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Moscou et l’exemple des architectes suisses

Le jardin du Château Waldegg, près de Soleure. De quoi inspirer les paysagistes russes. Staatl. Architekturmuseum Moskau

Les architectes suisses sont à l’honneur au musée Schusev de Moscou. Pour les organisateurs de l’exposition, l’école suisse doit servir de source d’inspiration aux architectes locaux, confrontés au défi du développement de la mégalopole russe.

Irina Korobina, directrice du musée d’Etat pour l’architecture Schusev à Moscou, est à l’origine de cet événement. Avec le soutien de Pro Helvetia et dans le cadre des manifestations «Swiss made in Russia» prévues jusqu’en 2015, elle a organisé une étape de l’exposition itinérante «Une touche suisse pour l’architecture du paysage». 36 planches illustrant des réalisations d’aménagement du paysage conçues par des architectes suisses y sont exposées jusqu’au 29 octobre.

70 ans d’immobilisme architectural

Cette exposition a pour but de présenter des réalisations architecturales et d’aménagement de l’espace urbain réalisées en Suisse et à l’étranger par des architectes helvétiques. On y voit donc des photographies de travaux réalisés par Le Corbusier, Herzog & de Meuron, Peter Zumthor mais aussi des images de l’exposition Lausanne Jardins, du parc Eulach à Winterthur, du Letten réhabilité à Zurich ou encore des sites de l’exposition nationale de 1964 à Lausanne et d’Expo 02 dans la région des Trois lacs.

L’idée est de montrer au public russe l’importance de l’adéquation entre la nature et toute construction architecturale. «Durant les 70 ans de l’Union soviétique, nous avons vécu en vase clos alors que l’architecture se développait dans le reste du monde. L’architecture soviétique était très spécifique, c’était soit de la production de masse, soit des palais modernistes de marbre blanc», explique Irina Korobina.

Pour désengorger la ville, les autorités russes ont décidé en juillet 2012 d’augmenter la superficie de la capitale par l’annexion de certains territoires limitrophes du sud-ouest de Moscou, une surface de 160’000 hectares environ.

L’idée était d’y délocaliser certaines branches de l’administration, d’y développer des zones d’habitation, un centre d’affaires, de créer une nouvelle ligne de métro pour desservir la zone, de développer des infrastructures de transports publics de façon à réduire le nombre de pendulaires qui tous les jours font l’aller et retour entre le centre et la périphérie, en voiture le plus souvent.

A l’heure actuelle, la délocalisation de certaines administrations fédérales est gelée, mais l’ensemble du projet n’a pas été abandonné. Au total, les autorités ont prévu d’investir la somme colossale de 228 milliards de francs dans l’opération.

C’est le cabinet d’architectes français Grumbach et Wilemotte qui a remporté le concours de développement du Grand Moscou.

Convaincre les décideurs

Et si la période post-perestroïka est à ses yeux un tel désastre architectural, c’est parce que la nouvelle Russie ne disposait pas des technologies, des techniques et des matériaux de dernière génération. «Mais maintenant, les technologies sont arrivées et l’architecture russe est plus ou moins au même niveau que l’architecture grand public occidentale», poursuit la directrice, qui s’attend à ce que cette exposition suscite l’intérêt non seulement du grand public, mais aussi des membres de l’exécutif de Moscou, des universitaires et des membres des instituts techniques.

Discipline, utilisation rationnelle et optimale des ressources sont les points forts de l’architecture et de l’aménagement urbain helvétiques, estime Irina Korobina. Autant de qualités dictées par la petitesse du territoire suisse en comparaison de l’immensité russe qui incite à la débauche de moyens sans forcément regarder à la dépense.

Nouvelle «avant-garde» russe?

«J’ai un grand respect, de même que la corporation des architectes russes, pour l’architecture suisse qui est pour nous une source d’inspiration», souligne Irina Korobina, qui espère «qu’une nouvelle avant-garde d’architectes russes apparaîtra d’ici 2020».

Et la présence de Sergueï Kuznetsov, l’architecte en chef de la ville de Moscou lors du vernissage de l’exposition, témoigne de l’intérêt des autorités russes pour l’architecture et l’aménagement du paysage urbain.

Depuis la chute de l’Union soviétique, le développement de Moscou a revêtu un caractère anarchique si l’on considère les embouteillages monstres qui caractérisent la circulation dans la capitale. Lorsque le vent, la neige et la visite officielle d’un chef d’Etat étranger s’en mêlent, il peut arriver que l’on mette quatre heures pour parcourir une vingtaine de kilomètres, pare choc contre par choc.

Staatl. Architekturmuseum Moskau

Mettre l’homme au centre du développement

Des nuisances dont Sergueï Kuznetsov a pleinement conscience. «Le principal défi de l’urbanisme et du développement de Moscou n’est pas tant une question d’architecture que de planification du développement de la ville en relation avec l’activité humaine. La différentiation entre cités dortoirs et lieux de travail est beaucoup trop nette et il n’y a pas suffisamment de lieux de vie pour l’activité humaine», déplore le responsable en poste depuis près de trois ans, «raison pour laquelle nous devons créer un nouveau type d’endroits publics» caractérisés par une meilleure interpénétration entre lieux de vie et lieux de travail.

Depuis trois ans, les nouveaux responsables moscovites ont procédé à de nombreux aménagements, créant des voies dédiées aux transports publics sur les principales artères menant au centre de la capitale, des pistes cyclables, des zones piétonnes et des zones de parking payantes dans le centre ville mais beaucoup reste à faire. Et c’est justement là que la Suisse peut servir de source d’inspiration. «Nous avons un grand déficit de beaux endroits dotés d’un pavement approprié, des jolies petites formes architecturales pour les bancs, les éclairages et ce genre de choses, j’invite donc les architectes suisses à venir à Moscou», conclut Sergueï Kuznetsov.

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