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Les Suissesses redécouvrent le 8 mars

A Berne, les femmes installent une inscription géante sur une façade. Keystone

Amorcée par un concert de réveils-matin dans les gares CFF, la Journée internationale de la femme mobilise tout le pays.

Ce 8 mars revêt une importance particulière cette année en Suisse en raison des remous provoqués par l’élection d’hommes au gouvernement le 10 décembre.

«Rouges de colère», c’est le mot d’ordre des diverses manifestations organisées ce lundi un peu partout en Suisse à l’occasion de la Journée internationale des femmes.

Les organisations féminines, les syndicats, les associations d’étudiantes comme les partis politiques sont bien décidés de faire du 8 mars 2004 un événement national.

La veille des femmes

Amorcée par un concert de réveille-matin à l’aube dans les gares, la mobilisation a gagné toutes les villes suisses.

L’événement le plus marquant est la «veille des femmes» qui a pris ses quartiers lundi matin sur la terrasse du Palais fédéral. Deux femmes s’y relayeront toutes les 24 heures jusqu’en décembre sous les fenêtres du gouvernement.

«Les femmes savent ce que veiller veut dire, explique l’une des organisatrices, la Vaudoise Yvette Barbier. En Suisse, des centaines de milliers d’entre elles veillent leurs enfants et les malades».

La veille est placée sous les thèmes choisis pour la journée, à savoir le combat contre la 11e révision de l’Assurance vieillesse, le soutien au congé maternité et la non-discrimination des femmes sur tous les plans.

Un bilan sévère

«Le 8 mars, c’est l’occasion de tirer le bilan de la situation des femmes et de rappeler tout ce qui reste à faire». Rédactrice en chef de l’émilie à Genève, Andrée-Marie Dussault tire un bilan sévère.

«La cause des femmes a énormément avancé ces 30 dernières années, surtout les 10 dernières, mais il reste beaucoup à faire. La Suisse, pays riche, est en retard par rapport à ses voisins. Par exemple, il n’y a toujours pas d’assurance maternité, de crèches en nombre suffisant à des prix abordables», déclare à swissinfo la responsable du plus vieux journal féministe du monde.

Encore loin du but

En Suisse, le principe d’égalité a été inscrit dans la Constitution fédérale en 1981. Des bureaux de l’égalité ont été créés au niveau fédéral et cantonal afin de concrétiser cette égalité dans la réalité quotidienne.

Mais la cause des femmes est encore loin du compte, poursuit Andrée-Marie Dussault: «Il y a toujours une ségrégation dans l’organisation, les conditions et le temps de travail. Elles sont toujours les premières victimes de la pauvreté et la violence conjugale reste un problème lancinant».

Micheline Calmy-Rey, seule ministre féminin du gouvernement suisse, a rappelé sur les ondes de la Radio romande ce lundi que «les femmes gagnent toujours en moyenne 20% de moins que leurs collègues masculin dans le secteur privé et 10% de moins dans le secteur public».

Une «Saint Valentin soviétique»

Le 8 mars a été créé en 1910 par l’Internationale socialiste. Journée fériée dans la Russie soviétique, elle était devenue une sorte de Saint Valentin qui faisait les beaux jours des fleuristes.

De leur côté, les féministes américaines avaient lancé la tradition d’une journée des femmes le 28 février 1909.

En conférant le statut de Journée internationale au 8 mars, l’ONU lui a donné une portée mondiale en 1975. Histoire de rappeler que «nulle part dans le monde les femmes n’ont les mêmes droits et perspectives que les hommes».

Une journée particulière

Cette année, cet événement plutôt international prend une portée plus nationale et plus politique en Suisse. Le 10 décembre, l’élection de deux hommes à deux sièges gouvernementaux convoités par des femmes a provoqué la colère des Suissesses de droite comme de gauche.

Ce jour-là, 12’000 personnes s’étaient rassemblées sur la Place fédérale pour protester contre l’élection de Christoph Blocher et Hans-Rudolf Merz en lieu et place de Ruth Metzler et Christine Beerli.

Cette dimension politique marque fortement cette Journée internationale 2004, en raison de la mobilisation des femmes de droite, qui s’associent au mouvement pour la première fois.

Pour Andrée-Marie Dussault, c’est important: «Même si elles ne partagent pas toujours les mêmes positions que celles de gauche, c’est une conséquence directe du 10 décembre et c’est tant mieux si cela a contribué à réveiller les femmes de droite».

L’assurance maternité

Ainsi, les femmes du parti radical (PRD, droite) ont décidé ce week-end de maintenir leur appui au projet de révision de la loi sur l’assurance vieillesse (AVS) lors de la votation du 16 mai. Projet combattu par la gauche car il prétérite les femmes en augmentant leur âge d’accession à la retraite de 62 à 65 ans.

Par contre les femmes radicales ont rejoint les autres organisations féminines ce week-end en décidant de soutenir l’assurance et le congé maternité, qui n’existent toujours pas en Suisse. Thème sur lequel les citoyens devront se prononcer le 26 septembre prochain.

Le projet prévoit un congé maternité payé avec versement de 80% du salaire des femmes exerçant une activité professionnelle durant 14 semaines après l’accouchement.

swissinfo, Isabelle Eichenberger et les agences

Afin de protester contre la composition du gouvernement (une seule femme sur 7 membres), des manifestations «rouges de colère» sont organisées lundi dans les principales villes de Suisse.
A Berne commence le 8 mars la «veille des femmes» sous les fenêtres du Palais fédéral, qui devrait se poursuivre toute l’année.
Les membres féminins du Parlement de gauche et de droite ont invité le Prix Nobel de la paix Shirin Ebadi à s’exprimer devant l’Assemblée.

– Le 8 mars a été décrété journée de la femme par l’Internationale socialiste
en 1910.

– Auparavant, en 1909, les féministes américaines avaient consacré le 28 février «journée nationale des femmes».

– L’ONU créée la Journée internationale en 1975.

– Les Suissesses ont obtenu le droite de vote au niveau fédéral en 1971.

– Le principe de l’égalité entre hommes et femmes est inscrit dans la Constitution suisse depuis 1981.

– En politique, le gouvernement ne compte qu’une femme sur 7 membres. Elles sont 26% à la Chambre du peuple et 24% à celles des Cantons.

– 59% des femmes suisses travaillent (77% des hommes), souvent à temps partiel.

– En 2002, les femmes gagnent en moyenne 20% de moins que les hommes dans le secteur privé et 10% de moins dans le secteur public.

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