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Une porte de salut pour le Conseil des droits de l’homme

L'Examen périodique universel est un espoir pour toutes les victimes. Keystone

Le 8 mai, la Suisse passe son examen de respect des droits de l'homme devant le Conseil du même nom. Un test auquel sont soumis tous les Etats de la planète. Berne juge positivement les premiers pas de cet outil. Les ONG aussi, mais avec de sérieuses réserves.

Lueur d’espoir pour les victimes des tortionnaires et des censeurs. Le filet de sécurité constitué par le Conseil des droits de l’homme resserre ses mailles avec un nouvel instrument: l’Examen périodique universel (EPU).

Cette évaluation du respect des droits de l’homme dans le monde entier par les membres du Conseil – chaque Etat étant examiné tous les 4 ans – vient en effet de passer en revue une première série de 16 pays. Et ce, durant 2 semaines.

Malgré un bilan idyllique

«L’Examen périodique universel est le seul mécanisme vraiment universel concernant les droits de l’homme. Chacun des 192 Etats membres de l’ONU doit, sans exception, passer à la moulinette, alors que les experts de l’ONU sur les droits de l’homme (rapporteurs spéciaux) ne peuvent se rendre dans un pays que sur invitation de son gouvernement», relève Marianne Lilliebjerg.

Selon cette juriste d’Amnesty International, cet examen périodique «se base sur trois sources: le rapport du gouvernement, les recommandations des experts de l’ONU et les informations fournies par les ONG indépendantes.»

Fort de cette documentation aux sources variées, l’observateur peut donc se faire une idée assez précise de la situation des droits de l’homme dans un pays donné. Et ce, même si son gouvernement fournit un bilan idyllique.

De son coté, Muriel Berset-Kohen souligne d’autres signes positifs: «Les Etats examinés ont pris très au sérieux cet examen. En témoigne la taille (19 personnes en moyenne) et le niveau des délégations gouvernementales (un grand nombre de ministres ou de vice-ministres).»

L’affrontement Nord-Sud

La diplomate en charge des droits humains à la mission suisse auprès des Nations Unies souligne également que lors de cet examen, qui dure trois heures, les questions des Etats examinateurs n’ont pas reproduit le clivage Nord Sud. Mieux encore: des Etats habituellement silencieux ont pris la parole et fait des recommandations.

D’où l’espoir de la diplomate suisse que l’état d’esprit qui se développe durant les sessions de l’EPU finissent par créer une nouvelle dynamique allant à l’encontre de l’affrontement entre groupes régionaux.

Certes, cette nouvelle procédure n’en est qu’à ces débuts. Rien n’est donc encore joué. D’autant que cette première session a également connu de sérieux dérapages. Les ONG pointent en particulier l’examen de l’Algérie et de la Tunisie, qui ont grandement profité de la solidarité des pays africains et de leurs bienveillantes questions.

«Cela ressemblait à une conversation entre copains», assène Marianne Lilliebjerg. Raison pour laquelle, la juriste d’Amnesty International recommande que « puisque les Etats ne choisissent pas ceux qui vont intervenir, les pays qui veulent vraiment que cet examen soit efficace ont un rôle à jouer. Ils doivent être proactifs, poser leurs questions très vite et faire des recommandations claires aux Etats. C’est la seule manière d’amener des améliorations concrètes.»

Rétablir la peine de mort

Lors de cette session, des recommandations surréalistes ont même été émises, en particulier durant l’examen des Pays-Bas. Citant de récents sondages indiquant que 72% des personnes interrogées étaient pour le rétablissement de la peine de mort, et se demandant quelles démarches comptaient prendre le gouvernement hollandais pour répondre à cette «irrésistible demande populaire», l’Egypte a fini par recommander que le gouvernement hollandais lance un débat sur cette question.

«Nous déplorons aussi que les experts et la société civile ne puissent pas intervenir durant l’examen et le dialogue interactif qui l’accompagne», souligne encore Marianne Lilliebjerg.

A noter toutefois que les ONG pourront prendre la parole lors de l’adoption du rapport issu de chacun de ces examens, soit lors d’une réunion plénière au mois de juin qui abordera également les modalités du suivi des recommandations faites.

L’importance du suivi

Quoi qu’il en soit, cet exercice n’aura de sens que s’il provoque des améliorations effectives pour les citoyens des pays concernés. «Combien de temps les pays prendront-ils pour mettre en œuvre les engagements pris?», s’interroge Samia Ahmadi, de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH).

«Les ONG du terrain sont souvent déçues, car elles attendent des changements immédiats et veulent voir l’application concrète de cet examen dans les pays», ajoute, de son coté, Marianne Lilliengjerg.

Les dynamiques positives engendrées par la préparation de l’examen, c’est ce que souligne Muriel Berset-Kohen: «De nombreux Etats en transition vers la démocratie et qui connaissent de sérieux problèmes en matière de droits de l’homme veulent réellement améliorer leur situation. La préparation de l’examen les pousse à discuter avec les ONG. Une première pour nombre de ces pays.»

swissinfo, Frédéric Burnand et Carole Vann/Tribune des droits humains

L’ONU a créé le Conseil pour remplacer la Commission des droits de l’homme et sortir ainsi de la politique des deux poids, deux mesures qui gangrenaient la Commission.

Depuis son lancement en juin 2006, la stigmatisation répétée de l’Etat d’Israël au travers de session ad hoc, l’absence de réunion sur d’autres situations d’urgence comme dans l’ex-Zaïre, sans compter le travail de sape des instruments de défense des droits de l’homme par des régimes autoritaires parlant au nom des pays africains et musulmans font peser des doutes croissant sur le nouveau Conseil.

D’aucun en viennent même à penser que cette instance onusienne est en train de vider de leur contenu les droits de l’homme et leur Charte adoptée il y a 60 ans.

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