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«B» comme Béjart et «b» comme bouleversant

Scène chorégraphique du Mandarin merveilleux de Maurice Béjart. Dossier de presse BBL

Magnifique première hivernale du BBL au Métropole à Lausanne. «Sept danses grecques» ont ouvert les feux, suivies de «Symphonie pour un homme seul», puis du "Mandarin merveilleux".


Tout commence par le flux et le reflux de la mer. La pénombre bleutée de l’arrière scène fait place à un bleu d’azur ensoleillé. Le décor est dépouillé à l’extrême.

On découvre alors des danseurs, torses nus et pantalons blancs. Blancs comme les marins du Pirée, blancs comme ces oiseaux de mer qui suivent les bateaux d’île en île.

Les premiers mouvements sont amples et lents, puis ils s’accélèrent. Les danseuses, elles, apparaissent en noir. Noir comme ses vieilles femmes grecques assises devant la porte d’entrée de leur maison. Noir comme le complément idéal du blanc.

Les “pas de deux” succèdent aux danses d’ensemble. D’abord mêlant les deux sexes. Puis, tantôt exclusivement masculin, tantôt exclusivement féminin. Les uns et les unes dansent bientôt à perdre haleine et nous font sentir la Grèce. Celle dont on se souvient. Ou celle que l’on imagine.

Comme l’avait annoncé le maître d’œuvre, il n’y a pratiquement pas de pas empruntés aux danses traditionnelles grecques. Mais l’esprit hellénique est bien là. Soufflant, sur scène comme dans la salle, cette joie ensorceleuse teintée de mélancolie propre à ce peuple de la mer Egée.

Après les rondes grecques épicuriennes, le second tableau vient nous rappeler combien la chorégraphie d’il y a 45 ans, «Symphonie pour un homme seul», avait alors bouleversé le monde de la danse classique. Tout comme d’ailleurs la musique novatrice de Pierre Henry et Pierre Schaeffer.

Et là, dans les cordes suspendues, on a retrouvé sur scène un Gil Roman superbe d’agilité dans ses tentatives d’échapper à la folie d’un monde hanté par le besoin de consommer les plaisirs faciles. C’est bien simple, Gil Roman ne danse pas, il vole. Et sa partenaire Christine Blanc l’épouse au sol comme au vol.

Après ce “pas de deux” quasi philosophique qui, initialement, avait été exécuté par Michèle Seigneuret et Maurice Béjart lui-même, le troisième et dernier tableau «Le Mandarin merveilleux» nous prend à la gorge par le côté guerrier de sa chorégraphie.

Sur une musique de Béla Bartok, Maurice Béjart nous embarque en effet dans les bas fonds de cette Europe centrale du début des années trente. Costards, cravates et casquettes s’agitent en parfaite synchronisation. La violence des mouvements présage la terrifiante époque nazie.

Là, on est plein cinéma de l’entre deux guerres. Le chorégraphe lausannois s’est manifestement inspiré de Fritz Lang. Des bandits de grand chemin, une fausse fille de cabaret qui sert d’appât. Et ce danseur qui, par l’étoile rouge qu’il porte sur sa casquette, symbolise le spectre de la Chine communiste.

Le Béjart Ballet de Lausanne nous a gratifié, jeudi soir, d’un spectacle empreint de perfection et riche en émotions, tant la technique du corps de ballet est au service de la dimension artistique, et tant le chorégraphe s’est mis au diapason de la musique. Celle qui éclaire l’esprit et enchante l’âme.

Emmanuel Manzi

Prochaines représentations: 15, 19, 20, 21 et 22 déc. à 20h. Ainsi que 16 et 17 déc. à 18h. Elles sont toutes complètes, mais il y a toujours des désistements de dernière minute.





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