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«L’Invitation» à Carouge de Matthias Zschokke

De gauche à droite: Maxime Leroux, Laurent Deshusses, Anne Durand et Jacques Roman. Elsa Rochaix

La dernière pièce de l'auteur bernois est donnée en création mondiale sur la vénérable scène genevoise.

C’est Michel Kullmann qui met en scène ce vaudeville épinglant la misanthropie.

Il semble flotter dans ce monde, Matthias Zschokke, un peu comme ses personnages qui manquent d’ancrage et préfèrent le rêve à un solide port d’attache. C’était le cas notamment dans sa première pièce, «l’Heure bleue ou la nuit des pirates», qui l’avait fait connaître à Genève, en 1993, grâce à la mise en scène de Martine Paschoud.

Martine Paschoud qui, dans une interview accordée récemment à la Radio Suisse Romande, disait son admiration pour le dramaturge bernois, injustement considéré à son avis, parce que «pas assez cru, pas assez brutal dans ses textes, et donc pas suffisamment dans l’air du temps».

Faux, voudrait-on lui répliquer, car il y a aujourd’hui beaucoup d’auteurs contemporains qui ne sont pas forcément violents et qui pourtant emportent l’adhésion du public hors de nos frontières. Pour preuve, Lukas Bärfuss, lui aussi alémanique, dramaturge très apprécié en France et en Allemagne notamment, dont nous avons parlé sur swissinfo en septembre dernier.

Promptitude ou dilution

Bärfuss est prompt dans ses répliques. Il a un sens inouï de l’ellipse. Ce qui convient parfaitement à notre époque pressée, où tout va vite, très vite.

Il faut donc croire que pour ce qui concerne Zschokke ce n’est pas une question de mode, mais plutôt d’écriture. L’auteur, qui vit à Berlin depuis une vingtaine d’années, où curieusement ses pièces ne sont pas montées, est tout simplement un peu trop bavard. Sa plume est trop diluée. Et ses tirades se perdent parfois dans de trop longues considérations sur la vie, envoyant promener ses personnages dans les sphères éthérées du rêve ou de la philosophie.

D’où cette sensation de flottement que procurent ses pièces. On pense surtout ici à «La Commissaire chantante», et dans une moindre mesure à «L’Invitation», la dernière œuvre du Bernois que le metteur en scène Michel Kullmann crée au Théâtre de Carouge, à Genève.

Mécanique vaudevillesque

Dans «L’Invitation», on a le sentiment que Zschokke descend un peu plus sur terre. C’est que cette «Invitation» est plus prosaïque que ses autres textes, grâce à la mécanique vaudevillesque que l’auteur met en marche ici pour épingler la misanthropie.

Au centre de sa pièce, un certain Prince. Cet homme très riche et avare, individualiste et tendre, cynique et infantile, se fait un jour inviter par un ancien ami à lui, un architecte fauché qui entend soutirer au Prince quelques gros billets pour réaliser ses projets.

Intrigue comique, donc, mais alourdie quelque peu par les élucubrations propres à l’auteur. Le repas autour duquel tourne cette «Invitation» est, néanmoins, bien allégé par le metteur en scène qui imprime à la pièce le rythme soutenu d’un jeu fantasque et loufoque.

Michel Kullmann se montre, à juste titre, moins attentif aux discours théoriques de Zschokke qu’aux fantaisies bouffonnes d’un Georges Feydeau, vers lequel il tire les personnages de la pièce.

swissinfo, Ghania Adamo

«L’Invitation» de Mathias Zchokke, à voir à Genève, Théâtre de Carouge, jusqu’au 22 octobre.
Mise en scène: Michel Kullmann
Scénographie et costumes: Jean-Claude Maret
Avec Monica Budde, Anne Durand, Martine Paschoud, Cédric Dorier, Laurent Deshusses, Maxime Leroux, Jacques Roman, Laurent Sandoz.

Matthias Zschokke est né à Berne en 1954. Après une formation d’acteur à la Schauspielschule de Zurich, il a joué trois ans à Bochum, en Allemagne.

En 1980, il va s’établir à Berlin, où il commence à écrire. Il est l’auteur de livres en prose, de pièces de théâtre et de films.

Quelques titres en français: «Max» (Ed. Zoé, 1988, «L’Heure bleue ou la nuit des pirates», (Ed. Zoé, 1993).

Matthias Zschokke a reçu notamment le Prix Robert-Walser pour «Max» et le Prix Gerhard-Hauptmann pour sa pièce «Die Alphabeten».

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