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«Jamel, on t’kiffe à donf’»

La tchatche et le coeur. Keystone

Un homme seul face à 30'000 personnes. Pour le Paléo Festival, c’était une première, pour Jamel Debbouze aussi. Et le courant a magnifiquement passé entre l’humoriste et son public.

La tchatche, la sincérité, le cœur: avec de tels ingrédients, la partie était gagnée d’avance.

Il y a à peine un mois, Jamel se disait «super excité» de passer au Zénith de Paris, une salle où il a notamment vu jouer IAM. Samedi soir au Paléo, ils étaient 30’000 «dans une salle à ciel ouvert» et la tribu des rappeurs marseillais passait juste après.

Une consécration de plus pour l’humoriste qui n’en finit pas de monter après son triomphe au cinéma dans «Astérix: mission Cléopatre», de son pote Alain Chabat.

Dans le public fleurissent sourires radieux et banderoles-déclarations-d’amour. Dans les premières minutes, de longues ovations ponctuent les moindres paroles du bonhomme. Qui n’en serait pas touché? Jamel l’est sans aucun doute. Au point d’en perdre au début cette tchatche bientôt légendaire.

Il feint de se prendre pour une rock star, parle de Joey Starr, d’Ophélie Winter, de la télé, du cinéma, de son précédent spectacle. C’est un peu décousu, un peu du bla-bla et on ne voit pas encore où il veut en venir.

Mais la foule est là, bienveillante, réceptive. «Vous êtes mes cousins, leur lance Jamel. Alors, je vais vous raconter».

«La Star Ac’ ne fera rien pour vous»

Alors il raconte. Son enfance, les cités et ceux «dont le seul problème est d’y rester trop longtemps», ses frères, sa mère et son père «qui a travaillé très dur pour être pauvre».

Pas d’amertume, ni trop de colère, mais une réelle tendresse pour ce monde qu’il a vraiment connu – contrairement à un Renaud, par exemple.

Un monde où malgré la dureté du quotidien «on se marrait tout le temps», un monde «formidable, où étaient représentés les cinq continents: le continent algérien, le marocain, le tunisien, le sénégalais et l’italien».

Un monde surtout dont il a eu «la chance» de pouvoir sortir, pour habiter au Quartier Latin, dont le calme lui donne envie de réveiller ses voisins à deux heures du mat’ pour leur crier «c’est pas bientôt fini ce silence!».

Aux gamins de cités – et surtout à leurs sœurs «qui ont encore moins de bol» -, à celles et ceux pour qui «la Star Ac’ ne fera rien», Jamel ne promet pas le Grand Soir. Il demande simplement à tous les autres un peu de compréhension.

«Fumez, ceci est mes cheveux»

Dans le public, les sourires ne pâlissent pas deux heures durant. Pourtant, le spectacle n’a rien du festival de gags et de bons mots que l’on attend généralement d’un humoriste.

C’est que Jamel est un cas à part. Avec lui, c’est plus de complicité et de tendresse que l’on rit. Ce qui ne l’empêche pas de lancer quelques piques.

A la police par exemple, grâce à qui «70% des détenus des prisons françaises sont des vendeurs de cannabis».

Et d’expliquer que le problème est avant tout culturel: «si, au lieu de ‘buvez, ceci est mon sang’, Jésus avait dit ‘fumez, ceci est mes cheveux’, nous n’en serions pas là!» Nouvelle ovation du public.

Au privé pourtant, Jamel ne fume pas, ne boit pas et consomme encore moins de drogues. Mais il s’agit avant tout d’être compréhensif, de se mettre à la place de ceux qui n’ont rien d’autre à faire.

«Une enfance à courir»

Au fil des minutes, Jamel prend de l’assurance et se fait plus émouvant encore. Physiquement, il ne s’épargne aucun effort pour donner vie à ces petites tranches de vécu qu’il nous raconte.

Bondissant, sautillant, se contorsionnant dans tous les sens, il est littéralement parfait dans le rôle du gosse des banlieues souvent traqué, «qui a passé son enfance à courir».

Mais aujourd’hui, Jamel ne court plus. Et il ne cesse de remercier le ciel de l’avoir amené là où il est. On le sent totalement sincère lorsqu’il dit espérer continuer à faire ce métier le plus longtemps possible.

«De toute façon, je ne sais rien faire d’autre», lâche-t-il à la fin. Et personne ne s’en plaindra.

swissinfo, Marc-André Miserez à Paléo

– Jamel Debbouze est né en 1975, aîné d’une famille franco-marocaine de cinq enfants.

– A 14 ans, alors qu’il sèche sur les bancs de l’école, un éducateur des banlieues remarque ses dispositions théâtrales et l’entraîne à la Ligue d’improvisation française.

– Deux court métrages, un show à la radio, des chroniques sur la chaîne Canal+ et une série télévisée qui cartonne auprès des jeunes lui assurent une gloire rapide et lui permettent de monter en 1999 son premier one-man-show.

– En 2001, puis en 2002, il tourne coup sur coup dans «Le fabuleux destin d’Amélie Poulain», puis dans «Astérix: mission Cléopatre», deux des plus grands succès du cinéma français de tous les temps.

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