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«La médecine intégrative est la solution d’avenir»

Lors d'une conférence de presse, les sénateurs Rolf Büttiker et Simonetta Sommaruga ont présenté les arguments en faveurs des médecines alternatives. Keystone

En combinant médecine alternative et médecine classique, on obtiendrait des thérapies complètes, plus efficaces et moins coûteuses. C'est l'avis du comité «Pour la prise en compte des médecines complémentaires» en campagne en vue des votations du 17 mai.

L’objectif de l’article constitutionnel soumis au verdict populaire n’est pas d’opposer la médecine conventionnelle aux médecines alternatives. Au contraire, il s’agit de renforcer la coopération entre les diverses écoles en valorisant leur complémentarité, explique le sénateur radical (PRD / droite) Rolf Büttiker, promoteur du texte adopté par le Parlement.

«Ces deux systèmes différents ont leurs points forts et leurs faiblesses, ajoute-il. En utilisant les points forts des deux, on augmente le taux de succès des traitements.»

Ne pas rater le train

Pour Bruno Ferroni, médecin généraliste et homéopathe, il s’agit aussi d’une combinaison gagnante. «La médecine intégrative est la solution de l’avenir, car elle tient compte du dossier clinique complet de chaque individu», déclare-il.

«C’est la raison pour laquelle la Suisse, réputée pour sa médecine hautement spécialisée, ne peut pas être en retard dans ce domaine», poursuit Bruno Ferroni. Cette combinaison gagnante devrait être davantage promue et ce dans l’intérêt de la santé. C’est pourquoi, pour les partisans des médecines complémentaires, celles-ci doivent être accessibles à tous.

Par ailleurs, il est nécessaire de garantir la formation et la recherche au niveau universitaire. Aujourd’hui, la Suisse compte 250 chaires de médecine classique, mais pas une seule pour les médecines complémentaires, se lamente Bruno Ferroni. Or pour les partisans de ces médecines, il faudrait au moins onze chaires.

Réintégrer cinq médecines

Ancrer dans la Constitution fédérale l’obligation de prendre en compte les médecines complémentaires ne signifie pas ouvrir grand la porte à toute une série de traitements alternatifs pratiqués par des thérapeutes sans diplôme de médecine, soulignent les défenseurs du nouvel article constitutionnel, répliquant ainsi indirectement aux craintes exprimées par les adversaires.

Selon la sénatrice socialiste Simonetta Sommaruga, les débats parlementaires ne laissent aucun doute sur le fait qu’il s’agit uniquement de réintégrer les cinq médecines alternatives que le ministre de la Santé Pascal Couchepin a biffées du catalogue des prestations de l’assurance maladie de base en 2005: l’homéopathie, la phytothérapie, la thérapie neurale, la médecine traditionnelle chinoise et la médecine anthroposophique.

En effet, ces cinq médecines alternatives satisfont aux trois critères fixés par la loi pour le remboursement de l’assurance maladie de base, c’est-à-dire l’efficacité, l’économicité et l’adéquation des traitements, affirme Simonetta Sommaruga.

Le programme pour l’évaluation scientifique exécuté sur mandat de la Confédération est arrivé à d’autres conclusions, parce qu’il s’est basé exclusivement sur les critères de la médecine classique, argumente la sénatrice. Or ceci est contraire à un arrêt du Tribunal fédéral de 1997 selon lequel l’examen de l’efficacité ne peut pas être limité à une optique scientifique ou de médecine classique.

Réintégrer ces cinq médecines dans le catalogue des prestations remboursées par l’assurance maladie de base est un acte de «justice sociale», estime pour sa part Bruno Ferroni. Sur la base de son expérience, le médecin a en effet calculé que depuis que ces cinq médecines ont été biffées du catalogue, environ un cinquième des patients a dû y renoncer par manque de moyens financiers. Il s’agit de personnes âgées ou de personnes atteintes par des maladies chroniques ou congénitales.

Gouvernement contre Parlement?

Les défenseurs des médecines complémentaires déplorent par ailleurs la position hostile du gouvernement. Rolf Büttiker reproche en particulier à l’exécutif de ne pas informer correctement sur l’objet soumis au vote et un manque de respect par rapport à la volonté du Parlement. L’article constitutionnel a été soutenu par «pratiquement 80% des parlementaires: il jouit donc d’un solide soutien dans les différents partis», rappelle le sénateur radical.

Dans ses explications au public, le gouvernement écrit que l’article fixe un principe général sans toutefois en préciser les modalités et qu’en cas d’acceptation le 17 mai, il faudra donc légiférer sur les mesures permettant de mieux intégrer la médecine complémentaire au système de santé. «Or c’est faux», dénonce Rolf Büttiker.

Selon lui, il n’y a pas besoin de disposer de nouvelles lois ou de nouvelles réglementations pour appliquer l’article constitutionnel: celles qui sont valables pour la médecine classique suffisent. «Il manque seulement la volonté politique», ajoute Christian U. Vogel, membre de la présidence du Comité «Pour la prise en compte des médecines complémentaires».

Or c’est justement en raison de ce manque de volonté que la voie constitutionnelle a été choisie pour obtenir la reconnaissance de la médecine complémentaire, explique ses partisans. La médecine classique, en revanche, n’est pas inscrite dans la Constitution fédérale, tout simplement parce que ce n’est pas nécessaire, vu qu’elle est déjà reconnue et qu’elle n’est pas contestée, conclut Rolf Büttiker.

swissinfo, Sonia Fenazzi
(Traduction de l’italien: Olivier Pauchard)

En 1999, cinq médecines complémentaires exercées par des médecins ont été introduites provisoirement dans l’assurance maladie de base.

Durant une période d’essai de 5 ans, on a évalué si elles répondaient aux trois critères fixés par la loi pour être remboursées par l’assurance maladie de base.

Le programme d’évaluation est parvenu à la conclusion que leur efficacité n’était pas prouvée. En 2005, le ministre de la Santé Pascal Couchepin les a donc retirées du catalogue des prestations remboursées par l’assurance de base.

Les partisans des médecines alternatives ont alors recueilli 140’000 signatures pour une initiative demandant une «prise en compte complète des médecines complémentaires» par la Confédération et les cantons.

Effarouché par la notion de prise en compte «complète», le Parlement a refusé l’initiative. Il a en revanche largement accepté un contre-projet où cette notion de «complète» a été abandonnée. Satisfaits, les auteurs de l’initiative ont retiré leur texte.

Composition. Le comité compte dans ses rangs 36 sénateurs et 100 députés de tous les partis. Il englobe aussi des groupes professionnels et d’intérêts proches des médecines complémentaires.

Ses revendications. Le comité revendique la promotion de la médecine intégrative, l’intégration des médecines complémentaires dans l’assurance maladie de base, la création de diplômes fédéraux pour les thérapeutes non médecins, la préservation de la pharmacopée et la garantie de l’enseignement et de la recherche.

Large majorité. Au Parlement, l’article constitutionnel a été accepté sans opposition à la Chambre haute et par 152 voix contre 16 et 24 abstentions à la Chambre basse.

UDC. Parmi les grands partis, seule l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) recommande de rejeter ce contre-projet le 17 mai.

Efficacité. Les démocrates du centre estiment que, compte tenu des coûts déjà élevés du système de santé, l’assurance maladie de base n’a pas à rembourser des traitements qui n’ont pas pleinement prouvé leur efficacité.

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