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«L’amour nègre», humeur et couleurs de notre planète

Le Prix Interallié 2010, joli succès pour Jean-Michel Olivier. AFP

Couronné par le Prix Interallié le 16 novembre, le roman du Genevois Jean-Michel Olivier, coédité par de Fallois/L’Âge d’Homme, met en scène le monde contemporain, son mouvement frénétique, ses jouissances et son capitalisme mondialisés…

Cinq continents, vus comme autant de personnages, dessinent la carte et le visage de «L’amour nègre». Par ordre d’apparition dans le roman: Africa, America, Oceania, Asia, Europa. Pour mettre en scène ces vénérables dames, Jean-Michel Olivier force le trait. Mieux, il cultive le cliché. Il aime bien ça, dit-il. Il s’en expliquera plus tard.

L’Afrique, donc, sa brousse, sa pauvreté, son soleil brûlant, ses bananiers, ses rivières meurtrières, ses crocodiles, la paresse des hommes, la résignation des femmes et la magie des griots pour conjurer le malheur.

L’Amérique, ses villes ultra modernes, ses limousines, ses appareils high-tech, ses somptueuses villas californiennes, son jazz, ses stars, son cinéma, celui alimenté par Hollywood. Et celui entretenu par des hommes et des femmes qui n’existent qu’à travers les fringues, les psys et l’alcool.

L’Océanie, ses îles turquoises, un petit coin de paradis couru par les paparazzi car peuplé de vedettes au visage rafistolé et aux rêves fanés.
L’Asie, son parfum de hachich et son tourisme sexuel.

L’Europe, son élégance éteinte par la névrose d’une population trop gavée. Au centre, la Suisse, et au bout de la Suisse, Genève, guerrière du capitalisme mondialisé.

«L’homme blanc n’a plus rien à désirer»

Un petit bonhomme relie les cinq continents. Quand le roman commence, il a à peine 12 ans. Il s’appelle Moussa et vit quelque part dans un village d’Afrique. Un jour son père le vend, contre un écran de télévision plat, à un couple d’acteurs américains, Matt et Dol. Deux vedettes aux élans humanistes qui multiplient les adoptions pour oublier leur érosion, comme autrefois Woody Allen et Mia Farrow.

Matt et Dol adoptent donc le garçon, le rebaptisent Adam et lui offrent la plus belle des vies à L.A. Un univers de paillettes qui s’écroule vite pour le petit africain, refilé à un ami du couple, Jack Malone (un satané playboy), puis livré à lui-même, sillonnant le monde avec comme viatique sa foi dans le bonheur.

Bonheur vs lassitude. Noir vs blanc. Afrique vs Occident. Une histoire d’humeur et de couleur. Tel est «L’amour nègre», parfois réducteur avec sa bipolarité schématique, parfois répétitif jusqu’à l’obsession, souvent juste et drôle. Juste dans sa vision d’un monde occidental qui déprime grave parce qu’il a remplacé l’amour par le sexe. Juste aussi dans sa vision d’une Afrique qui continue à rêver parce qu’elle n’est pas repue. «L’homme blanc n’a plus rien à désirer», écrit l’auteur.

C’est sans appel. Et c’est ainsi dans ce roman aux phrases toujours courtes, écrites comme dans l’urgence, sciemment froides, à l’image de cet Occident qu’elles racontent.

Monica Bellucci et George Clooney

Drôle aussi ce roman à cause d’un brouillage identitaire où se confondent les grandes figures du cinéma mondiale, les vraies, et celles inventées par l’auteur. On ne s’étonnera donc pas de voir Matt reluquer Monica Bellucci et Jack Malone prendre la place de George Clooney dans la fameuse pub pour capsules à café.

«C’était pour moi une façon d’ancrer l’histoire dans le réel, confie Jean-Michel Olivier. Toutes ces vies de stars fascinent le lecteur. Les magazines people l’ont compris depuis longtemps. Mon roman s’en fait le reflet. A ma manière, j’ai voulu travailler sur les lieux communs, c’est à dire les endroits où les vedettes se retrouvent toujours, mais aussi les clichés, tellement caractéristiques de nos sociétés».

Couronné par le Prix Interallié le 16 novembre, «L’amour nègre» met donc en scène le monde contemporain, son mouvement frénétique. «Des vies qui traversent la planète plusieurs fois», résume l’auteur, fier d’avoir été primé, comme autrefois ses compatriotes Jacques Chessex et Georges Borgeaud. Sans oublier les jeunes, Matthias Zschokke et Alain Claude Sulzer. Tous lauréats de prix parisiens très convoités.

Le prestige passe par Paris, tout le monde le sait. Le prestige et la promotion commerciale qui va avec. A L’Âge d’Homme (Lausanne), Marco Despot avoue que si « L’amour nègre » n’était pas coédité par la maison parisienne de Fallois, la vente du roman n’aurait pas dépassé les 200 exemplaires. « Avec cette coédition, on a pu en placer environ 4000 en France », se réjouit Marco Despot qui apprécie Jean-Michel Olivier.

1952: naissance dans d’une vieille famille de Nyon (Vaud).

Genève. Il passe son enfance à Genève, dans le quartier populaire de Saint-Jean.

Foot. Non loin de là, le Stade des Charmilles oriente ses émois, ce qui le fait hésiter longuement entre une carrière de footballeur et des études sérieuses.

Maîtres. Après une maturité classique, il entreprend une licence de Lettres à l’Université de Genève où il a la chance d’avoir pour maîtres Jean Starobinski, Jean Rousset, Michel Butor…

Activités diverses. Plus tard, il pratique le métier de journaliste et d’enseignant. Comme écrivain, il publie de nombreux livres sur la photographie et l’art contemporain.

Romans. Parmi ses romans citons: Le voyage en hiver, Les innocents, L’amour fantôme, La vie mécène.

L’amour nègre de Jean-Michel Olivier. Editions de Fallois/L’Âge d’Homme, Paris-Lausanne. 345 pages.

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