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«Mission accomplie pour la Suisse»

Marc Furrer: «Nous avons dû jouer les médiateurs. Une tâche noble de notre diplomatie.» Keystone

Le Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) s’est terminé vendredi à Genève sur un plan et une déclaration de plus de 170 pays visant à réduire la fracture numérique.

Pour Marc Furrer, chef de la délégation suisse, le bilan de cette première phase est globalement satisfaisant.

Le but premier du Sommet était de contribuer à réduire la fameuse fracture numérique Nord-Sud.

Mais les négociations se sont rapidement empêtrées dans des questions épineuses comme la régulation d’Internet, les Droits de l’Homme ou le financement des réseaux de communication dans les pays les plus pauvres.

En tant que pays hôte du Sommet, la Suisse était chargée par les Nations Unies de jouer les intermédiaires dans les négociations de dernière minute. Lesquelles ont finalement abouti sur le brouillon d’un plan d’action et d’une déclaration de principe, adoptés vendredi.

Chef de l’Office fédéral de la communication, Marc Furrer a dirigé la délégation suisse depuis les premières réunions préparatoires. Pour swissinfo, il tire un premier bilan.

swissinfo: Après ces trois jours de Sommet et les deux ans de préparation qui les ont précédés, pouvez-vous considérer votre mission comme accomplie?

Marc Furrer: De manière générale, le bilan est assez satisfaisant. Nous pouvons donc dire que nous avons bien fait notre travail. Mais bien sûr, le processus continue. La seconde partie du Sommet se tiendra en Tunisie en 2005 et la Suisse va continuer à suivre le dossier.

swissinfo: Le SMSI est le premier Sommet organisé par la Suisse en tant que membre des Nations Unies. Peut-on dire qu’il aura mis en relief le rôle du pays en tant que médiateur neutre pour les négociations diplomatiques et même pour la résolution des conflits?

M. F.: On peut le dire, vraiment. C’est un peu la vocation de notre diplomatie de jouer les médiateurs neutres. Cette fois, nous avons dû intervenir dans les discussions entre le Nord et le Sud sur les questions de financement.

Nous avons eu également un débat très vif sur la religion. Fallait-il inclure cette dimension dans la déclaration finale? Ce n’est peut-être pas évident pour un Suisse, mais il faut comprendre qu’un gouvernement arabe n’envisage pas la question de la même manière qu’on le fait en Norvège ou en Grande-Bretagne.

Ici, nous avons donc dû jouer les médiateurs. C’est une des tâches nobles de notre diplomatie, et elle nous vaut le respect des parties impliquées. Ce qui est évidemment positif.

swissinfo: La Suisse n’a-t-elle pas sous-estimé la pression politique nécessaire pour arriver à un plan d’action et à une déclaration de principe? Avec pour résultat le retard pris par les négociations avant le Sommet?

M. F.: Pas du tout. Et je trouve stupides les accusations de certains représentants suisses de la société civile qui ont dit que nous n’avions pas vu la dimension politique des enjeux. Ces gens ne sont jamais venus nous parler sérieusement. Vous trouverez toujours des Suisses qui ne voient que l’aspect négatif des choses.

Car pour moi, il a toujours été clair que le processus était politique. Peut-être était-ce moins clair pour l’Union Internationale des Télécommunications ou pour d’autres pays, mais pas pour le gouvernement suisse.

Nous nous sommes battus pour arriver à des solutions politiques et si nous ne l’avions pas fait, nous n’aurions pas eu un Sommet pareillement politique.

swissinfo: Quelle a été votre plus grosse surprise au cours de ce Sommet, et quels enseignements allez-vous pouvoir transmettre à vos successeurs tunisiens?

M. F.: J’ai été favorablement impressionné par le niveau d’intérêt. Les événements et les plate-formes parallèles au Sommet étaient fantastiques. Il est passionnant de constater que ce type d’expositions ont un avenir, au contraire peut-être des traditionnelles foires aux télécoms.

J’ai aussi été surpris du fait que la solution la plus difficile à trouver portait sur le financement et non sur la propriété intellectuelle ou sur la régulation d’Internet.

Enfin, j’ai apprécié le climat de coopération entre les délégations des différents pays. Il n’y a pas eu de coups bas et il y avait toujours au moins un accord sur le fait que nous devions trouver des solutions.

swissinfo: Vous parlez de bilan positif, mais les leaders des pays du Nord ont brillé par leur absence à Genève. Est-ce à dire qu’ils ne soutiennent pas les objectifs du Sommet?

M. F.: N’oubliez pas que nous avons eu nombre de ministres occidentaux, à défaut de chefs d’Etat. Il est clair que les leaders européens se devaient d’être à Bruxelles, pour le Sommet sur la future constitution de l’Union.

Malgré cela, le Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin est venu à Genève, ainsi que ses homologues irlandais et finlandais.

Mais vous avez raison: on sent un certain scepticisme chez les leaders des pays du Nord, et j’espère que nous parviendrons à le vaincre. Je pense que les dirigeants qui ne sont pas venus auront réalisé que c’était une erreur de leur part et je compte bien sur leur présence à Tunis, pour la seconde phase.

swissinfo interview, Anna Nelson et Mohamed Chérif
(traduction: Marc-André Miserez)

Le premier Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) s’est déroulé à Genève, du 10 au 12 décembre.
Plus de 170 pays y ont participé.
Le 2e acte du SMSI se jouera dans deux ans, en Tunisie.

– Le SMSI, organisé sous l’égide des Nations unies, s’était fixé pour objectif de «combler la fracture numérique» entre pays riches et pays pauvres.

– A l’issue du Sommet, une déclaration de principes et un plan d’action ont été adoptés appelant à l’expansion de l’Internet et des nouveaux moyens de communication aux pays en développement, d’ici à 2015.

– La plupart des décisions délicates ont toutefois été reportées au deuxième acte du SMSI, qui sera organisé en Tunisie dans deux ans.

– Les négociateurs ne sont pas parvenus à un accord sur les questions principales qu’étaient l’éventuelle création d’une agence onusienne de gouvernance de l’Internet et la mise en place d’un fonds de financement des projets visant à réduire la fracture numérique entre pays pauvres et pays riches.

– En tant que pays hôte, la Suisse était chargée par les Nations Unies de jouer les intermédiaires dans les négociations de dernière minute.

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