Des perspectives suisses en 10 langues

«Il faut séparer le constat et l’action»

Les Etats seront évalués sur la question de la torture notamment. Keystone Archive

L'examen périodique universel constitue la grande nouveauté du Conseil des droits de l'homme. Mais l'organisme onusien doit encore en définir la forme.

Pour se faire, le professeur bernois Walter Kälin vient de rédiger un rapport évoquant les différents scénarios possibles. Le Genevois Eric Sottas pointe sa principale faiblesse.

Eric Sottas est directeur de l’Organisation mondiale contre la torture. Et ce, depuis sa fondation en 1986. Basée à Genève, l’ONG est au cœur d’une coalition de 280 organisations qui luttent également contre la torture dans le monde.

Eric Sottas est donc un fin connaisseur du dossier des droits humains et de l’ancienne commission des droits de l’homme, remplacée par le Conseil des droits de l’homme, qui termine vendredi sa toute première session.

swissinfo: Que pensez-vous du rapport de Walter Kälin sur l’examen périodique universel, un instrument clé du nouveau Conseil des droits de l’homme?

Eric Sottas: Le rapport de Walter Kälin présente très bien les différents scénarios possibles pour mettre en place l’examen périodique universel. Le professeur bernois a ainsi tenté de rassembler et de concilier toutes les options qui circulent en ce moment.

Walter Kälin s’est concentré sur cet instrument, sans examiner son articulation avec les autres mécanismes que doit évaluer le nouveau Conseil des droits de l’homme. Il n’a pas non plus analysé comment les cas difficiles peuvent être portés à l’attention du Conseil.

De plus, ce rapport – à mon sens – reste flou sur une question majeure, à savoir une claire séparation de l’évaluation des situations et des mesures à prendre.

swissinfo: Ce mécanisme ne sera donc pas forcément un progrès, comme tout le monde le dit?

E. S: Le fait que tous les Etats soient soumis au même régime est une excellente chose. L’ancienne Commission des droits de l’homme ne condamnait en effet que les Etats isolés. Les grandes puissances étaient épargnées, de même que les Etats bénéficiant de larges soutiens.

Mais je le répète: la clé du problème repose sur une définition claire du rôle de chacun. Si l’ancienne commission a dérapé, c’est qu’elle a voulu jouer un rôle politique, tout en poursuivant son travail d’expertise juridique.

Si on confie à une telle instance le soin de décider que tel ou tel Etat se conforme ou non à ses obligations, elle devient juge et partie et les débats ne peuvent être que très politisés.

Pour sortir de cette impasse, l’ancien organisme avait élaboré un début de solution, avec la création de la sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme, qui travaillait avec des experts réellement indépendants.

Mais, lors de la répression par les autorités chinoises des manifestations de la place Tien An Men, la commission avait décidé que les réponses de la Chine étaient suffisantes. Et la sous-commission s’était vue interdire de passer des résolutions sur les pays. Or, jusque-là, la sous-commission avait obligé la commission à se saisir de cas qu’elle ne voulait pas traiter.

Fort de cette expérience, il ne faudrait en tous cas pas mélanger ces deux rôles. Or, le rapport de Walter Kälin ne préconise pas vraiment de séparation entre ces deux tâches spécifiques (diagnostique et mesures).

swissinfo: D’autres points du rapport suscitent-ils vos critiques?

E. S: Dans ce document comme dans d’autres, on insiste beaucoup sur le consensus et le dialogue. Cette approche est nécessaire pour les actions de prévention. Mais en cas de violations, certains principes ne sont pas négociables.

Idéalement, il faudrait donc renforcer les prérogatives des experts indépendants. Ce que préconise la résolution fondatrice du Conseil des droits de l’homme. Mais ce texte parle également de rationalisation de ces mécanismes. Ce qui peut signifier leur limer les dents.

Interview swissinfo: Frédéric Burnand à Genève

Walter Kälin est un expert en droit humanitaire et en droit international reconnu au niveau international.
Professeur de droit public constitutionnel et international à l’Université de Berne, il a préparé l’étude sur la réforme de la Commission des droits de l’homme, qui a débouché sur le projet de Conseil des droits de l’homme.
En 1991-1992, Walter Kälin avait été le rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme pour le Koweït occupé par l’Irak.
Depuis 2003, il est membre du Comité des droits de l’homme des Nations Unies.
En 2004, il a été nommé représentant du secrétaire général de l’ONU Kofi Annan pour les droits de l’homme des personnes déplacées.

– La résolution fondatrice du Conseil des droits de l’homme établit le principe d’un examen périodique universel des Etats membres de l’ONU, à commencer par les 47 membres du Conseil des droits de l’homme.

– Les membres du Conseil doivent encore négocier la mise en œuvre et les modalités d’action de ce nouveau mécanisme censé évaluer la situation des droits humains et le respect par les Etats de leurs engagements dans ce domaine.

– Pour ce faire, le ministère suisse des Affaires étrangères a mandaté Walter Kälin, qui a rendu le 7 juin un rapport décrivant les différents scénarios possibles pour l’établissement de l’examen périodique universel.

– Ce document comme d’autres servira de base de travail pour un séminaire organisé par la Suisse le 28 août à Lausanne avec les Etats membres du Conseil.

– La Suisse a également proposé la nomination d’un facilitateur pour mener les discussions sur ce sujet au sein du Conseil.

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision