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«Le Festival de Cannes est hors ligue»

L'affiche de Cannes 2008 devant le Palais des festivals. David Lynch

En mai dernier, le directeur artistique de Locarno Frédéric Maire était à Cannes. Loin des paillettes, il a mis une touche finale à «son» festival.

Tiziana Finzi (programmation), Nadia Dresti (industrie du cinéma), Chicca Bergonzi (Léopards de demain) seront à Cannes avec Frédéric Maire. La direction artistique du festival de Locarno au grand complet sur la Croisette. Explications.

swissinfo: Qu’allez-vous faire à Cannes, de l’espionnage industriel?

Frédéric Maire: Pas directement, même si nous aurions aimé avoir à Locarno certains des films sélectionnés. C’est la loi de la concurrence.

Cannes, pour nous, est le dernier endroit pour rediscuter avec les distributeurs, les ayants droit, les vendeurs internationaux de tous les films qui seront prêts d’ici fin juin-début juillet et qui pourraient être intéressants pour nous.

Deuxième explication: les relations publiques. A peu près tout le monde est à Cannes. Pour les horlogers, ne pas aller à la foire de Bâle serait suicidaire. Même chose pour nous.

Enfin, dans le cadre du Marché, nous allons voir un certain nombre de films en projections privées.

swissinfo: Pour Locarno, Cannes est-il un concurrent? Un exemple?

F.M.: Un concurrent, évidemment. Tous les grands festivals sont des concurrents, Venise et Cannes en particulier, étant les plus proches de nous en termes de dates.

Un exemple? Difficile à dire. Cannes joue dans une ligue qui n’est même pas la ligue A, dans laquelle nous serions. Cannes est hors ligue et Primus inter pares à tous les niveaux. C’est le plus gros marché de cinéma du monde, le plus gros festival, qui bénéficie d’un soutien extraordinaire de l’Etat, des pouvoirs publiques, de la ville.

Cannes est une véritable institution mondiale. On ne peut que s’en inspirer sur un certain nombre de lignes de sélection.

swissinfo: Quel est votre regard sur la sélection cannoise de cette année, justement?

F.M.: Je la trouve extrêmement intéressante. Elle est très diversifiée au niveau des pays. Il y a moins de films poids lourds américains, aussi parce que la grève des scénaristes fait que moins de films sont disponibles sur le marché.

On constate aussi que des régions comme l’Amérique du Sud sont extrêmement fortes et vivantes, très présentes à Locarno comme à Cannes.

L’Asie par contre est un peu absente. Le Japon par exemple n’est présent qu’avec un seul film à Cannes, ce qui dénote une sorte de «crise» du cinéma japonais contemporain. Je reviens de Tokyo, je ne peux que corroborer. Même s’il s’agit avant tout d’un phénomène cyclique.

swissinfo: Cannes, c’est aussi le glamour. Y a –t-il une pointe de jalousie à cet égard à Locarno?

F.M.: On dit toujours que Cannes est très glamour. C’est vrai qu’il y a Indiana Jones, Harrison Ford et compagnie. Et qu’il va y avoir quelques montées des marches impressionnantes, en longues robes et smokings.

Mais Locarno n’est pas jaloux. Nous n’avons pas de tapis rouge parce que cela ne fait pas partie de la ligne et du modèle de Locarno.

Ça ne nous a pas empêché l’année dernière d’avoir, en bras de chemise, Anthony Hopkins, Robert Rodriguez, Carmen Maura ou Michel Piccoli. En fait, les stars sont à Locarno. Elles sont seulement moins mises en avant.

swissinfo: Que faut-il attendre du jury présidé par Sean Penn?

F.M.: Ni Thierry Frémont ni Gilles Jacob n’en attendent grand chose. Ou plutôt, ils en attendent un bon travail: regarder les films avec attention et avoir la perspicacité de primer les films qui sont réellement les plus intéressants. Parfois ça marche, parfois non.

L’effet de groupe fait que les meilleurs films passent parfois au travers et qu’un film «plus petit dénominateur commun» est primé. Un film qui n’est pas forcément le meilleur du festival mais qui contente tous les membres du jury.

swissinfo: Si vous ne deviez aller voir qu’un film de la sélection cannoise, lequel choisiriez-vous?

F.M.: Je choisirai deux cinéastes, qui font des films totalement différents, mais dont les deux œuvres me passionnent. D’un côté, le maître absolu qu’est Clint Eastwood, avec son nouveau film en compétition. De l’autre, une cinéaste argentine qui en est à son troisième long métrage, Lucrezia Martel, dont j’attends énormément.

swissinfo: La Suisse est quasiment absente de la sélection à Cannes. Est-ce une fatalité?

F.M.: Non. Le fait que «Home» d’Ursula Meier soit présent à la Semaine de la critique est déjà un bon signal.

On peut en effet espérer que la Suisse se retrouve un jour dans des sections plus importantes. Mais là aussi, on est dans un phénomène de cycle. «Home» signale peut-être le début d’un retour à Cannes pour le cinéma suisse. On peut l’espérer.

Interview swissinfo, Pierre-François Besson

Le Festival de Cannes s’ouvre mercredi soir pour s’achever le 25 mai prochain, jour de l’attribution de la Palme d’or. Vingt-deux films sont en compétition. L’acteur et réalisateur américain Sean Penn préside le jury.

Parmi les stars présentes lors de cette 61e édition: Angelina Jolie, Scarlett Johansson, Cate Blanchett, Gwyneth Paltrow, Steven Spielberg, Clint Eastwood, Robert de Niro, John Malkovich, Harrison Ford, Javier Bardem Benicio del Toro, etc.

La Suisse est présente à travers le long métrage «Home» de la Franco-Suisse Ursula Meier, avec Isabelle Huppert, en séance spéciale dans le cadre de la Semaine de la critique.

«Blindness» de Fernando Meirelles
«Entre les murs» de Laurent Cantet
«Les trois singes» de Nuri Bilge Ceylan
«Le silence de Lorna» de Jean-Pierre et Luc Dardenne
«Un conte de Noël» d’Arnaud Desplechin
«L’échange» de Clint Eastwood
«Adoration» d’Atom Egoyan
«Waltz with Bashir» d’Ari Folman
«La frontière de l’aube» de Philippe Garrel
«Gomorra» de Matteo Garrone
«Two lovers» de James Gray
«24 City» de Jia Zhangke
«Synecdoche, New York» de Charlie Kaufman
«My Magic» d’Eric Khoo
«La femme sans tête» de Lucrecia Martel
«Serbis» de Brillante Mendoza
«Delta» de Kornel Mundruczo
«Linha de Passe» de Walter Salles et Daniela Thomas
«Che» de Steven Soderbergh
«Il Divo» de Paolo Sorrentino
«Leonera» de Pablo Trapero
«Rendez-vous à Palerme» de Wim Wenders

Principal rendez-vous du cinéma en Suisse, le Festival international du Film de Locarno a lieu cette année du 6 au 16 août.

Il a célébré l’an dernier son 60e anniversaire sur une fréquentation en légère baisse de 186’000 entrées.

Frédéric Maire en est le directeur artistique depuis août 2005.

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