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«J’ai aussi été apprenti…»

Mario Botta s’est rendu à plusieurs reprises sur le chantier de la Tour de Moron. Henri Simon

Le célèbre architecte tessinois Mario Botta a accepté de grand cœur de dessiner et d’accompagner le projet de la Tour de Moron.

Il sera de la fête lors de l’inauguration vendredi de la «Tour des apprentis». Interview.

swissinfo: Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans l’aventure de la Tour de Moron, et gratuitement en plus?

Mario Botta: Moi aussi j’ai été un apprenti, donc je me suis senti très près de ces jeunes maçons. Et j’imaginais qu’il pourrait être intéressant de donner une forme, une image à leur travail d’apprentissage.

Donc au lieu de faire des exercices qui seraient ensuite jetés à la poubelle, je leur ai dit «du moment que vous travaillez avec des pierres et pas avec du papier, pourquoi ne pas faire quelque chose qui resterait comme le signe d’un travail, d’un pari, comme un élément qui parlerait de votre formation?»

C’est un jeu aussi. Il y a un aspect ludique, je dirais d’image, de signe du travail, et cet élément d’artifice à côté de la nature.

swissinfo: Et puis il y a le travail de la pierre qui est une passion chez vous…

M. B.: La pierre, oui, c’était une donnée de principe: le travail consistait à tailler la pierre. On a donc essayé de traiter une image où la pierre joue un rôle central. Il y a donc le plaisir de montrer ce qu’on peut faire avec la pierre.

swissinfo: La pierre est doublement traitée. D’abord sous forme de moellons taillés à l’ancienne pour le cylindre intérieur de la tour, puis de plaques de pierre sciées selon des technologies modernes pour les 208 marches.

M. B.: Oui. L’idée, mise au point avec les différents maîtres, était que «l’âme» centrale de la tour travaille seulement avec la force de gravité. C’est donc leur poids qui retient les marches encastrées à l’intérieur du mur. Les marches et le parapet sont faits en pierre massive, qu’on peut travailler aujourd’hui avec des machines.

Donc, on a essayé de jouer le jeu et de montrer un matériau très ancien travaillé avec une technologie d’aujourd’hui et, surtout, de donner à ce matériel extraordinaire une image qui ne soit pas vieillotte, mais une image de notre temps et de notre sensibilité. C‘est donc une tour du 21e siècle.

swissinfo: Vous vous êtes rendu plusieurs fois sur le chantier, comment avez-vous trouvé les jeunes?

M. B.: Je ne me suis pas intéressé qu’aux jeunes! On pourrait faire toute une réflexion sur la société. Si les jeunes sont bien guidés, ils peuvent nous donner des leçons. Pour cette œuvre-là, on a apporté les matériaux, mais en fait, toute la main d’œuvre est un cadeau des jeunes à tous les citoyens.

Il faut apprendre à bien utiliser le travail d’apprentissage, le travail scolaire. Notre société jette tout trop vite à la poubelle. Il y a des choses non pas techniques, mais éthiques qu’il faut reprendre, et mettre au service de la collectivité. Et ce travail peut en être un exemple.

swissinfo: Vous serez là pour l’inauguration de «votre» Tour?

M. B.: Oui je serai là. Mais ce sont les jeunes qui doivent être fêtés, pas moi.

swissinfo: Et leur nom restera gravé pour la postérité, comme ceux des bâtisseurs de cathédrales?

M. B.: Oui, comme les autres. J’ai souhaité cela. Quand ils seront plus âgés, ils pourront ainsi retrouver ce signe du travail de leur jeunesse.

Interview swissinfo, Isabelle Eichenberger

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