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Vincent Perez: le goût des mots simples

Vincent Perez, rencontré lors de son passage au Festival du Film français d'Helvétie à Bienne. swissinfo.ch

Comédien et réalisateur suisse, Vincent Perez est né à Lausanne de mère allemande et de père espagnol. Et si le français est sa langue principale, il travaille régulièrement en anglais. Le français selon… Vincent Perez.

Au-delà de la belle gueule qui fait chavirer les dames aussi bien face caméra (Cyrano, La Reine Margot, Fanfan) que hors-champs, Vincent Perez est un acteur de talent (Prix Jean Gabin 1991) et, on le sait moins, un réalisateur qui a fait tourner aussi bien Guillaume Depardieu que David Duchovny (X-Files, Californication).

Il travaille actuellement à l’adaptation du livre «Jeder stirbt für sich allein» («Chacun meurt seul»), de l’écrivain allemand Hans Fallada, dont le tournage est prévu en été 2011 à Berlin.

swissinfo.ch: Vous souvenez-vous du premier manuel scolaire avec lequel vous avez appris le français?

Vincent Perez: Pas vraiment, non. C’est même un blanc total. C’était à Cheseaux, dans le canton de Vaud, je me souviens de l’école, de mes camarades de classe, mais pas du manuel.

swissinfo.ch: Quelqu’un – parent, professeur, auteur – a-t-il marqué à jamais votre relation à la langue française?

V.P.: Oui, absolument. C’était un professeur de français, Monsieur Courvoisier, dans une école qui s’appelait «La Longeraie», à Morges. Je me souviens de M. Courvoisier et de M. Christian, des religieux. Je me souviens des poèmes de Verlaine, de Rimbaud. J’étais accroché par la poésie, et les alexandrins… C’est cela qui m’a fait basculer dans l’univers de l’écriture.

Par contre, enfant, j’ai toujours été un handicapé du mot et de la parole. A un moment donné, il y a eu une sorte de blocage, sur lequel j’ai travaillé en devenant comédien. Il y a eu une époque où j’avais même presque tendance à bégayer, tellement je n’étais pas à l’aise avec ma façon de m’exprimer.

swissinfo.ch: Une grande timidité ou un problème strictement verbal?

V.P.: Une grande timidité… ou une grande prétention, ce n’est pas incompatible. Ou disons qu’il y a cette envie de dire des choses importantes, et de préférer se taire plutôt que de dire des bêtises. De manière générale, je reste plutôt attiré par un langage simple. J’aime bien le langage des musiciens ou des photographes…

swissinfo.ch: Vous parlez plusieurs langues. Quelle place tient chacune?

V.P.: Ma deuxième langue est l’anglais, je m’y sens même parfois plus confortable qu’en français, parce que c’est une langue directe. Quand je parle allemand par contre, j’ai l’impression d’être un handicapé à qui on a coupé deux jambes! Mais j’aime beaucoup la langue allemande: le prochain film que je vais réaliser est d’ailleurs en allemand. J’aime aussi l’espagnol, très chaleureux, l’italien, une langue où l’on s’entend beaucoup parler! En gros, ce sont ces langues-là qui m’environnent…

swissinfo.ch: Une citation de Cioran: «On n’habite pas un pays, on habite une langue. Une patrie, c’est cela et rien d’autre»… D’accord, pas d’accord?

V.P.: Si on prend beaucoup de recul, c’est assez vrai. Si on regarde le monde, il y a un lien indéniable entre les francophones. Mais si on s’approche de la réalité de chacun, il y a une grande différence entre un Montréalais, un Lausannois, un Parisien et un Bruxellois…

swissinfo.ch: La langue française a une spécificité: l’Académie française. Un club de vieillards inutiles ou les gardiens du temple?

V.P.: Les gardiens du temple. J’ai la chance d’en connaître quelques uns, ce sont des personnes assez impressionnantes, en général très fières d’être à ce poste-là. Ce sont de vrais représentants de la langue française, c’est sûr.

swissinfo.ch: Malgré l’Académie, le français se métisse et change, pour le meilleur et le pire… Votre rapport à cette évolution?

V.P.: Tout évolue. Gandhi disait qu’il y a une chose qui ne change jamais, c’est que tout change tout le temps. La vie est un mouvement perpétuel. Il y a peut-être une chose que je regrette… c’est cette sorte de philosophie de rue: les gens de la génération précédente, en France, ont une manière de parler, à la Audiard, dont je regrette un peu la disparition.

swissinfo.ch: 2010, c’est le 40ème anniversaire de l’Organisation internationale de la Francophonie. Quel regard portez-vous sur cette institution?

V.P.: Je ne la suis pas de près, mais je trouve bien qu’on se tienne les coudes, et qu’on se préoccupe de ce qui se passe avec la langue française un peu partout dans le monde.

swissinfo.ch: Pour conclure, une expression de votre région d’origine – le canton de Vaud – que vous appréciez particulièrement?

V.P.: Je n’ai pas UNE expression, mais il y a des petites choses, comme: «nom de bleu»! Quand les Suisses se retrouvent en dehors de la Suisse, ils aiment bien insister sur l’accent, et du coup, on passe tout le registre de ces expressions incroyables, «j’ai marché dans la gouille», ou «je me suis encoublé»! Cela nous fait beaucoup rire!

La langue qu’on parle, un bout d’âme, un morceau de soi, ou un simple outil de communication? Dans la perspective du Sommet de la Francophonie à Montreux, swissinfo mène l’enquête en huit questions.

Vaud. Né à Lausanne en 1962, Vincent Perez passe son enfance à Penthaz et à Cheseaux.

Genève-Paris. Il étudie l’art dramatique à Genève, avant de fréquenter le Conservatoire de Paris, puis l’école du Théâtre des Amandiers à Nanterre, dirigée par le metteur en scène Patrice Chéreau.

Cyrano. Vincent Perez débute au cinéma en 1985, alors qu’il n’est encore qu’étudiant. En 1990, son rôle dans «Cyrano de Bergerac» de JP Rappeneau, aux côtés de Gérard Depardieu, lui apporte une renommée internationale.

Parcours. Suivront notamment «Indochine» (Régis Wargnier, 1992), «Fanfan» (Alexandre Jardin, 1993), «La Reine Margot» (Patrice Chéreau, 1993), «Par delà les nuages» (Michelangelo Anonioni, 1996), ou plus récemment «Fanfan La Tulipe» (Gérard Krawczyk, 2003), «Bienvenue en Suisse» (Léa Fazer, 2004).

Réalisateur. En 1992, il fait ses débuts de réalisateur avec un court métrage. Il a pour le moment signé deux longs métrages, «Peau d’ange» (2002, avec Guillaume Depardieu) et «Si j’étais toi» (2007, avec David Duchovny).

Famille. Vincent Perez est marié à l’actrice Karine Silla, dont il a eu trois enfants. Il est le beau-père de Roxanne Depardieu, enfant de Karine Silla et Gérard Depardieu.

Anniversaire. L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) célèbre cette année son 40e anniversaire.

Chiffres. L’OIF regroupe 70 États et gouvernements (dont 14 observateurs) répartis sur les cinq continents. Dans le monde, près de 200 millions de locuteurs parlent français.

Culture et politique. Parmi ses missions principales figurent la promotion de la langue française et la diversité culturelle et linguistique, mais aussi la promotion de la paix, de la démocratie et des droits de l’homme.

Montreux. La Suisse, membre de l’OIF depuis 1989, accueille cette année le 13e sommet de la Francophonie. Il se tiendra du 20 au 24 octobre 2010 à Montreux, dans le canton de Vaud.

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