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Un verdict compréhensible qui laisse un goût amer

La presse suisse plutôt modérée sur le verdict du procès Swissair. swissinfo.ch

Dans l'ensemble, la presse suisse qualifie de «prévisible» le verdict du procès de Swissair. En revanche, certains estiment que l'accusation a fait «un travail misérable».

Certains relèvent qu’il n’est pas évident de considérer la faillite du siècle sous l’angle du droit pénal. L’incompétence et l’arrogance ne sont, après tout, pas punissables.

Certains journaux, comme le «Quotidien Jurassien», parlent de «fiasco», voire de verdict «scandaleux» («L’Express» et «L’Impartial»). Mais, de manière générale, la presse helvétique de ce vendredi se montre plus nuancées que nombre de réactions émises dans le monde politique jeudi à l’annonce du verdict.

Ainsi, «Le Temps» relève que, si «les milieux économiques redoutaient le verdict», avec les conséquences que cela pouvait supposer pour la liberté entrepreneuriale, «ils sont rassurés au-delà de toute espérance».

«Pas un crime d’être bête»

De leur côté, la «Tribune de Genève» et «24heures» n’y vont pas de main morte: «Tout s’absout. Même la nullité économique!» Leur éditorial juge le système judiciaire helvétique «d’une indécence formidable, en ce qu’il absout d’emblée les grands maîtres du jeu financier», infligeant aux citoyens suisses un «coup du lapin».

Même ton dans «Le Matin»: «Chez nous, ce n’est toujours pas un crime d’être bête et incapable. Faire des erreurs de gestion avec la meilleure volonté du monde ne relève pas du Code pénal». Petite consolation, pour le journal de boulevard: «En économie, la pire punition, c’est le ‘dégât de réputation’ (…) Les anciens patrons de Swissair sont ‘cuits’».

Le «Blick» compare la Suisse et les Etats-Unis (affaires Enron et Worldcom). «Nous aurions beaucoup à apprendre des Etats-Unis dans ce domaine, en renforçant notamment les lois et les poursuites judiciaires dans notre pays.»

Verdict prévisible

S’il y a un point sur lequel tout le monde, ou presque, s’accorde, c’est pour dire que le verdict était prévisible. «L’impuissance du dispositif légal suisse éclate une ultime fois au grand jour», résume «Le Courrier» de Genève.

Même écho dans «L’Express» et «L’Impartial»: «Le droit pénal ne peut rien faire contre la criminalité économique».

Avis contraire de la «Basler Zeitung»: «Ce jugement prouve que le système juridique suisse est indépendant de toute influence extérieure, et c’est bien comme ça.»

Accusation accusée

Pour «La Liberté», le verdict de ce premier procès Swissair est surtout le «crash de l’accusation». Et c’est ce qui laisse un goût amer, en Suisse alémanique également.

«Le Ministère public avait un job difficile à faire, il l’a effectué de façon misérable», écrit le «TagesAnzeiger», ajoutant que l’accusation a été d’autant plus «brutalement démontée» devant le tribunal. De même, la «Neue Zürcher Zeitung» et le «Bund» dénoncent aussi la faiblesse de l’accusation.

«La Liberté» exprime sa «nausée». En l’état, et sans préjuger d’un recours de l’accusation, le quotidien fribourgeois n’en veut pas tant au fait que «la plus grande déconfiture de l’histoire économique de la Suisse se traduit par l’absence de toute reconnaissance de culpabilité», mais note qu’il n’y a «même pas le moindre regret de la part d’une grande majorité de protagonistes».

La perspective des petits patrons

Certains quotidiens se placent dans la perspective des actionnaires, des employés de l’ex-compagnie et, plus généralement, du contribuable. La «Tribune de Genève» et «24heures» espèrent que «la même clémence soit également accordée au petit patron ou au contribuable lambda» qui n’auront pas payé leurs factures.

«L’Agefi» qualifie les acquittements de «choquants» et les dédommagements de «répugnants». Mais malgré cela, la décision du Tribunal de district de Bülach «doit être saluée», car «il convient d’en retenir l’amère leçon: justice et sentiments ne font pas vraiment bon ménage».

Au bout du compte, «Le Temps» estime que «ce procès a été utile» et que «l’acquittement des accusés ne signifie pas qu’ils ne sont responsables de rien». Et de rappeler que des «fautes civiles ne sont pas exclues», faisant allusion à la procédure civile encore ouverte.

swissinfo, Isabelle Eichenberger

Les 19 accusés, dirigeants ou administrateurs de Swissair, ont été acquittés par le Tribunal de district de Bülach (Zurich). Ils touchent des indemnités allant de 18’000 à près de 500’000 francs, soit plus de 3 millions en tout.

Le Ministère public zurichois a été désavoué par le jugement. Il a dix jours pour interjeter recours auprès du Tribunal cantonal de Zurich.

Le procès a duré du 16 janvier au 9 mars 2007. Le Ministère public avait requis des peines de prison de 6 à 28 mois et pécuniaires à plus d’un million de francs. Il a accumulé plus de 40’000 heures de travail, rempli plus de 4000 classeurs et son acte d’accusation compte 100 pages. Aucun point n’a été suivi par les juges.

Un autre procès, sur le plan civil celui-ci, est en préparation. Le liquidateur de Swissair réclame pas moins de 590 millions de francs à d’anciens responsables du groupe.

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