Il y a dix ans, en Suisse, les postes d’apprentissage manquaient. «La situation s’est à coup sûr détendue», a déclaré le directeur de l’instruction publique bernoise Bernhard Pulver lors d’une conférence de presse consacrée à ce sujet. Selon le baromètre des postes d’apprentissage publié en avril par l’Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie (OFFT), au printemps de cette année, les entreprises suisses proposaient 81’000 postes d’apprentissage, c’est-à-dire 5000 de plus que l’année dernière. Or 77’000 élèves en fin de scolarité en cherchent un.

Il y a donc davantage de postes que de postulants! «Voici huit ans, nous avons dû pousser les entreprises à former des jeunes. Aujourd’hui, nous vivons la situation inverse et cela nous cause de gros soucis», résume la directrice de l’OFFT, Ursula Renold.

A l’avenir, il sera toujours plus difficile de trouver preneur pour des postes difficiles, craint-elle. Les jeunes apprécient particulièrement les postes d’apprentissage dans le secteur des services, dans celui de l’imprimerie, du design et des arts déco ainsi que dans le médical, le social et la vente.

Dans les professions techniques

Dans les professions techniques, l’offre est plus élevée que la demande. Selon le baromètre des postes d’apprentissage, la situation est surtout délicate dans les professions techniques complexes. «Les entreprises ont de la peine à trouver des jeunes gens bien formés pour ces postes-là», précise Bernhard Pulver.

La démographie joue aussi un certain rôle, car au nombre croissant de postes d’apprentissage répond une baisse du nombre d’élèves en fin de scolarité. «Le creux démographique a déployé tous ses effets, souligne Hans-Ulrich Bigler, directeur de l’Union suisse des arts et métiers (USAM): en 2017, prédisent les statisticiens, les jeunes quittant l’école seront encore 11% moins nombreux qu’en 2010. Et 16% de moins entameront un apprentissage.»

Quota de maturités à l’étude

Voilà pourquoi Hans-Ulrich Bigler craint une «bataille pour dénicher les têtes les mieux faites». Il propose donc de fixer un quota de maturités de 24%, car «ça n’a aucun sens que des jeunes gens bouclent une formation académique simplement pour le prestige ou d’autres raisons pour ensuite se retrouver dans une profession où il n’y a pas d’emploi.»

En revanche, les PME auraient aussi besoin de praticiens à des postes à responsabilité, c’est-à-dire de gens en possession d’un diplôme de fin d’apprentissage complété par une formation plus poussée genre maturité professionnelle ou Haute Ecole spécialisée.

La situation est encore plus difficile en Suisse romande, selon le directeur de l’instruction publique neuchâteloise Philippe Gnaegi. A l’ouest de la Suisse, le nombre des jeunes qui suivent une double formation, à savoir un apprentissage dans une entreprise complété par des cours, est nettement inférieur à celui qu’on observe en Suisse alémanique.

Cela tient au fait qu’en Suisse romande, après la scolarité obligatoire, il y a davantage d’écoles à plein temps que de postes d’apprentissage dans des entreprises. «Il faut absolument que ça change. L’Etat doit encourager le système dual», juge Philippe Gnaegi.

A ce titre, il rappelle que, depuis peu, le canton de Neuchâtel a fixé à 4% du personnel total le quota minimum de postes d’apprentissage que doivent respecter les entreprises publiques et celles qui sont subventionnées. Ce faisant, le canton de Neuchâtel compte faire passer de 900 en 2006 à 1500 en 2016 le nombre annuel de postes d’apprentissage. «Il faut surtout que les entreprises de la santé ouvrent plus largement leurs portes», souligne-t-il.

Les écoliers faibles en difficulté

Dans toute la Suisse, la situation est particulièrement difficile pour les jeunes qui affichent de piètres résultats scolaires. Ils ne trouvent souvent aucun poste d’apprentissage ou interrompent celui qu’ils ont commencé. «Il faut ménager des offres spécifiques pour les jeunes en difficulté scolaire, souffrant de déficits sociaux ou issus de l’immigration,» exige Bernhard Pulver. Cela dit, la plupart des cantons appliquent le programme fédéral dit de «case management». Celui-ci comprend diverses mesures pour faciliter l’entrée dans la vie professionnelle des jeunes en proie à des difficultés.

En l’occurrence, on offre à ces jeunes des formations ciblées pour se préparer à un apprentissage, du coaching ou des stages d’immersion.

«Il s’agit non seulement d’accompagner les jeunes, mais aussi de fournir des garanties pour qu’elles osent engager un apprenti», précise Bernhard Pulver. Cela pour éviter de mettre les jeunes «sur les voies du chômage» et pour «les accompagner si possible longtemps tout au long des offres de formation».

Une bombe sociale

Il y a pourtant de plus en plus de jeunes qui s’annoncent «directement à une caisse-chômage» et, «après épuisé leurs droits», sollicitent l’assistance sociale, affirme Otto Ineichen, député fédéral et président de la fondation Speranza, qui s’efforce d’intégrer les jeunes au marché du travail. Otto Ineichen estime à 25’000 le nombre de jeunes entre 18 et 25 ans qui vivent de l’assistance sociale, «au nombre desquels, surtout, les réfugiés reconnus forment une société parallèle grandissante.»

Pour lui, c’est une bombe sociale. La directrice de l’OFFT, Ursula Renold ne met pas en doute ce chiffre de 25’000 jeunes en fin de droits, mais ne peut pas le confirmer. Il est «relativement difficile» de recenser les personnes en fin de droits à l’échelle nationale, dit-elle. Il n’y a pas de statistique officielle, car ce domaine relève de la compétence des communes».

La Suisse est connue dans le monde entier pour son système de formation dual.

Les apprentis reçoivent une formation pratique en entreprise tout en suivant des cours théoriques dans une école professionnelle.

Après avoir terminé leur apprentissage et travaillé un certain temps, les jeunes professionnels peuvent être admis dans une Haute Ecole spécialisée.

Traduction de l’allemand: Xavier Pellegrini

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