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Vers la restitution des fonds Moubarak

La Place Tahrir au Caire, centre de la révolte et lieu des affrontements avec les forces de sécurité, était nettement moins encombrée pendant les élections. AFP

Malgré le tumulte causé par les élections en Egypte, la cause de la restitution des fonds Moubarak avance. La Suisse a bloqué 410 millions de francs et compte bien conclure un accord d’assistance juridique avec Le Caire, comme elle l’a déjà fait avec Tunis.

A fin novembre, les Egyptiens se sont rendus massivement aux urnes pour les premières élections de l’après-Moubarak, et ceci malgré les violences de la semaine précédente. Pour la Suisse, la restitution possible des fonds de l’ancien clan au pouvoir n’a été affectée ni par le récent chaos, ni par le processus électoral.

«Nous poursuivons nos contacts avec les autorités égyptiennes, confirme Valentin Zellweger, chef de la Direction du droit international public au ministère des Affaires étrangères. Et sur cette base, nous croyons que la justice égyptienne va poursuivre les procédures pénales».

Au regard de la loi suisse, l’argent gelé dans les banques ne peut être confisqué et restitué que si son origine illicite a été établie par un tribunal. La Suisse compte bien atteindre son but, qui est de finaliser avec l’Egypte une procédure similaire à celle conclue avec la Tunisie, explique le haut fonctionnaire.

Début octobre, l’Office fédéral de la Justice a accepté la demande d’entraide judiciaire de la Tunisie concernant la restitution de 60 millions de francs présumés appartenir à l’ancien président Ben Ali et à son entourage.

Progrès

En août, une demande d’entraide de l’Egypte a été transmise au Ministère public de la Confédération (MPC). Des experts du Caire sont attendus prochainement en Suisse pour aplanir les questions en suspens, explique Valentin Zellweger.

Le mois dernier, le MPC a ouvert une procédure contre des membres de la famille Moubarak pour allégations de blanchiment d’argent et de participation à une organisation criminelle.

Ridha Ajmi, un avocat basé à Fribourg, qui a contribué à faire geler les avoirs en Suisse des leaders égyptiens et tunisiens déchus, a néanmoins le sentiment que les maîtres actuels de l’Egypte ne sont pas vraiment intéressés à faire accélérer les choses. «Les autorités militaires essaient désespérément de rester au pouvoir. Elles n’ont pas envie de discuter des questions sensibles comme celle-ci», explique-t-il.

«Bénéfices légaux»

Assem al-Gohary, vice-ministre égyptien de la Justice qui dirige l’Autorité des gains illicites, chargée de récupérer les fonds illégaux déposés à l’étranger, affirme qu’ Alaa et Gamal, les deux fils de Moubarak, ont plus de 310 millions de francs déposés dans les banques suisses, dont presque les neuf dixièmes seraient au nom d’Alla (49 ans).

Interrogé il y a quelques semaines par le magazine américain Foreign Policy, Farid al-Dib, avocat de la famille Moubarak, a déclaré que ces fonds placés en Suisse représentaient des «bénéfices et des intérêts gagné légalement au moyen d’activités de conseil en bourse pour des clients hors d’Egypte».

Hosni Moubarak (83 ans), ses deux fils, son ancien ministre de l’Intérieur Habib al-Adli et six hautes responsables de la police sont actuellement jugés en Egypte pour une série de chefs d’accusation allant de la corruption à la participation aux meurtres de manifestants. Tous plaident non coupables. La prochaine audience du président déchu devant la cour est fixée au 28 décembre.

A la mi-octobre, l’homme d’affaires Hussein Salem – un des assistants les plus proches de Moubarak – a été condamné par contumace avec son fils Khaled et sa fille Magda à sept ans de prison et à plus de 4 milliards de dollars d’amende pour enrichissement illégal et blanchiment d’argent. Salem, qui avait fui l’Egypte le 3 février, a été arrêté en Espagne en juin. Son pays a demandé l’extradition.

Assem al-Gohary pense que la fortune du nabab et de sa famille dépasse les 4 milliards de dollars, mais dit qu’une partie des fonds ont été transférés outre-mer dans les six derniers mois, notamment à Hong Kong et aux Emirats Arabes Unis.

Liens en Suisse

Hussein Salem est lié à la Suisse via deux sociétés basées à Genève, Maska SA et Galaxy Hotels SA. Selon La Tribune de Genève, Maska est actuellement en liquidation.

Ridha Ajmi se dit étonné que la Suisse n’ait pas prêté davantage d’attention à Salem, pourtant décrit comme «le bras droit» de Moubarak.

«J’ai demandé plusieurs fois aux autorités suisses pourquoi, du moment qu’il a été arrêté en Espagne, les biens de Salem ne sont pas gelés en Suisse, explique l’avocat. Je veux savoir combien a été injecté dans ces deux sociétés, d’où venait l’argent et si c’était de l’argent public égyptien».

Au mois de février, Ridha Ajmi a envoyé aux autorités fédérales une liste de 21 hauts responsables égyptiens suspectés de détenir des avoirs en Suisse. Les Suisses ont finalement retenu 14 noms, dont ceux de la famille Moubarak, mais pas celui d’Hussein Salem.

Comme l’explique le ministère des Affaires étrangères à Berne, le décret ordonnant le gel des avoirs égyptiens et la liste de noms sont basés sur une analyse faite par les service diplomatiques suisses en Egypte et sur des informations récoltés dans tous les pays concernés.

La FINMA, Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers, a annoncé le 10 novembre avoir ouvert des procédures contre quatre banques après avoir «constaté des manquements au niveau du comportement» dans leurs relations avec des «personnes politiquement exposées».

La FINMA avait examiné le comportement de 20 banques suisses , suite aux décisions de gel prononcées par le gouvernement au printemps après les événements en Tunisie, en Egypte et en Libye.

La fortune du clan Moubarak a longtemps fait l’objet de spéculations. De nombreux Egyptiens croient que l’ancien président et sa famille détiennent jusqu’à 70 milliards de dollars, dont une partie est cachée sur des comptes dans des banques offshore.

En 2011:

2088 résident permanents, dont

1922 nés à l’étranger, et

166 nés en Suisse.

S’y ajoutent

114 résidents égyptiens non permanents.

Traduction de l’anglais, Marc-André Miserez

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