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«En Norvège, nous sommes chez nous!»

Kurt Breitenstein (à g.) et Josef Leupi sont en Norvège depuis les années 1970. swissinfo.ch

Par une belle journée d’octobre, la présidente de la Confédération Doris Leuthard inaugurait une exposition de design suisse à Oslo en compagnie du couple royal. Les Suisses de Norvège avaient été conviés et swissinfo.ch a rencontré Kurt Breitenstein, Josef Leupi et Serge von Arx.

Echarpe jaune sur costume gris, le verbe sonore, le sourire carnassier, il fait penser à l’acteur américain Jack Nicholson. «Il», c’est Kurt Breitenstein, né en 1944 à Sissach (Bâle-Campagne) et installé à Oslo depuis quarante-deux ans.

«Quand j’étais jeune, j’avais une immense envie de voyages et d’aventures. Après avoir terminé mon apprentissage d’architecte, j’ai donc cherché du travail au Danemark, qui était à l’époque le pays par excellence de la bonne architecture.»

Un rêve réalisé

Kurt Breitenstein a réalisé son rêve en 1966 et trouvé une place à Copenhague chez Arne Jacobsen, «Le Corbusier danois»… «Deux ans plus tard, j’ai été invité en vacances de ski en Norvège et… le tour était joué! Il faut dire que le Danemark était un peu trop plat à mon goût, il n’y avait pas d’horizon, rien que le ciel…»

Avec sa famille danoise, le Bâlois a déménagé en 1968 et, après avoir travaillé pour divers architectes norvégiens, il s’est mis à son compte. Il a aussi enseigné à la Haute Ecole d’architecture ainsi qu’à celle des beaux-arts à Oslo.

«Nous vivons sur la presqu’île de Nesodden et je viens travailler tous les jours en bateau au centre d’Oslo.» Des regrets? Pas l’ombre, sauf de ne pas avoir appris l’allemand à ses trois enfants («à l’époque, le bilinguisme était déconseillé»), qui n’ont eu que peu de contact avec leur grand-mère suisse. «A part ça, j’ai sept petits enfants, tous à Oslo, c’est magnifique!»

Excellence des graphistes suisses

Chevelure grise et soignée tombant sur les épaules, costume noir, Josef Leupi, lui, a fait ses études à la Haute Ecole art et design de Lucerne. «Ensuite, je suis parti suivre les cours du Suisse Jean Widmer à l’Ecole des Arts Décoratifs de Paris… j’y ai rencontré une Norvégienne et je me suis retrouvé à Tromsø en 1974, dans le nord.»

Le Lucernois a travaillé quelques années pour Bruno Oldani, le plus ancien et le plus célèbre designer suisse de Norvège. «Il y a beaucoup de Suisses ici et c’est grâce à lui, car il a ‘importé’ beaucoup de graphistes dans son sillage», explique-t-il. Le savoir-faire suisse est unique car la démocratie directe a contribué à former une solide tradition dans l’art de l’affiche. Bruno Oldani a fortement contribué à développer la formation des graphistes et des illustrateurs norvégiens, qui sont d’un très bon niveau actuellement.»

Parallèlement à son agence de communication visuelle, Josef Leupi enseigne lui aussi à l’Ecole des arts appliqués ainsi qu’à la Haute Ecole des beaux arts.

Identité germanique commune

Ni Josef Leupi, ni Kurt Breitenstein n’ont le mal du pays. Tous deux se rendent régulièrement en Suisse mais sont parfaitement intégrés. «Au début, la Suisse me manquait, le salami, le bon fromage, tout ça, raconte le deuxième. Puis on n’y pense plus. Il n’y a pas beaucoup de Suisses ici et quand nous nous voyons, nous mangeons une fondue. On commence à parler en suisse allemand, mais on se retrouve très vite à parler norvégien.»

L’architecte relève que Suisses allemands et Norvégiens partagent une identité germanique. «Tout nous rapproche: la langue, la mentalité, la culture. Je me suis immédiatement senti chez moi ici.»

Josef Leupi renchérit: «Nous sommes proches dans le caractère, il faut se donner du mal pour approcher les gens, bref, nous avons la même sorte de réserve.» Mais le graphiste se sent toujours suisse. «Je ne vote pas mais je suis plus ou moins ce qui se passe.» Kurt Breitenstein, lui, est naturalisé norvégien («mais ma femme danoise a le passeport suisse!»).

Et que dit-on de la Suisse en Norvège? Pas grand-chose, apparemment. «Curieusement, tout le monde ici sait que les Suissesses ont été parmi les dernières à bénéficier du droit de vote en 1971!», répond le Bâlois.

Josef Leupi ajoute que la votations sur les minarets a fait beaucoup de bruit en Norvège, qui connaît aussi des tensions politiques autour de l’intégration des musulmans.

La jeune génération a la bougeotte

Survient Serge von Arx, la quarantaine, blond comme… un Norvégien! Diplômé en architecture de l’EPFZ, ce Zurichois enseigne la scénographie à l’Académie des arts du spectacle de Fredrikstad depuis 2007.

«Après mes études, j’ai voulu élargir mon horizon et faire des expériences dans le théâtre, qui m’attirait beaucoup.» Il a commencé en 1998 à travailler avec le metteur en scène et plasticien américain Robert Wilson, également architecte de formation et pionnier en architecture théâtrale.

«Pendant six ans, j’ai travaillé presque exclusivement pour Bob Wilson, puis j’ai lancé des projets personnels. J’ai vécu à Hambourg, puis Berlin, mais je voyageais au moins six mois par an. Quand mon premier enfant est né, j’ai dû réorganiser ma vie. Quand j’ai été nommé directeur artistique de l’Académie des arts du spectacle de Fredrikstad, je me suis donc installé en Norvège.»

Parallèlement à l’enseignement, Serge von Arx poursuit ses expériences. «Il n’y a pas ici, comme à Berlin, une tradition théâtrale très radicale, mais c’est pour cette raison qu’il y a des possibilités et je suis très heureux de participer au processus en cours!»

Mon pays, c’est mon travail

Serge von Arx retourne régulièrement en Suisse, mais ne suit les choses que de loin. «Je suis parti depuis trop longtemps, mais il me semble qu’il y a une certaine fragilité identitaire dans les deux pays, qui ont un passé pauvre, sont devenus riches mais où la modernité peine à s’installer. On n’aime pas l’ostentation, on fait attention à ses dépenses, on ne se plaint pas.»

Serge von Arx rêve parfois de revenir à l’architecture et de bâtir la maison idéale. En Norvège? «Je n’en sais rien. Je suis ici pour quatre ans et je compte signer pour une nouvelle période de quatre ans. Au-delà, je n’en sais rien. Il faut avoir des buts dans la vie, c’est clair, mais on ne contrôle pas tout et, souvent, les choses décident d’elles-mêmes. En fait, mon pays, c’est l’architecture théâtrale, c’est mon travail!»

Monarchie constitutionnelle dont le chef d’Etat est le Roi Harald V.

Population: 4,6 millions dont 2123 Suisses (CH 7,3 millions dont 1643 Norvégiens).

Chômage: 3,2% (CH: 3,7%).

PIB par habitant: 56’875 dollars (CH: 43’000).

A adhéré en 1992 à l’Espace économique européen (EEE), composé des Vingt-Sept, plus le Liechtenstein et l’Islande. (La Suisse a refusé en 1992).

A rejeté l’adhésion à l’UE par référendum en 1972 et 1994. Selon les derniers sondages, plus de 70% des Norvégiens y sont toujours opposés.

Le gouvernement a désigné un comité de 12 personnalités pour rédiger un bilan sur l’apport de l’EEE, dirigé par Fredrik Sejersted et Ulf Sverdrup.

(chiffres 2009, seco)

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