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“Mafia des cigarettes”: acquittement quasi général

Le trafic de cigarettes est l'un des plus juteux pour la criminalité organisée. Keystone

Le Tribunal pénal fédéral a émis mercredi sa 2e sentence dans l'affaire «Montecristo» dite aussi de «la mafia des cigarettes». Sept des neuf prévenus sont acquittés. Le TPF confirme sa précédente décision. C'est un échec pour le Ministère public de la Confédération.

La sentence met un terme au «procès bis» qui a eu lieu en janvier dernier sous la présidence du juge Walter Wüthrich et qui a vu les témoignages de l’ex-procureure du Tribunal pénal international de la Haye Carla del Ponte et de l’ex-procureur général tessinois Paolo Bernasconi.

Elle reflète en tous points le verdict prononcé le 8 juillet 2009 et qui avait été qualifié de «surprenant et déconcertant» par le Ministère public de la Confédération (MPC).

Pas d’emprisonnement

Comme lors de la première instance, seuls deux des inculpés, des ressortissants italiens résidant au Tessin, ont écopé de deux ans et quatre mois de détention dont neuf mois à purger et de un an et neuf mois de détention avec sursis pendant trois ans. Ils ont été reconnus coupables de soutien à une organisation criminelle tout en étant acquittés de l’accusation de blanchiment d’argent.

En 2009 ils avaient respectivement écopé de deux ans et neuf mois et deux ans de prison. Compte tenu de la détention préventive, ils ne retourneront pas derrière les barreaux.

Les cautions versées par les sept prévenus acquittés leur seront restituées, mais aucune indemnité ne leur sera dévolue. Les frais de procédure seront partiellement mis à leur charge, le reste étant couvert par la Confédération. Trois des neuf inculpés étaient absents mercredi lors de la lecture du jugement.

Cuisant échec du MPC

Durant les motivations de la sentence, le président du TPF Walter Wüthrich a répété ce qu’il avait déclaré au terme du premier verdict, soit que les prévenus ont effectivement participé à un gigantesque trafic de cigarettes entre le Monténégro et l’Italie et ont encaissé d’énormes sommes. Soulignant que la contrebande n’est pas un délit pénal en Suisse, il a ajouté qu’aucune preuve n’a pu être établie quant à l’appartenance des accusés à des organisations mafieuses italiennes.

Ce second procès se conclut donc par un triomphe de la défense et un cuisant échec pour le Ministère public de la Confédération et les trois procureurs qui ont signé l’acte d’accusation de 250 pages: Adrian Ettwein, Stefan Lenz et Lienhard Ochsner. Comme en 2009, le MPC avait requis des peines fermes allant de deux ans à quatre ans et demi de réclusion.

Le MPC sort fustigé de ce procès d’appel. Comme cela a déjà été le cas par le passé, la manière d’agir du Parquet de la Confédération a fait l’objet de vives critiques. 

Mercredi, alors que les avocats des principaux accusés ne cachaient pas leur satisfaction, le procureur fédéral Lienhard Ochsner s’est brièvement entretenu avec les journalistes. Accusant le coup de cette seconde défaite, il s’est contenté de déclarer que le MPC attendait les considérants écrits du jugement avant de décider d’un éventuel recours au Tribunal fédéral (TF) à Lausanne.

Point final

Le point final devrait ainsi être mis à un cas qui a été décrit comme étant «la plus grosse affaire de crime organisé jamais jugée en Suisse». Baptisée «Montecristo», du nom d’une célèbre marque de tabac, l’enquête a démarré sous la pression de la magistrature italienne et notamment du procureur de Bari Giuseppe Scelsi. Elle a révélé le rôle de plaque tournante joué par la Suisse dans le trafic international de cigarettes de contrebande (au sens de la loi italienne où la vente de cigarettes est soumise au monopole d’Etat).

De 1996 à 2000, 212 millions de cartouches de blondes achetées dans plusieurs pays d’Europe, dont la Suisse, ont été acheminées vers le Monténégro, d’où elles ont traversé l’Adriatique en direction des Pouilles. Dans cette région, la Sacra Corona Unita dont les principaux chefs sont actuellement sous les verrous, se chargeait de la revente.

Même scénario à Naples où les cigarettes étaient prises en charge par la Camorra. L’argent provenant de ce juteux trafic aurait été blanchi en Suisse par les prévenus, une accusation rejetée par le TPF mercredi.

Ce second jugement conclut une affaire qui aura duré près de neuf ans.

Le second procès tenu devant le Tribunal pénal fédéral (TPF) de Bellinzone était nécessaire après la décision du Tribunal fédéral (TF) d’accepter le recours déposé par le Ministère public de la Confédération (MPC) contre la première sentence.

Les débats ont eu lieu en janvier dernier. L’ex-procureure du Tribunal pénal international pour les crimes de guerre de La Haye, Carla del Ponte et l’ancien procureur général du Tessin Paolo Bernasconi ont pris place sur le banc des témoins.

Le Ministère public, confirmant son acte d’accusation, a requis de deux à quatre ans et demi de réclusion pour les neuf inculpés dont une femme, tous résidant en Suisse. La défense a plaidé l’acquittement.

Le trafic de cigarettes est un commerce plus juteux encore que celui des armes et de la drogue. Il atteint un chiffre d’affaires de plusieurs milliards de dollars recyclés par la criminalité organisée.

Selon l’Union internationale contre le tabac, près de 11,6% de la production mondiale de cigarettes serait vendue chaque année sur le marché noir, ce qui signifie que 40 milliards de dollars seraient soustraits annuellement au fisc.

Le Monténégro et l’Ukraine passent pour être les principaux centres européens de ce trafic. De là, des tonnes de cigarettes de contrebande sont écoulées clandestinement dans le reste de l’Europe, en Italie notamment, où la vente de tabac est soumise à un monopole d’Etat.

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