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Votre assiette, avec ou sans OGM?

L'initiative n'impose pas de limitations à la recherche scientifique. Keystone

Les effets à long terme des OGM sur la nature ne sont pas encore connus. Une initiative demande donc un moratoire de cinq sur leur utilisation dans l'agriculture.

Mais cette exigence se heurte au refus des milieux proches de la recherche et de l’économie.

Lancée par des organisations de défense de l’environnement et des consommateurs, l’initiative «pour des aliments produits sans manipulations génétiques» veut interdire l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l’agriculture suisse pendant cinq ans. Cette interdiction concernerait aussi bien les plantes que les animaux.

L’importation en Suisse de produits agricoles fini ne serait en revanche pas touchée. La Suisse pourrait par exemple importer du soja transgénique servant à l’alimentation ou du fourrage.

Principe de précaution

Les partisans du moratoire sont d’avis que dans l’état actuel de la science, il n’est pas encore possible de dire avec certitude quel sera l’effet des OGM sur la nature. Compte tenu de cette incertitude, il faut donc appliquer un principe de précaution, d’autant qu’une dissémination dans la nature aurait des effets irréversibles.

Les opposants soulignent en revanche que, malgré plusieurs années d’étude, la science n’a encore jamais rien trouvé qui prouve la nocivité supposée des OGM. Quant aux éventuels risques, ils estiment qu’ils sont suffisamment pris en compte dans l’actuelle législation suisse sur le génie génétique.

Cette législation interdit déjà l’utilisation d’animaux transgéniques dans l’agriculture. Quant aux plantes génétiquement modifiées, elles ne peuvent être utilisées qu’après un long processus d’homologation qui dure environ cinq ans, soit la même durée que le moratoire. D’ailleurs, à l’heure actuelle, aucune demande d’homologation n’a encore été déposée.

Dans de telles conditions, l’initiative est à leurs yeux inutile. Les partisans sont toutefois d’avis que la législation actuelle n’est pas suffisante. Un moratoire reste donc nécessaire, car, ajouté aux cinq ans nécessaires à une homologation, il donne un répit de dix ans face aux OGM. Or dans dix ans, on y verra peut-être plus clair sur l’effet à long terme des produits génétiquement modifié.

La science et l’économie au créneau

Le texte de l’initiative n’évoque pas le domaine de la recherche. A première vue, les scientifiques ne sont donc pas concernés par le moratoire. Cela n’a pas empêché plus d’une centaine d’entre eux de signer un manifeste contre ce moratoire.

Les chercheurs craignent en effet qu’un moratoire ne donne un «mauvais signal». Les fonds publics et privés seraient plus difficiles à trouver. Décourager de ne pouvoir mettre leurs découvertes en pratiques, des chercheurs pourraient par ailleurs être tentés de s’exiler en étranger, ce qui serait un perte pour la place scientifique suisse.

Les milieux économiques montent également au créneau pour combattre le moratoire. Outre les problèmes de perte de compétitivité, ils estiment qu’un tel moratoire contrevient aux règles internationales du commerce. Des produits OGM ne peuvent pas être bannis sans que les preuves de leur nocivité soient avancées.

Pour les partisans du moratoire, un tel argument ne tient pas la route. Le peuple suisse doit pouvoir, en toute liberté, décider d’interdire des produits s’il juge qu’ils ne sont pas sains ou dangereux.

Un scrutin encore ouvert

Au niveau politique, l’ensemble de la gauche soutient fermement le moratoire. A droite, la question est moins claire. Les trois partis de droite siégeant au gouvernement soutiennent officiellement un «non» à l’initiative. Mais certaines sections cantonales et certains parlementaires de l’UDC (Union démocratique du centre) et du PDC (Parti démocrate chrétien) défendent le «oui».

Il faut dire que ces deux derniers partis sont traditionnellement bien implantés dans les milieux agricoles. Or les organisations paysannes – à commencer par la plus puissante d’entre elle, l’Union suisse de paysans – soutiennent l’initiative. Elles voient notamment dans le moratoire l’occasion de rendre l’agriculture suisse encore plus proche de la nature et de la rapprocher ainsi des envies de consommateurs.

En effet, en Suisse comme dans d’autres pays européens, différents sondages ont montré que les consommateurs ne veulent pas entendre parler l’OGM dans leur assiette. Mais il n’est pas encore sûr que les citoyens iront jusqu’à accepter l’idée d’un moratoire. Un récent sondage montre que 47% des personnes interrogées sont d’accord avec l’initiative et que 36% y sont opposés.

L’avantage est donc au camps du «oui», mais les indécis (17%) pourraient encore faire la différence. Réponse le 27 novembre.

swissinfo, Olivier Pauchard

– Le 27 novembre, les citoyens suisses sont invités à s’exprimer notamment sur l’initiative populaire “pour des aliments produits sans manipulations génétiques”.

– L’initiative a été lancée par des milieux de défense de l’environnement et des consommateurs.

– Elle a été signée par plus de 120’000 signatures.

– Le texte demande un moratoire de cinq ans sur l’utilisation d’animaux et de plante génétiquement modifiés dans l’agriculture suisse.

– Au Parlement, l’initiative a été rejetée par 91 voix contre 88 à la Chambre haute et par 35 voix contre 10 à la Chambre haute.

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