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Willy, le Suisse le plus célèbre du Panama

Willy Diggelmann dans son «chalet suisse». swissinfo.ch

Willy Diggelmann est né à Zurich. Il y a 34 ans, l’amour et l’esprit d’aventure l’ont conduit au Panama où il est devenu un restaurateur prospère.

Il reçoit à sa table des personnages  comme Garcia Marquez, Ruben Blades ou Mel Gibson et toute la classe politique locale. Chaleureux et doté d’un sens de l’humour «eurolatino», le chef Willy s’entretient avec swissinfo.ch dans son fameux Rincon Suizo.

Jour de travail oblige, il garde un œil sur sa cuisine tout en résumant l’histoire de sa vie. Tout commence à 12 ans dans son Zurich natal, lorsqu’il surprend son père en lui annonçant son désir de devenir cuisinier.

swissinfo.ch: Quelle a été la réaction de votre père?

Willy Diggelmann: La surprise. A l’époque, cette profession n’était pas vraiment prise au sérieux. Mes parents m’ont pourtant envoyé faire un stage, qui m’a plu. J’ai ensuite fait un apprentissage en Suisse romande pour perfectionner mon français.

Et puis, j’ai étudié à l’Ecole hôtelière de Lausanne où j’ai suivi la filière Hôtellerie et arts de la table. Ma fille aînée, Evelyn, y étudie actuellement.

swissinfo.ch: Comment le Panama arrive-t-il dans votre vie?

W.D.: Pendant mes études, j’ai rencontré Isabel, une Panaméenne, dans le train. Elle faisait ses étudest à Fribourg. Nous sommes tombés amoureux, nous nous sommes mariés et nous avons vécu quelques années en Suisse.

En 1976, nous avons décidé de venir au Panama. Le pays m’a plu et j’ai commencé par travailler dans l’écotourisme. J’emmenais des touristes en pirogue, une entreprise d’avant-garde à une époque où le tourisme n’était pas développé. J’ai voyagé dans tout le pays, du Darien (à la frontière colombienne) jusqu’au Costa Rica.

swissinfo.ch: Et puis vos filles sont nées…

W.D.: Oui, Evelyn et Sandra. Nous vivions à la campagne et nous avons du déménager en ville quand elles ont été scolarisées. C’est à ce moment-là que j’ai ouvert le Rincon Suizo, encouragé par ma famille et mes amis.

 

swissinfo.ch: Votre premier restaurant…

W.D.: Le premier, oui. C’était un tout petit restaurant de la via Argentina: 10 mètres sur 2,5 et seulement sept tables. Il est reproduit ici, identique à l’original.

Le projet a pu se concrétiser grâce à la solidarité d’amis suisses qui vivent au Panama: l’un m’a dessiné les plans, l’autre m’a aidé à construire le bar etc. Eux aussi avaient envie d’un endroit qui serve des spécialités suisses, la fondue, la raclette…

swissinfo.ch: Il y a combien de temps?

W.D.: Bientôt 29 ans.

swissinfo.ch: Comment la gastronomie suisse était-elle reçue?

W.D.: Le problème, c’est que la demande ne correspondait pas à l’offre! Ce que j’aime cuisiner, ce sont les poissons et les moules, mais les gens étaient convaincus que les Suisses n’y connaissaient rien! (il rit)

Alors j’ai ouvert un restaurant français qui a bien marché et j’ai finalement pu servir des moules. La mode n’était pas à la cuisine «light» à l’époque.

Mais un problème beaucoup plus grave est apparu: Noriega est arrivé au pouvoir et, avec lui, la dictature militaire. En fait, les commerces marchaient bien mais le tourisme était quasi inexistant.

 

swissinfo.ch: Quels sont vos souvenirs des années Noriega?

W.D.: Quand Noriega est arrivé au pouvoir, la répression et la réaction se sont accentuées.

Les années 1987 à 1989 ont été les pires de son gouvernement. En mai 1989, Noriega a annulé les élections (remportées par son principal opposant Guillermo Endara, Ndlr) et vers Noël 1989, les troupes états-uniennes sont entrées dans le pays.

La situation était tellement grave pendant cette période que je ne pouvais pas assumer les frais du Rincon Suizo. Mais j’ai gardé le petit bar du Rincon et je l’ai installé… à l’intérieur du restaurant français. Avec, en pleine récession, ce slogan: «deux restaurants, un seul chef», qui s’est avéré une réussite.

 

swissinfo.ch: Et la formule fonctionne toujours…

 

W.D.: Elle a eu un tel succès que je ne l’ai pas changée. Certains soirs, tout le monde veut une fondue, d’autres soirs c’est le plat français qui a la cote.

swissinfo.ch: Comment avez-vous survécu à ces années Noriega?

 

W.D.: J’ai toujours eu une bonne clientèle nationale, des personnes qui voyageaient, connaissaient l’Europe et appréciaient ce style de cuisine. Le problème c’est qu’on en est arrivé au point où les banques ont été fermées pendant quatre mois. Les gens n’avaient pas d’argent. Je gagnais en un mois ce que je gagne maintenant en une semaine dans un seul restaurant.

swissinfo.ch: Avez-vous envisagé de rentrer en Suisse, à l’époque?

 

W.D.: Non, mais je pensais m’installer soit au Chili où la culture gastronomique n’était pas encore développée, soit à Miami où j’étais invité par un ami. Heureusement, le changement s’est produit à temps et je n’ai pas eu à partir.

swissinfo.ch: De quand date votre passion pour les vins?

W.D.: C’est une passion de toujours mais j’ai commencé à travailler sur les vins en 1994 et cela nous réussit. 

 

swissinfo.ch: Quel type de clientèle avez-vous?

 

W.D.: Des politiciens, des chefs d’entreprise, des touristes, des artistes étrangers et des Panaméens qui apprécient ce style de cuisine, plus européenne.

 

swissinfo.ch: La suggestion du chef?

 

W.D.: Pourquoi pas une «Zürcher Geschnetzeltes» (émincé de veau aux champignons à la zurichoise), ou une «Rahmschnitzel» (escalope à la crème avec des pâtes). Ou alors un filet Café de Paris et son beurre aux 24 épices… un délice!

swissinfo.ch: On se quitte avec les desserts?

 

W.D.: «Meringue glacée» ou «crêpe Suzette»? (avec un clin d’œil)

Né à Zurich où il a fait son apprentissage de cuisinier avant d’obtenir son diplôme de l’Ecole hôtelière de Lausanne.

1977: Il s’installe à Panama, où  il a été président du Club Suisse et garde des liens étroits avec la colonie de près de 400 expatriés suisses.

1983: il ouvre son premier restaurant, le «Rincon Suizo». Situé Via Argentina, en face du Parc Andres Bello, il ne comptait que sept tables.

1985: il inaugure le «Restaurant 1985» et se spécialise dans la cuisine française.

Pendant les années Noriega, il fusionne les deux restaurants avec le slogan «deux restaurants, un seul chef».

Quelques années plus tard, il crée «The Wine Bar», le «Rincon alemán» et «Pomodoro» (cuisine italienne).

2010: il achète «Cena y Platea», un restaurant de la vieille ville.

Lauréat de nombreux prix, dont plusieurs fois le «Best of Award of Excellence» de la revue Wine Spectator.

Il n’écarte pas la possibilité de diversifier ses activités en achetant un hôtel.

Sa clientèle compte le musicien Ruben Blades, l’ex-président helvético-chilien Eduardo Frei, l’écrivain Gabriel Garcia Marquez, l’acteur/réalisateur Mel Gibson, les ex-présidents panaméens Ernesto Perez Balladares, Mireya Moscoso et Martin Torrijos ainsi que l’actuel président Ricardo Martinelli et d’autres personnalités.

Mariée à Isabel, une Panaméenne, il est père de deux filles, Sandra (1979) et Evelyn (1978).

Traduction de l’espagnol: Elisabeth Gilles

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