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«Nous nous tournons vers les écrivains du monde entier»

La Fondation Jan Michalski à Montricher, dans le canton de Vaud, haut lieu de la littérature. En 2013, on y inaugurait une Maison de l'Ecriture. Keystone

La mécène et éditrice Vera Michalski vient d’être nommée ambassadrice de bonne volonté par l’Unesco. Dans un entretien avec swissinfo.ch, elle évoque sa récente nomination et ses projets, notamment l’accueil dans sa fondation à Montricher, dans le canton de Vaud, de sept écrivains en résidence en provenance du monde entier.

Issue de l’une des plus grandes familles suisses, héritière d’un «empire» pharmaceutique, Vera Michalski, née Hoffmann, a construit au fil du temps son empire à elle, celui des livres. Il y a douze ans, elle créait la Fondation Jan Michalski pour l’écriture et la littérature, qui porte le nom de son mari, polonais, décédé en 2002.

swissinfo.ch: Concrètement, en quoi consiste le rôle d’ambassadrice que vous a attribué en octobre dernier l’Unesco, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture?

Vera Michalski-Hoffmann: Je précise d’emblée que cette fonction ne me donne droit à rien. Je suis en revanche chargée d’entreprendre des actions culturelles qui servent les objectifs de l’Unesco. Mon mandat qui court sur deux ans consiste à apporter un certain retentissement au domaine du livre. L’Unesco a sans doute estimé que je pouvais être efficace sur ce plan-là.

Vera Michalski. Anoush Abrar

swissinfo.ch: Mais vous l’êtes, non?

V.M-H: Oui, je l’espère (rires). Disons que le choix de l’Unesco est bien ciblé puisque je suis appelée à agir dans le cadre de l’un de ses programmes appelé «Capitale mondiale du livre». Chaque année, une ville est désignée à cet effet pour une période de 12 mois, qui démarre toujours le 23 avril. En 2017, ce sera Conakry et en 2018, Athènes. Pour 2016, c’est Wroclaw, en Pologne, qui a été choisie. Ce choix explique ma nomination: je connais bien la Pologne où deux de mes maisons d’édition sont implantées, une à Varsovie et une autre à Cracovie. Je réaliserai donc un travail en amont de cette journée de clôture du 23 avril prochain à laquelle il me faut donner un éclat.

swissinfo.ch: C’est-à-dire?

V.M-H: Le champ d’action est large, il faut savoir l’exploiter. Je souhaite mettre en lumière, par exemple, les ouvrages qui figurent au patrimoine mondial, ou encore favoriser la collaboration entre professionnels du livre, au niveau polonais d’un côté et au niveau européen, de l’autre. Entreprise que je peux mener sans difficultés je l’espère, grâce à ma fonction de présidente du BIEF (Bureau international de l’édition française).

swissinfo.ch: Diriez-vous que vous contribuez au rayonnement de la Suisse à l’étranger?

V.M-H: Oui, peut-être, mais bon… je ne sais pas si la Suisse a besoin de ma modeste personne pour son rayonnement. C’est plutôt la Fondation Jan Michalski pour l’écriture et la littérature qui irradie, pour ainsi dire. Elle fut d’ailleurs l’une des raisons principales de ma nomination comme Ambassadrice. Mes activités culturelles variées ont sans doute produit auprès de l’Unesco un effet multiplicateur. Nous avons à la Fondation une bibliothèque qui compte 60’000 ouvrages. Dans un avenir que j’espère proche, nous atteindrons les 80’000. La réputation de la maison est internationale puisque nous nous tournons vers les écrivains du monde entier.

La Fondation Jan Michalski présente à Montricher, jusqu’au 30 décembre, une exposition sous le titre «Photolittérature»Lien externe. Son objectif: «Montrer, à travers des romans, des récits de voyage et des journaux intimes, comment la photo a fait son entrée dans la littérature vers 1840, et comment elle entretient, depuis, un rapport tantôt complémentaire, tantôt en contrepoint avec le récit», explique Vera Michalski. Avant d’ajouter qu’il s’agit ici d’un «thème novateur, jamais abordé sur cette forme-là dans une exposition».

swissinfo.ch: Aviez-vous dès les débuts de la Fondation cette ambition universaliste?

V.M-H: Non pas du tout. Au début, il avait été décidé que la bibliothèque serait axée sur la littérature européenne. Par la suite, on s’est aperçu qu’il était plus intéressant de nous ouvrir à toutes les écritures du monde, en langue originale et en traduction si possible. Nous avons donc fait appel à des spécialistes internationaux: des professeurs et des libraires, entre autres. Mais ce sont les bibliothécaires de la Fondation qui ont joué le rôle principal dans le choix des livres. Notre idée était d’échapper au cantonnement et d’offrir à nos lecteurs un large panorama. Nous avons ainsi ajouté au domaine de la fiction littéraire celui de l’essai.

Nos ouvrages se limitent, il est vrai, au 20e et 21e siècle. Si toutefois on tombe sur un livre du 18e, exceptionnel mais méconnu, on le prend. Bien sûr, on ne sera jamais parfait, car tout choix est subjectif.

swissinfo.ch: Sept «cabanes» destinées à des écrivains en résidence ont été construites à la Fondation. Elles accueilleront pour la première fois, à partir du printemps 2017, des auteurs. Comment avez-vous sélectionné ces derniers?

V.M-H: Les candidatures ont été déposées sur Internet. La liste est close maintenant, la sélection se fera par un jury en cours de constitution. Je m’attendais à une centaine de dossiers, j’en ai reçu 885. Le profil est varié: il y a des auteurs débutants, d’autres plus expérimentés, avec à  leur actif plusieurs ouvrages. J’ai pensé, à tort, que la prédominance serait suisse, française ou polonaise. Or il y a même des postulants latino-américains et africains; ça vient du monde entier. Tant mieux car cela prouve que nous répondons réellement à un besoin.

swissinfo.ch: Recevez-vous des demandes d’aide de l’étranger?

V.M-H: Oui, beaucoup, elles portent sur des projets littéraires très divers: salons, lectures, rencontres, séminaires de traduction… Nous les soutenons, notre but ultime étant de freiner l’érosion de la lecture chez le grand public surtout, en Suisse et ailleurs. Je pense par exemple au Salon du livre de Jaipur (Inde), un des plus importants d’Asie, que nous encourageons financièrement. J’y vais chaque année pour voir ce qu’ils font de notre argent, et pour le moment, j’avoue que je suis satisfaite.

swissinfo.ch: Vous menez de front plusieurs projets. Parlant de vous, une revue française écrit que vous êtes «vorace et bienveillante». Votre réaction?

V.M-H: Bienveillante oui, vorace certainement pas.

swissinfo.ch: Quelque chose a-t-il changé dans votre vie depuis le décès de votre père Lukas Hoffmann, en juillet dernier?

V.M-H: Oui. Je suis son aînée, j’ai donc une responsabilité à assumer quant à son héritage… remarquable. Je parle d’héritage humaniste bien sûr. 

–      Née à Bâle en 1954, Vera Michalski-Hoffmann est l’une des principales actionnaires du groupe pharmaceutique Hoffmann-La Roche.

–      Son père, Lukas Hoffmann, est cofondateur du WWF (Fonds mondial pour la nature).

–      Elle suit ses études universitaires à L’Ecole des Hautes études internationales de Genève.

–      Avec son mari, elle fonde, en 1987, à Montricher (Vaud), les éditions «Noir sur Blanc», dans le but d’un rapprochement entre les écritures de l’Europe de l’Ouest et de l’Europe de l’Est. «Noir sur blanc» possède actuellement 3 antennes:  à Lausanne, à Paris et à Varsovie.

–      Elle crée la Fondation Jan Michalski, à Montricher, en 2004.

–      Elle préside aujourd’hui le groupe éditorial Libella, composé de dix maisons réparties entre la Suisse, la France et la Pologne.

–      Elle reçoit en 2013 le titre de Docteur honoris causa de l’Université de Lausanne.

–      En octobre 2016, elle est nommée, pour 2 ans, Ambassadrice de bonne volonté par l’Unesco.

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