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Tempête au-dessus d’une flotte de mer calme

Le cargo «Romandie» en 1992 près des côtes espagnoles. Keystone

Pays continental, la Suisse se permet une flotte de haute mer. Le transport de fret n’a jamais été son objectif. Dès le début, cette flotte a plutôt été pensée comme une assurance. Mais désormais, il apparaît à quel point cette assurance est chère.

L’idée vient de la Seconde Guerre mondiale: il fallait alors assurer l’approvisionnement de la Suisse dans toutes les situations de crise, y compris sur mer. C’était le début de la flotte suisse de haute mer.

De nos jours, 49 cargos croisent sous pavillon helvétique. Mais depuis une dizaine d’années, ces navires ne sont plus chargés au maximum de leur capacité, car la branche souffre de surcapacités. La situation est devenue si mauvaise que la Suisse doit procéder à la vente forcée de 13 navires.

Le problème est que l’Etat doit assumer les coûts des vieux navires. Il va se porter caution à hauteur de 254 millions de francs pour les 13 navires à vendre et de 1,1 milliard pour l’ensemble de la flotte. La vente de ces 13 bâtiments ne devant rapporter que 72 millions, la perte sera supportée par l’Etat, c’est-à-dire par les contribuables.

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Fierté des mers

Ce modèle de cautions est aussi une relique du passé. Depuis 1959, la Suisse accorde des garanties financières aux compagnies maritimes helvétiques qui peuvent ainsi obtenir des crédits à des taux favorables. En contrepartie, la Suisse doit pouvoir réquisitionner leurs navires en période de crise, afin d’assurer l’approvisionnement du pays.

Grâce à ce système, les compagnies maritimes suisses ont pendant longtemps été assurée de la meilleure des manières et ont pu faire naviguer des bâtiments excellemment bien entretenus. Ces fiers bâtiments étaient un fleuron de la Suisse et le peuple suisse, sans contact avec la mer, admirait le professionnalisme de cette branche exotique. Mais il n’était alors pas question d’utilité économique, car cela n’avait jamais eu d’importance.

Mais aujourd’hui, l’administration, les parlementaires et les contribuables se frottent les yeux. Comment est-il possible que les comptables de l’Office fédéral pour l’approvisionnement économique du pays, d’habitude si scrupuleux, n’aient pas vu venir ce désastre se chiffrant en millions? «Le montant est énorme et chaque million fait mal. Nous n’avons certainement pas procédé à des contrôles optimaux. Nous sommes partis du principe que cette affaire roulait, mais on avait tort», a regretté le ministre de l’Economie Johann Schneider-Ammann sur les ondes de la radio publique alémanique.

Système hors contrôle

Ce n’est donc pas seulement la crise dans le secteur maritime qui a creusé un trou dans la caisse des finances fédérales. Une partie du problème vient de l’intérieur. L’argent était trop généreusement distribué et le contrôle trop laxiste.

Ce n’est qu’en 2016 que le plus haut organe de surveillance des comptes a déposé une plainte pénale. Celle-ci était dirigée contre un armateur bénéficiant de la caution fédérale et d’un fonctionnaire fédéral. Les contrôleurs de finances reprochaient à l’armateur d’avoir surévalué le prix d’un navire pour obtenir une caution plus élevée. En même temps, un fonctionnaire avait permis à un armateur de cesser des remboursements. Une enquête administrative avait alors mis des défaillances en lumière. Jusqu’à ce jour, les personnes incriminées ont toutefois réussi à éviter que le rapport d’enquête ne soit publié.

Mais le gouvernement en a déjà tiré un enseignement. Il ne veut plus continuer le système des cautions. Cependant, les garanties de l’Etat concernent encore une quarantaine de navires; 500 millions de francs sont destinés à sombrer, mais sans aucun canot de sauvetage sur le navire. 

(Traduction de l’allemand: Olivier Pauchard)

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