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Vingt ans après, le ski suisse retrouve les sommets

Keystone

Les Mondiaux de Val d'Isère se sont achevés dimanche par la victoire de l'Autrichien Manfred Pranger en slalom. Pour la Suisse, qui termine en tête du classement des nations, ces joutes ont été exceptionnelles grâce au trio gagnant Didier Cuche, Carlo Janka et Lara Gut. Analyse.

La passation de pouvoir fera date. Pour la première fois depuis 1997, l’Autriche, nation dominante des dix dernières années, doit céder son leadership à l’issue de Championnats du monde. Avec ses six médailles, dont deux d’or, c’est la Suisse qui trône désormais au sommet du ski alpin mondial.

Il aura fallu 20 ans de longue attente pour que le ski helvétique retrouve une place qui lui était dévolue tout au long des années 80. A Vail, en 1989, les héros s’appelaient Pirmin Zurbriggen, Vreni Schneider, Maria Walliser et Paul Accola. Aujourd’hui, ils ont pour nom Didier Cuche, Carlo janka et Lara Gut.

Cette consécration, fruit d’un long travail entamé par la Fédération suisse de ski après le désastre de Bormio en 2005 – la Suisse n’avait pas remporté la moindre médaille -, doit beaucoup à un mélange détonant entre l’expérience du vieux briscard Didier Cuche et l’éclosion des jeunes talents exceptionnels que sont Carlo Janka et Lara Gut.

Cuche tient son rôle

Mais il ne faut pas oublier que c’est Daniel Albrecht qui avait été le détonateur de ce renouveau salutaire en remportant deux des cinq médailles individuelles aux Mondiaux d’Are, en Suède, il y a deux ans.

Absent à Val d’Isère en raison d’une terrible chute il y a 3 semaines à Kitzbühel – il est sorti du coma artificiel et ne devrait conserver aucune séquelle grave de son accident – le Haut-Valaisan a pu compter sur ses coéquipiers pour faire oublier son absence.

Didier Cuche a parfaitement endossé le rôle de leader qui lui sied à merveille depuis quelques années. En survolant le super-G, première épreuve masculine des Mondiaux, le skieur neuchâtelois a d’emblée montré la voie à suivre à ses coéquipiers. Pour 4 centièmes concédés en descente au Canadien John Kucera, il est même passé à côté d’un doublé historique.

Carlo Janka, la force tranquille

Dans son sillage, Carlo Janka a répondu aux attentes. Plus expansif sur la piste qu’à l’heure des interviews, le taiseux grison a fait un retour triomphal sur cette piste de Bellevarde où il s’était révélé à la face du monde deux mois plus tôt. C’est sur la même discipline, le slalom géant, que Janka a jeté son dévolu pour s’emparer du titre mondial.

Sa médaille de bronze en descente revêt également un caractère particulier. Lancé alors que le brouillard venait de faire son apparition sur le haut de la piste, «Iceman» a terminé à seulement 17 centièmes d’une victoire qui ne lui aurait pas échappé avec des conditions atmosphériques égales.

Dans le camp masculin, les performances d’ensemble ont été exceptionnelles. Avec un brin de chance, soit par exemple un centième pour Silvan Zurbriggen en super-combiné, la moisson aurait pu être plus fructueuse encore.

Au registre des déceptions, on citera toutefois Didier Défago, attendu comme le messie après son doublé Wengen-Kitzbühel, et qui a dû déchanter à Val d’Isère, victime notamment d’une chute frustrante en descente.

Lara Gut répond présente

Au sein de l’équipe féminine suisse, sevrée de médailles lors des deux dernières éditions des Mondiaux, c’est Lara Gut qui a joué les héroïnes. Deux médailles d’argent, en super-combiné et en descente, de quoi pavoiser pour cette «gamine» de 17 ans qui a fait son entrée dans la cour des grandes avec une décontraction étonnante.

Sans un virus contracté en début de 2e semaine, la jeune prodige de Comano aurait même pu prétendre à une 3e médaille en géant. Une nouvelle fois, les observateurs ont été stupéfaits de la manière dont Lara Gut a su se départir de l’énorme pression qui pesait sur ses épaules.

Dans la station française, la Tessinoise a été sous les feux constants de la rampe. «Des caméras me suivent partout depuis mon arrivée à Val d’Isère. C’est parfois pesant. Je dois encore apprendre à gérer tous les à-côtés des Mondiaux», dira-t-elle au terme de son élimination en géant.

Sans Lara Gut, point de médaille

Sans Lara Gut, l’équipe de Suisse féminine serait une nouvelle fois rentrée bredouille de ces joutes mondiales. Dominique Gisin, très attendue après ses deux victoires consécutives en descente sur le circuit de Coupe du monde, n’a pas répondu présente. Tout comme Fabienne Suter, elle n’a jamais trouvé ses marques sur une piste de Solaise réservée aux techniciennes d’exception.

Dans les disciplines techniques (géant & slalom), même si des progrès ont été réalisés ces dernières années et que le résultat d’ensemble en slalom à Val d’Isère est très encourageant, l’écart avec les meilleures nations reste conséquent.

Hugues Ansermoz, chef du ski féminin, est d’ailleurs bien conscient du chemin qui lui reste à parcourir. Et il veut éviter à tout prix que son équipe ne dépende à l’avenir que d’une seule skieuse talentueuse, à savoir Lara Gut, qui du reste dispose de son propre encadrement privé.

Stabilité et continuité

Le ski suisse a confirmé à Val d’Isère de manière éclatante son retour au premier plan. Depuis quelques années, les dirigeants de la Fédération suisse de ski ont compris l’importance de pouvoir compter sur un encadrement stable et des entraîneurs de qualité travaillant sur le long terme.

Cette continuité a permis à des skieurs comme Didier Cuche et Didier Défago de pouvoir exprimer pleinement leur potentiel sous la houlette de leur entraîneur Patrice Morisod.

Parmi la jeune génération, la Suisse possède avec Lara Gut et Carlo Janka deux pur-sang qui devraient faire le bonheur du ski suisse ces prochaines années. Mais attention à ne pas retomber dans les travers d’antan.

Si des progrès substantiels ont été accomplis dans la promotion de la relève, avec la mise sur pied notamment de filières sport-études, les jeunes pousses se font rares et il faudra veiller attentivement à leur bonne éclosion.

Les défis d’Urs Lehmann

Autre défi à relever pour le ski suisse: son financement. Si les deux chefs alpins Martin Rufener et Hugues Ansermoz ont souvent fait des miracles et débauché eux-mêmes des sponsors pour s’entraîner dans l’hémisphère Sud durant l’été, la crise économique pourrait venir compliquer la donne.

Le nouveau ministre des Sports, Ueli Maurer, l’a répété en début d’année. Le sport d’élite doit rester une affaire privée en Suisse. Sans manne étatique, le ski doit miser sur son rayonnement pour s’assurer le soutien d’entreprises partenaires.

Ancien champion de monde de descente, Urs Lehmann, président de Swiss-Ski depuis l’été dernier, aura du pain sur la planche ces prochaines années. Mais le travail est toujours plus facile quand on baigne dans l’euphorie de la victoire.

swissinfo, Samuel Jaberg

1. Suisse 6 (2 or, 3 argent, 1 bronze)

2. Autriche 5 (2, 1, 2)

3. Etats-Unis 3 (2, 0, 1)

4. Allemagne 2 (2, 0, 0)

5. Norvège et Canada 2 (1, 0, 1)

7. France 3 (0, 3, 0)

8. Italie 2 (0, 1, 1)

9. Slovènie et Tchéquie, 1 (0, 1, 0)

11. Finlande 2 (0, 0, 2)

12. Croatie 1 (0, 0, 1)

Or: Didier Cuche (super-G), Carlo Janka (géant)

Argent: Lara Gut (super-combiné & descente), Didier Cuche (descente)

Bronze: Carlo Janka (descente)

1. Manfred Pranger (Aut) 1’44″17

2. Julien Lizeroux (Fra) + 0″31

3. Michael Janyk (Can) + 1″53

4. Felix Neureuther (All) + 1″72

5. Mattias Hargin (Suède) 2″06

Malgré ses résultats, la Suisse reste un cancre en slalom. Dimanche, seul le Grison Sandro Viletta s’est classé 13e.

Eliminé lors de la première manche du slalom de dimanche, l’Américain Bode Miller n’a récolté aucune médaille durant ces Mondiaux de Val d’Isère et ce, pour la troisième fois consécutive dans une grande compétition.

Le vainqueur du dernier classement général de la Coupe du monde a annoncé dimanche qu’il faisait une pause sur le circuit de ski alpin. Il fera donc l’impasse sur le géant et le super-combiné du week-end prochain à Sestrières, en Italie.

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