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“L’Eden Cinéma” de Duras fait salle comble à Strasbourg

(Keystone-ATS) “L’Eden Cinéma”, plongée dans la jeunesse indochinoise de Marguerite Duras, fait salle comble au Théâtre national de Strasbourg (TNS) avant de partir en tournée à l’automne à Paris, Grenoble et Aix-en-Provence.

Sur scène, quatre comédiens, la prodigieuse Annie Mercier (La Mère) et les non moins convaincants Alain Fromager (Le Frère), Hiroshi Ota (Mr Jo) et Caroline Proust (Suzanne) évoluent dans un décor épuré.

Ce simple cadre noir posé sur quelques planches se fait tour à tour écran de cinéma muet, crépuscule aveuglant, bungalow sur le delta du Mékong ou piste de danse au son de La Valse de l’Eden, signée par Carlos d’Alessio, compositeur de l’inoubliable thème d’India Song.

L’histoire est celle de Marie Donnadieu, la mère de Marguerite Duras, veuve partie enseigner en Indochine où elle sera aussi pianiste dans un cinéma, L’Eden de Saïgon, pour gagner quelques sous.

Son rêve indochinois se brisera lorsqu’elle engloutira sa maigre fortune, patiemment économisée, dans des terres infertiles car envahies par les eaux salées du Pacifique qu’une administration coloniale corrompue lui a cédées.

Marguerite Duras a raconté cette histoire dans “Un barrage contre le Pacifique”, roman autobiographique paru en 1950 et réécrit en 1977 pour la scène dans une langue réduite à l’os, sous le titre, L’Eden Cinéma.

Une halte à Grenoble

La pièce, dans la mise en scène millimétrée de Christine Letailleur, est traversée par un parfum d’inceste et d’érotisme, celui de l’amour fou que Suzanne porte à son frère Joseph, rappelle L’Amant, ici présent sous les traits de Mr Jo et laisse éclater la colère brute de La Mère qui tentera jusqu’à la lisière de la mort et de la déraison de faire barrage aux eaux du Pacifique.

Avant de mourir, La Mère adresse une dernière supplique aux agents du cadastre qui l’ont trompée et ruinée, fantasmant leur assassinat dans un long monologue, ultime cri de rage, bouleversant de vérité dans la voix et l’incarnation ensorcelantes d’Annie Mercier.

La pièce sera jouée jusqu’au 20 février au TNS, puis en octobre au Théâtre de la Ville-Les Abbesses, à Paris, et à l’automne à la MC2 de Grenoble et au Théâtre du Jeu de Paume d’Aix-en Provence).

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